Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Juvette Izwe Mokango a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1902788 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2019 le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 octobre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Izwe Mokango devant le tribunal administratif d'Orléans.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la reconnaissance des enfants de Mme Izwe Mokango par un ressortissant français est entachée de fraude ;
- les autres moyens soulevés par la requérante devant le tribunal administratif d'Orléans doivent être écartés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2020 Mme Izwe Mokango, représentée par Me Mongis, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) de rejeter la requête du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet d'Indre-et-Loire ne sont pas fondés.
Mme Izwe Mokango a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tiger-Winterhalter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme Izwe Mokango, ressortissante congolaise (RDC), déclare être entrée en France en janvier 2013. Elle a demandé le 4 juillet 2018 un titre de séjour en qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 26 avril 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Le préfet d'Indre-et-Loire relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
1. M. Izwe Mokango a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2020. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 26 avril 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'après le rejet de sa demande d'asile le 13 août 2014 par l'OFPRA puis le 12 mars 2014 par la CNDA, Mme C..., qui avait donné naissance le 15 octobre 2013 à des jumelles prénommées Mayana Akacias Muluka et Maylis Olga Muluwa, reconnues par M. D..., qui possède la nationalité française, a sollicité un titre de séjour en sa qualité de parent d'enfants français, Toutefois Mme C... ne démontre pas avoir entretenu une relation avec M. D... avant ou après son arrivée en France, ni que celui-ci contribuerait à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ou maintiendrait un lien avec eux. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. D... a effectué une autre reconnaissance de paternité au bénéfice d'une mère en situation irrégulière et qu'il n'était pas présent lors de l'entretien auquel l'avait convié le préfet le 24 avril 2019. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire doit être regardé comme apportant la preuve de l'existence d'une fraude. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté contesté au motif que le préfet avait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 3. Le jugement attaqué doit donc être annulé.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Izwe Mokango devant le tribunal administratif d'Orléans.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par la secrétaire générale de la préfecture d'Indre-et-Loire en vertu d'une délégation de signature du 7 janvier 2017 régulièrement publiée l'y autorisant. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit donc être écarté.
7. La circonstance que l'arrêté contesté mentionnerait par erreur que
Mme Izwe Mokango serait entrée en France en février 2013 alors qu'elle était enceinte de quatre mois n'est pas, en tout état de cause, de nature à infirmer l'existence d'une fraude à la reconnaissance de paternité, motif retenu par le préfet d'Indre-et-Loire pour prendre l'arrêté contesté. Elle est donc sans incidence sur la légalité de cet arrêté.
8. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de destination de cette mesure seraient privées de bases légales doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 26 avril 2019.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du ministre de l'intérieur.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par Mme Izwe Mokango.
Article 2 : Le jugement n°1902788 du tribunal administratif d'Orléans du 17 octobre 2019 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme Izwe Mokango devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Juvette Izwe Mokango et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente rapporteure,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
La rapporteure
N. Tiger-Winterhalter L'assesseur le plus ancien
A. Mony
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04401