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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT03678

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT03678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Bangui (Centrafrique) du 1er février 2018 rejetant la demande de visa de long séjour formée pour M. F... C... H... qu'elle présente comme son fils.

Par un jugement n° 1809888 du 22 février 2019, le tribunal admi

nistratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Bangui (Centrafrique) du 1er février 2018 rejetant la demande de visa de long séjour formée pour M. F... C... H... qu'elle présente comme son fils.

Par un jugement n° 1809888 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2019, Mme C..., représentée par Me Rodrigues Devesas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, en se fondant sur les mentions des registres de la maternité pour estimer que le lien de filiation n'était pas établi, la commission a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

- c'est, en revanche, à tort que le tribunal a fait droit à la demande de substitution de motifs et retenu que les documents d'état civil produits n'étaient pas authentiques ;

- cette demande de substitution de motifs a été formée dans un mémoire qui lui a été communiqué le 25 janvier 2019 de sorte qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience ;

- le refus de visa est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 22 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 21 juin 2018 rejetant le recours formé contre le refus opposé à la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée en qualité d'enfant mineur d'une ressortissante française par M. F... C... H..., ressortissant centrafricain né le 11 mars 2000, que la requérante présente comme son fils.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de procédure que le mémoire en défense du 25 janvier 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a demandé une substitution de motifs à laquelle le tribunal a, par le jugement attaqué, fait droit a été mis à la disposition du conseil de Mme C... le vendredi 25 janvier 2019 à 18h31. La date de l'audience fixée au 1er février 2019 ayant été maintenue, la clôture de l'instruction est intervenue, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant cette date, soit le lundi 28 janvier 2019 à minuit. La requérante est ainsi fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai lui permettant de répondre utilement au premier mémoire en défense de l'administration et notamment à la demande de substitution de motifs qu'il contenait. Le tribunal a, dès lors, méconnu le caractère contradictoire de la procédure et entaché son jugement d'irrégularité.

3. Il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour maintenir le refus de visa en litige, sur le fait que " après vérification auprès de la maternité où aurait accouché Mme E... C..., le registre indique que la mère du demandeur est Aurélie C... " de sorte que ni l'identité du demandeur ni son lien de filiation avec la requérante n'étaient établis. En se fondant sur cette seule circonstance pour écarter les documents d'état civil produits à l'appui de la demande de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. L'administration peut, toutefois, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le ministre de l'intérieur fait valoir, pour établir la légalité de la décision attaquée, que les incohérences entachant les documents d'état civil produits par les intéressés font obstacle à ce que le lien de filiation revendiqué soit tenu pour établi.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa, ont été présentées les copies de deux actes de naissance distincts, l'un portant le n° 2000 00 01 05 206 et l'autre le n° 2006 00 01 05 206. Le premier fait état d'une déclaration de naissance reçue de la mère le 25 mars 2000 tandis que le second indique que la naissance a été déclarée le 10 octobre 2006 " En transcription du jugement supplétif d'acte de naissance n° 2682 du 02/08/2006 du T.G.I Bangui / Par la soeur Marie Julienne, sage-femme ". La requérante n'apporte aucune explication quant aux raisons qui l'auraient conduite à solliciter un jugement supplétif d'acte de naissance, lequel n'est d'ailleurs pas produit aux débats, alors qu'elle disposait d'un premier acte de naissance. En outre, l'acte de naissance qui aurait été dressé en 2006 sur le fondement d'un jugement supplétif se réfère également à la déclaration d'une sage-femme. En l'absence de toute précision, cette référence doit être regardée comme une anomalie de nature à priver cet acte de toute valeur probante. Enfin, si les deux actes de naissance considérés comportent une numérotation dont la première partie, correspondant à l'année d'établissement de l'acte, diffère, le reste de la numérotation est identique. Cette coïncidence n'est pas davantage expliquée. Dans ces conditions, eu égard aux anomalies relevées par le ministre de l'intérieur, lesquelles ne sont pas précisément expliquées par Mme C..., les documents d'état civil produits ne permettent pas, par eux-mêmes, d'établir le lien de filiation entre la requérante et le demandeur du visa. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce motif. Il y a lieu de procéder à la substitution demandée par le ministre de l'intérieur, laquelle ne prive la requérante d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué.

9. En second lieu, dès lors que le lien de filiation revendiqué ne ressort pas de pièces du dossier, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 21 juin 2018. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... C... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M. L'hirondel, premier conseiller,

Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

K. Bougrine

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03678
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt03678 ?
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