Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1904280 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019 M. A..., représenté par
Me C..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 novembre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 6 août 2019 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer sans délai un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la circulaire du 28 juin 2012 n'était pas opposable ;
- contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Finistère, il justifie de son identité et de sa date de naissance par la production d'actes d'état civil authentiques ;
- il remplit les conditions lui permettant d'obtenir un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... ;
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien est entré en France en août 2016 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités belges le 30 juin 2016. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère du 17 août 2016 au 20 février 2017. Il a demandé un titre de séjour le 12 décembre 2018. Par un arrêté du 6 août 2019, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. A... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2020. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 août 2019 du préfet du Finistère :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. En premier lieu, le préfet du Finistère a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions rappelées au point 3 au motif qu'il était majeur lors de son entrée en France et n'avait donc pas été pris en charge entre seize et dix-huit ans par les services de l'aide sociale à l'enfance. Le préfet s'est fondé sur la circonstance que M. A... avait obtenu le 30 juin 2016 un visa de court séjour auprès des autorités consulaires belges sous une autre identité et en indiquant être né le 6 octobre 1994. Toutefois, M. A..., qui ne conteste pas avoir fait une fausse déclaration aux autorités belges dans le but d'obtenir le droit de se rendre en Europe, a produit un extrait du registre des actes de l'état civil délivré le 15 juillet 2016, un certificat de nationalité établi le même jour, une attestation d'identité délivrée le 18 juillet 2016, un passeport établi le 30 novembre 2018 et une copie du registre des actes de l'état civil datée du 30 mars 2017 selon lesquels il est né le 30 décembre 2000. Si la valeur probante de la copie du registre des actes de l'état civil a été jugée douteuse par les services de la direction zonale de la police aux frontières, M. A... a produit une note des autorités consulaires ivoiriennes en France en date du 31 mars 2017 attestant de l'authenticité de l'extrait du registre des actes de l'état civil et du certificat de nationalité du 15 juillet 2016. Par suite, et ainsi que l'a d'ailleurs retenu le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Brest dans une ordonnance de placement du 23 mars 2017, M. A... doit être regardé comme établissant être né le 30 décembre 2000. Contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Finistère dans l'arrêté contesté, il a donc été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance entre seize ans et dix-huit ans. Cet arrêté est donc entaché d'une erreur de fait et doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, être annulé.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il ressort des pièces du dossier que M A... a déposé sa demande de titre de séjour alors qu'il était dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire. Ainsi qu'il a été dit au
point 5, M. A... a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize ans et dix-huit ans.
M. A..., dont il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par le préfet qu'il constituerait une menace pour l'ordre public, a obtenu un CAP de peintre le 10 juillet 2018 et a poursuivi avec succès sa formation dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Il produit un certificat de décès de sa mère et indique sans être sérieusement contesté ne plus avoir de relation avec le reste de sa famille en Côte d'Ivoire. Il peut enfin se prévaloir d'un avis favorable de sa structure d'accueil quant à son insertion en France, avis d'ailleurs corroboré par plusieurs témoignages versés au dossier. Dans ses conditions, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique que le préfet du Finistère délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Il y a lieu d'adresser au préfet du Finistère une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Article 2 : Le jugement n°1904280 du tribunal administratif de Rennes du 21 novembre 2019 et l'arrêté du 6 août 2019 du préfet du Finistère sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du
19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente rapporteure,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
La rapporteure
N. D... L'assesseur le plus ancien
A. Mony
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04922