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17/07/2020 | FRANCE | N°20NT00678

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 20NT00678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1902986 du 22 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce

jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 22 janvier 2020 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1902986 du 22 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 22 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé son transfert aux autorités espagnoles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert est entachée d'un défaut de motivation ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- les articles article 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus dès lors que l'Espagne présente des défaillances systémiques et qu'il est marié et père de deux filles mineures scolarisées en France ;

- les articles 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus dès lors que son épouse ne pourrait plus bénéficier en Espagne des soins qui lui sont prodigués en France et que sa famille est parfaitement intégrée en France.

Par des mémoires, enregistrés le 13 mars 2020 et le 10 juin 2020, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né en Egypte, s'est présenté à la préfecture du Calvados le 26 juillet 2019 afin d'y déposer une demande d'asile. La consultation du système Visabio a établi que le visa de l'intéressé, valable jusqu'au 7 juin 2019, avait été délivré le 17 mai 2019 par les autorités lituaniennes pour le compte des autorités espagnoles. Par un arrêté du 2 décembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a, par conséquent, décidé de transférer M. D... en Espagne, dont les autorités étaient responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 22 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par M. D... tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif, M. D... a soutenu que la décision contestée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le premier juge y a répondu, en des termes d'ailleurs suffisamment précis et explicites, au point 9 du jugement attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait omis de répondre à ce moyen manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

4. En deuxième lieu, le requérant invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne. Toutefois, ses allégations ne permettent ni de considérer que les autorités espagnoles, qui ont donné leur accord exprès à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni de supposer que, compte tenu de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne, le requérant courrait dans cet Etat membre de l'Union européenne un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

6. En l'espèce, le requérant soutient que, compte tenu de la situation de santé de son épouse, marquée par un syndrome dépressif, et de la circonstance que ses deux filles mineures sont scolarisées en France, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté qui lui était offerte par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, il n'est établi ni que l'anxiolytique prescrit à son épouse ne puisse lui être délivré en Espagne ni que, plus généralement, celle-ci ne puisse bénéficier dans cet Etat membre de l'Union d'un suivi médical adapté. En outre, compte tenu de la brièveté du séjour de la famille du requérant en France, la circonstance que les enfants mineurs de celui-ci soient scolarisées sur le territoire ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce qu'il soit transféré en Espagne, au même titre que son épouse, en vue de l'examen, par les autorités espagnoles, de leur demande d'asile. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

T. B...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00678

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00678
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LEBEY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;20nt00678 ?
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