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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT04616

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT04616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Espagne ainsi que son arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans les huit jours à compter de la notification du jugement, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 eur

os en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert vers l'Espagne ainsi que son arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois dans les huit jours à compter de la notification du jugement, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Par un jugement n° 1907805 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 2 et 11 décembre 2019, M. D... représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 juillet 2019;

2°) d'annuler les arrêtés susvisés du 25 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui est insuffisamment motivé et n'a pas répondu à l'ensemble des moyens présentés, est entaché d'irrégularité ;

- le jugement attaqué est mal fondé :

* En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités espagnoles :

- elle est illégale du fait de l'incompétence de l'agent qui a conduit la procédure de détermination de l'Etat responsable et a procédé à l'entretien individuel ; le tribunal n'a pas répondu à la première branche du moyen entachant son jugement d'un défaut de motivation ;

- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas mention du critère sur lequel le préfet a entendu se fonder pour considérer que l'Espagne était responsable de la demande d'asile ;

- les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit Dublin III ont été méconnus ; alors qu'il ne sait ni lire ni écrire, il n'est pas démontré que les brochures qui lui ont été remises aient été traduites et lui aient été expliquées lors de l'entretien qui s'est déroulé le 19 juin 2019 ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet de Maine-et-Loire s'est cru à tort lié par les critères de détermination prévus par le règlement Dublin III et n'a pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation du requérant ;

- elle méconnaît l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit Dublin III ;

- elle méconnaît les articles 17 et 3 du règlement Dublin III ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il existe des raisons sérieuses de croire qu'il pourra être soumis à des traitements contraires à la dignité humaine en cas de transfert vers l'Espagne compte tenu du flux croissant de migrants dans ce pays, ce qui compromet les possibilités d'examen attentif de sa demande d'asile ;

* En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence, M. D... entend s'en rapporter à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 6 février 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'intéressé n'est fondé et informe la cour que M. D... a été déclaré en fuite et que cette information a été portée à la connaissance des autorités espagnoles.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me, substituant Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant congolais né le 31 décembre 1983, est entré irrégulièrement en France le 17 mars 2019. Sa demande d'asile a été enregistrée le 3 mai 2019 auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées en Espagne dans la période de douze mois précédent le dépôt de sa demande d'asile. Consécutivement à leur saisine le 3 mai 2019, les autorités espagnoles ont le 13 mai 2019 accepté de prendre en charge M. D.... Par deux arrêtés du 25 juin 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de le transférer à ces autorités et l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 25 juin 2019. Par un mémoire du 4 février 2020, le préfet de Maine-et-Loire a informé la cour que M. D... avait été déclaré en fuite.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le premier juge a répondu avec une suffisante précision dans ses points 2, 7 et 8 aux moyens tirés d'une prétendue incompétence tant du signataire de la décision portant transfert de M. D... aux autorités espagnoles que de l'agent de la préfecture qui a conduit la procédure d'entretien de l'intéressé. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 3 mai 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents lui ont été traduits par le truchement d'un interprète en langue linguala. Si le requérant soutient qu'il ne sait ni lire ni écrire, ces éléments ressortent néanmoins des termes du compte-rendu de l'entretien individuel mené le même jour sur lequel M. D..., qui y a apposé sa signature, a attesté que l'information prévue à l'article 4 lui avait été remise dans une langue qu'il comprenait reconnaissant avoir compris les informations contenues dans les documents sus mentionnés. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

7. D'une part, aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par suite, les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Le moyen tiré de ce que la décision portant transfert de M. D... serait intervenue en méconnaissance de l'article R. 742-1 doit être écarté ainsi que l'a justement estimé le premier juge qui n'a pas, contrairement à ce qu'avance le requérant, inversé la charge de la preuve.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné par les dispositions précitées, qui s'est déroulé le 3 mai 2019 dans les services de la préfecture. Cet entretien, qui a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, a été conduit en linguala, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, comme il a été indiqué au point 4. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien individuel, au cours duquel le requérant a d'ailleurs fait valoir des observations sur sa situation familiale et sa santé, aurait été conduit dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n°603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ". Il résulte, par ailleurs, de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 que constitue une preuve pour la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le résultat positif fourni par le fichier " Eurodac " par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013. Aux termes de ce dernier article : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n°604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement / (...) 5. Le système central transmet automatiquement le résultat positif ou négatif de la comparaison à l'Etat membre d'origine. En cas de résultat positif, il transmet, pour tous les ensembles de données correspondant au résultat positif, les données visées à l'article 11, points a) à k), en même temps que la marque visée à l'article 18, paragraphe 1, le cas échéant ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " (...) 2. Dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable, des éléments de preuve et des indices sont utilisés. (...) a) Eléments de preuve - i) Il s'agit de la preuve formelle qui détermine la responsabilité en vertu du présent règlement, aussi longtemps qu'elle n'est pas réfutée par une preuve contraire. (...) b) Indices - i) Il s'agit d'éléments indicatifs qui, tout en étant réfutables, peuvent être suffisants, dans certains cas, en fonction de la force probante qui leur est attribuée. ii) Leur force probante, pour ce qui est de la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale, est traitée au cas par cas. (...) 4. L'exigence de la preuve ne devrait pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la bonne application du présent règlement. (...) ".

10. Il ressort de la fiche décadactylaire n° ES21838699690 produite par le préfet qu'ont été relevées les empreintes de tous les doigts de M. D... dans la partie intitulée " empreintes roulées " et dans celle intitulée " empreintes de contrôle ". La fiche décadactylaire n°FR19930264738, également produite par le préfet, comporte, quant à elle, les empreintes de six doigts de l'intéressé dans la partie " empreintes roulées " et de six doigts également dans la partie " empreintes de contrôle ". Si ce relevé d'empreintes est incomplet au regard des dispositions citées, cette seule circonstance ne suffit pas à mettre en doute la fiabilité de la comparaison des données dactyloscopiques effectuée avec les données conservées dans le système central Eurodac et à établir que l'intéressé n'a pas franchi irrégulièrement la frontière espagnole dans la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile alors que le courrier du 3 mai 2019 informant le préfet du résultat des recherches entreprises sur le fichier Eurodac indique sans émettre la moindre réserve " qu'il ressort de l'examen méthodique que les empreintes saisies [...] sont identiques à celle relevées le 19 décembre 2018 par les autorités espagnoles sous le numéro ES21838699690 " et " qu'il est possible d'affirmer que toutes les empreintes concernées et analysées lors de la validation des présentes recherches ont été produites par une seule et même personne ". Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées.

11. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un Etat " Dublin " respecte ses obligations découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

13. D'une part, il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance des énonciations de la décision contestée comme des autres pièces versées au dossier que le préfet de Maine-et-Loire se serait cru tenu par les critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile du requérant et que cette autorité aurait ainsi omis d'examiner la possibilité de conserver l'examen de sa demande d'asile, ainsi que le permet notamment l'article 17 précité. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit, par suite, être écarté.

14. D'autre part, la décision de transfert n'a pas pour objet d'éloigner le requérant vers son pays d'origine. Par ailleurs, M. D... soutient que les autorités espagnoles sont confrontées à un afflux massif de migrants, sans précédent, entraînant de grandes difficultés pour traiter les demandes d'asiles correspondantes et fait état d'une situation dégradée de l'accueil des demandeurs d'asile en Espagne. Toutefois, l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, M. D... n'établit pas l'existence de défaillances en Espagne qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ensuite, si un rapport du Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui est versé aux débats, relève une nouvelle hausse des arrivants en Espagne en 2018 avec 62 479 arrivées au cours de cette année, ce qui fait de ce pays la " première porte d'entrée " vers l'Europe, ce simple constat n'établit aucune difficulté structurelle qui pourrait être regardée comme révélant une défaillance systémique. Ainsi, les circonstances invoquées par M. D... ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait ainsi méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013.

15. En cinquième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".

16. Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles serait intervenue en violation de ces dispositions, M. D... n'invoque aucune circonstance autre que celle mettant en cause le dispositif d'accueil et de traitement des demandes d'asile en Espagne évoquée au point 14 et qui le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Pour les motifs rappelés ci-dessus, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

17. Pour le surplus, M. D... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 25 juin 2019 décidant son transfert a été pris par une autorité compétente, qu'il est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

18. En premier lieu, M. D... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 3 et 17, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert.

19. En second lieu, pour le surplus, M. D... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 25 juin 2019 l'assignant à résidence ne méconnait pas l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision étant suffisamment motivée en fait, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa liberté d'aller et venir.

20. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 juin 2019 décidant de son transfert aux autorités espagnoles et l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

O. B...

Le président,

H. LENOIR

La greffière

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 19NT04616 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04616
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt04616 ?
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