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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT04159

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT04159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., épouse A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2019 du préfet du Finistère les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1904129, 1904130 du 25 septembre 2019 le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT04159 le

25 octobre 2019 Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de prononcer son ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., épouse A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2019 du préfet du Finistère les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1904129, 1904130 du 25 septembre 2019 le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT04159 le 25 octobre 2019 Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 25 septembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet du Finistère l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet, qui s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation préalablement à l'édiction de sa décision ;

- en prenant cette décision sans tenir compte des informations dont il disposait et de la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'illégalité de cette décision prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;

- cette décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle s'en rapporte pour le surplus aux moyens invoqués dans sa demande de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 19NT04160 le 25 octobre 2019 M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 25 septembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet du Finistère l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance 19NT04159 visée ci-dessus.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants serbes, relèvent appel du jugement du

25 septembre 2019 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 24 juillet 2019 du préfet du Finistère les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Les requêtes de M. et Mme A... enregistrées sous les numéros 19NT04159 et 19NT04160, dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur les demandes d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 5 décembre 2019. Par conséquent, leurs demandes d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-4 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, saisir le collège de médecins mentionné à l'article R. 511-1 de ce code.

5. D'une part, si les requérants soutiennent qu'antérieurement aux arrêtés contestés, ils avaient demandé et obtenu des rendez-vous en préfecture aux mois d'octobre et décembre 2019 qui devaient leur permettre de procéder à la présentation de demandes de titres de séjour pour raisons médicales et, d'autre part, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait enregistré dès 2018 un " kit medzo " au nom de M. A..., les intéressés n'établissent que le préfet du Finistère aurait eu connaissance, avant l'édiction des arrêtés contestés, d'informations précises et circonstanciées relatives à leur état de santé. Par suite et à supposer que les requérants aient entendu se prévaloir d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par les requérants, que Mme A... souffre d'un syndrome

anxio-dépressif et d'un diabète insulino-dépendant ayant conduit à des hospitalisations en 2017 et 2018 et que M. A... est atteint d'insuffisance rénale terminale avec hémodialyse trois fois par semaine avec un projet d'inscription sur liste de transplantation. Toutefois, si les intéressés soutiennent que leur état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils n'allèguent ni n'établissent qu'ils ne pourraient bénéficier effectivement de traitements approprié à leur état de santé dans leur pays d'origine. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées les obligeant à quitter le territoire français auraient été prises en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, M. et Mme A..., entrés irrégulièrement en France le

26 décembre 2016 selon leurs déclarations, soutiennent que leurs deux plus jeunes enfants qui les ont accompagnés, admis en classes respectivement de 1ère et de 2nde à la date des arrêtés contestés, témoignent par leur réussite scolaire d'une forte volonté d'intégration. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les requérants, qui n'ont été admis au séjour qu'en qualité de demandeurs d'asile, ne justifient pas d'une particulière intégration sociale, linguistique et professionnelle, n'apportent aucun élément de nature à établir que leurs enfants ne pourraient pas reprendre leur scolarité en cas de retour dans leur pays d'origine et n'allèguent ni n'établissent être dépourvus de toute attache familiale dans ce pays. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. et Mme A..., les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, en prenant ces décisions, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de déterminer un pays de destination.

9. En quatrième lieu, M. et Mme A... soutiennent qu'ils craignent de retourner en Serbie, pays qu'ils ont quitté en raison des nombreuses violences et discriminations qu'ils y ont subies du fait de leur appartenance à la communauté rom, ainsi qu'en attestent les constatations effectuées par la médecine légale. Toutefois, en se bornant à se référer aux récits de vie qu'ils ont établis dans le cadre de leurs demandes d'asile, alors que ces dernières ont été rejetées par des décisions du 19 décembre 2018 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 29 mai 2019 par la Cour nationale du droit d'asile, et en se prévalant des certificats médicaux du 13 mai 2019 qui ne relèvent aucune spécificité aux éléments cicatriciels constatés et n'attestent pas d'un lien de causalité entre les lésions observées et les violences alléguées, les requérants n'établissent pas qu'ils encourraient personnellement le risque d'être exposés à des mauvais traitements en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions contestées fixant le pays de destination auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

10. Pour le surplus, M. et Mme A... se bornent à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance et tirés de ce que les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une insuffisance de motivation, d'un défaut d'examen de leur situation, d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et de ce que les décisions fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... et de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Les requêtes n° 19NT04159 et 19NT04160 de Mme A... et de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., épouse A..., à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. Berhon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

La rapporteure

N. F...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT04159, 19NT041605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04159
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CUGNY-LARREY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt04159 ?
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