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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT03549

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT03549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n°1700078, l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", le centre équestre " Poney Evasion ", M. et Mme F... E..., M. et Mme H... M..., M. et Mme S... T..., M. S... R..., Mme V... AA..., M. W... AA..., M. et Mme AC... Y..., Mme V... AE..., M. et Mme O... X..., M. et Mme J... I..., M. et Mme B... C..., M. N... L..., M. et Mme G... Z... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Lo

ire a accordé à la société Ferme éolienne du Pays de Flée le permis de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, enregistrée sous le n°1700078, l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", le centre équestre " Poney Evasion ", M. et Mme F... E..., M. et Mme H... M..., M. et Mme S... T..., M. S... R..., Mme V... AA..., M. W... AA..., M. et Mme AC... Y..., Mme V... AE..., M. et Mme O... X..., M. et Mme J... I..., M. et Mme B... C..., M. N... L..., M. et Mme G... Z... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Loire a accordé à la société Ferme éolienne du Pays de Flée le permis de construire une éolienne (E1) sur un terrain situé " Grande pièce de la Bigaterie " au lieu-dit " Pâture de la Bigaterie " sur le territoire de la commune de La Ferrière-de-Flée (Maine-et-Loire), l'arrêté rectificatif du 20 juillet 2016 par lequel la même autorité a accordé à la société Ferme éolienne du Pays de Flée le permis de construire une éolienne (E1) et un poste de livraison sur ce terrain, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1700079, les mêmes ont demandé à ce tribunal d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Loire a accordé à la société Ferme éolienne du Pays de Flée le permis de construire trois éoliennes (E2, E3, E4) sur un terrain situé aux lieux-dits " Pré de l'étang " et " Pré du Veaufleury " sur le territoire de la commune de Saint-Sauveur-de-Flée (Maine-et-Loire), ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n°s 1700078,1700079 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2019 et le 19 juin 2020, l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", le centre équestre " Poney Evasion ", M. F... E... et Mme U... D..., M. et Mme H... M..., M. et Mme S... T..., M. S... R..., Mme V... AF..., M. W... AF..., M. et Mme AC... Y..., Mme V... AE..., M. et Mme O... X..., M. et Mme J... I..., M. et Mme B... C..., M. N... L..., M. et Mme G... Z..., représentés par Me de Bodinat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 juin 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de Maine-et-Loire des 6 juillet 2016 et du 20 juillet 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs requêtes, tant en première instance qu'en appel, sont recevables dès lors qu'ils ont justifié disposer, chacun, d'un intérêt à agir ;

- l'étude d'impact produite à l'appui de la demande de permis de construire est insuffisante en tant qu'elle porte sur les mesures compensatoires paysagères et environnementales, sur l'étude chiroptérologique, sur le volet paysager, sur l'appréhension des impacts du projet sur les activités équestres et équidés et sur les conditions de raccordement ;

- les permis de construire contestés méconnaissent les dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme compte tenu de l'intérêt chiroptérologique du territoire ;

- eu égard aux effets du projet sur le site d'implantation caractérisé par la qualité de son patrimoine architectural et son intérêt touristique, les dispositions de l'article R. 111-27 du même code ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé en s'en remettant notamment aux écritures de première instance produites par le préfet de Maine-et-Loire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, la société Ferme éolienne du Pays de Flée, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, que le principe de spécialité de l'association a été méconnu et que les requérants, personnes physiques, n'établissent pas leur intérêt à agir.

- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un courrier du 12 mars 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions en ce qu'elles tendent à l'annulation du permis de construire n° PC 049 319 15 N0033 du 6 juillet 2016 en tant qu'il porte sur l'éolienne E2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de Me Echezar, représentant l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", représentant unique des requérants, et de Me Bergès, substituant Me Elfassi, représentant la société Ferme éolienne du Pays de Flée.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne du Pays de Flée a présenté, le 30 juillet 2015, deux demandes de permis de construire pour l'implantation dans le département du Maine-et-Loire d'un parc éolien, l'un portant sur une éolienne (E1) et un poste de livraison au lieu-dit " Pâture de la Bigaterie " à La-Ferrière-de-Flée, l'autre sur trois éoliennes (E2, E3 et E4) au lieu-dit " Pré-de-l'Etang " à Saint-Sauveur-de-Flée. Par deux arrêtés du 6 juillet 2016, la préfète de Maine-et-Loire a délivré à la pétitionnaire les permis de construire sollicités, l'un sous le n° PC 049 136 15 0004 portant sur l'éolienne E1, l'autre sous le n° PC 049 319 15 N0033 portant sur les éoliennes E2, E3 et E4. La préfète a, par ailleurs, délivré le 20 juillet 2016, un arrêté rectificatif du permis de construire n° PC 049 319 15 N0033 afin d'y intégrer le poste de livraison. L'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres relèvent appel du jugement du 28 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 juillet 2016 et du 20 juillet 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'éolienne E2 :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté modificatif du 24 juin 2019, soit antérieurement à l'introduction de la requête, le préfet de Maine-et-Loire a accordé à la société Ferme éolienne du Pays de Flée un permis de construire modificatif portant retrait de l'autorisation de construire l'éolienne E2 figurant dans le permis de construire initial n° PC 049 319 15 N0033 du 6 juillet 2016. Ce permis de construire en tant qu'il porte sur l'éolienne E2 avait ainsi disparu de l'ordonnancement juridique à la date de l'introduction de la requête. Par suite, les conclusions des requérants tendant à l'annulation du permis de construire n° PC 049 319 15 N0033 du 6 juillet 2016 en tant qu'il porte sur l'éolienne E2 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

En ce qui concerne les éoliennes E1, E3 et E4 :

S'agissant de la composition du dossier de demande de permis de construire :

3. L'article R. 431-4 du code de l'urbanisme énumère de façon limitative les informations et pièces que doit contenir la demande de permis de construire. Selon l'article R. 431-8 de ce code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Selon l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

4. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. Aux termes de l'article R. 431-16 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) Lorsqu'elles sont exigées au titre du permis de construire auquel est soumis le projet figurant dans l'énumération du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, l'étude d'impact ou la décision de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispensant le demandeur de réaliser une étude d'impact ; (...) ". Aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I.- Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une étude d'impact en application de l'article L. 122-1 à l'exception : (...) - des demandes de permis de construire (...) portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une étude d'impact après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. Les dossiers de demande pour ces permis sont soumis à une procédure de mise à disposition du public selon les modalités prévues aux II et III de l'article L. 120-1-1 ".

5. D'une part, selon l'article R. 122-2 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable et du tableau qui lui est annexé, la réalisation d'une étude d'impact est systématiquement exigée pour les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation d'exploiter dans le cadre de l'instruction de cette autorisation. Tel est, notamment, le cas des " installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs, dont un au moins doté d'un mât d'une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres ", mentionnées dans la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement. Par suite, la production d'une étude d'impact étant exigée, non pas dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire mais dans celle de l'autorisation d'exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, la circonstance que l'étude jointe serait, en l'espèce, insuffisante au regard des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement en ce qui concerne l'étude chiroptérologique, l'étude des effets cumulés, les mesures compensatoires, la présentation des conditions de raccordement extérieur et les effets du projet sur les activités équestres et les équidés est sans incidence sur la régularité de la composition du dossier de demande de permis de construire.

6. D'autre part, si la régularité de la procédure d'instruction du permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, le caractère insuffisant de l'un de ces documents au regard de ces dispositions ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées.

7. En l'espèce, l'étude d'impact, si elle a été réalisée, ainsi qu'il a été dit, dans le cadre d'une législation distincte, a néanmoins permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement en apportant des informations prévues notamment à l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme et au c) et d) de l'article R. 431-10 du même code. A l'étude d'impact était annexée une étude paysagère de 154 pages qui contient de nombreux photomontages, lesquels mentionnent notamment les coordonnées de la prise de vue, la focale utilisée et la distance des éoliennes la plus proche et la plus éloignée, permettant ainsi d'apprécier l'insertion des machines dans leur environnement. La méthodologie utilisée pour procéder à l'évaluation des impacts paysagers est précisée à la page 96 de ce document. Selon l'avis de l'autorité environnementale du 10 février 2017, " l'état initial a été réalisé avec sérieux, en employant des méthodes pertinentes et fiables pour chaque thématique. S'agissant des milieux naturels, il permet de retranscrire clairement les divers niveaux d'enjeux, notamment pour les oiseaux et chauves-souris et d'apprécier les impacts du projet. / Le dossier a procédé à une analyse complète du paysage en prenant en considération différentes composantes, à diverses échelles, et les perceptions du projet éolien depuis de nombreux points de vue. Le travail fourni permet d'appréhender quelle pourrait être la perception des machines de grande hauteur dans ce paysage, mais aussi d'évaluer les impacts sur des enjeux du patrimoine identifié à proximité du projet éolien ". Dans ces conditions, les photomontages réalisés par les requérants, dont la méthodologie n'est pas précisée, n'est pas de nature à remettre en cause la sincérité de ceux contenus dans le volet paysager. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'appréciation portée par l'administration sur l'impact du parc éolien sur les lieux de vie des riverains et les monuments historiques aurait été viciée du fait du caractère trompeur ou insuffisant des photomontages.

S'agissant de l'impact du projet sur les chiroptères et l'avifaune :

8. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être. Il est constant que le parc éolien en litige est soumis, au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, à une autorisation d'exploitation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, pour contester la légalité des permis dont il s'agit au regard des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme, de la circonstance, qui concerne l'exploitation de l'installation, de ce que le projet aurait pour effet de porter atteinte à la préservation des chiroptères, des oies sauvages et à un couple de busards Saint-Martin.

S'agissant de l'impact du projet sur le paysage, les éléments patrimoniaux et les lieux de vie proche :

10. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

Quant à la conservation des perspectives monumentales :

11. Le présent litige porte sur l'implantation de trois éoliennes d'une hauteur de 150 mètres en bout de pale et un poste de livraison sur le territoire des anciennes communes de Saint-Sauveur-en-Flée et de Ferrière-de-Flée (Maine-et-Loire). Il ressort des pièces du dossier, notamment du volet paysager de l'étude d'impact, que la zone d'implantation potentielle (ZIP), dans laquelle doivent s'intégrer ces éoliennes, est constituée de sept secteurs morcelés, formés majoritairement de parcelles agricoles cultivées et de prairies, avec un réseau de haies disparate et quelques boisements. Cette zone s'insérera à l'intérieur des grandes unités paysagères des départements du Maine-et-Loire et de la Mayenne formées par le Segréen et les plateaux du Haut Anjou. L'aire d'étude éloignée, située dans un rayon de seize kilomètres par rapport au site projeté, et comprenant notamment la vallée de la Mayenne et celle de l'Oudon, est caractérisée par la présence du bocage et les ondulations du relief qui limitent fortement les vues lointaines, de sorte qu'il n'y a pas d'enjeu paysager pour l'habitat ou le patrimoine protégé. Le périmètre d'étude intermédiaire, compris dans un rayon d'environ neuf kilomètres, concerne deux secteurs distincts, l'un à l'ouest de la vallée de l'Oudon, et l'autre, entre cette vallée et celle de la Mayenne. Le secteur à l'ouest de la vallée de l'Oudon est marqué par un relief en " tôle ondulée " faisant succéder, selon une direction Est-Ouest, des vallées et des lignes de crêtes alors que le second secteur est marqué par un relief de plateaux présentant quelques vallonnements de direction également Est-Ouest. Dans la partie sud de l'aire intermédiaire, la maille bocagère est dense et relativement bien conservée, limitant les vues sur le parc éolien du fait de la présence des haies bocagères. Au Nord, si le relief est plus doux et les parcelles plus larges, les vues sont néanmoins tronquées par les haies bocagères au loin. Quelques secteurs dégagés peuvent néanmoins avoir des vues lointaines en point haut au-dessus du bocage. S'agissant du patrimoine, les vues sont le plus souvent arrêtées par les parcs boisés les cernant ou le bocage existant. Quant au relief de l'étude rapprochée, compris dans un rayon d'environ 3,5 kilomètres, il est marqué par un plateau doucement ondulé entre les vallées de l'Oudon et de la Mayenne, une ondulation, qui forme une légère ligne de crête, passant au sud de la ZIP par le bois de La Ferrière et une autre, parcourue par une route, passant par le centre de cette même zone. Le bocage, qui y est plus ou moins lacunaire, forme des écrans visuels, venant atténuer les vues sur le parc éolien. En revanche, les secteurs dégagés pourront avoir des vues relativement larges sur la ZIP. Dans ces conditions, si les éoliennes doivent ainsi s'implanter dans un milieu bocager, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des nombreuses coupures formées par le relief et la végétation limitant l'impact visuel, que les éoliennes, en dépit de leur hauteur, présenteraient une visibilité significative sur le paysage.

12. Les requérants soutiennent, toutefois, que les éoliennes projetées sont de nature à porter atteinte au château du Tilleul, au domaine de Veaufleury et au château de Mortiercrolles à Saint-Quentin-les-Anges.

13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du volet paysager, en particulier des photographies et des photomontages qu'il contient, lesquels, ainsi qu'il a été dit au point 7 permettent d'appréhender la perception des machines de grande hauteur dans ce paysage sans qu'ils puissent être utilement remis en cause par ceux produits par les requérants, que si le parc entourant le château du Tilleul n'empêche pas quelques percées visuelles vers l'extérieur, aucune vue ne donnera toutefois sur la ZIP, située à 900 mètres, ainsi qu'il résulte des photomontages n°27 de la page 67. Compte tenu de l'existence de ce parc, la seule référence à un profil altimétrique n'est pas de nature à établir une visibilité significative entre ce château et les éoliennes. Il en est de même s'agissant du château de Mortiercrolles, situé à 3,2 km, qui est entouré, ainsi que le souligne l'architecte des bâtiments de France de la Mayenne dans son avis du 14 avril 2015, " d'une épaisse futaie qui l'étouffe et le dissimule depuis le village et le CD 25 en direction de Segré ". En outre, il résulte des photomontages 20 bis et 21 bis de l'étude paysagère que les éoliennes ne seront pas visibles ou faiblement visibles, même en tenant compte des futures ouvertures envisagées sur le parc par les propriétaires de ce monument. Enfin, le domaine de Veaufleury, dont la plus proche éolienne est située à environ 500 mètres, a fait l'objet, selon l'avis de l'architecte des bâtiments de France de Maine-et-Loire du 18 novembre 2016, d'une restauration et est entouré de jardins, qu'il qualifie de remarquables, de nature à mettre en valeur cet édifice. Il ressort cependant de cet avis, ainsi que des conclusions motivées du commissaire enquêteur, que l'intérêt de ce site est plus particulièrement susceptible d'être remis en cause par l'implantation inappropriée de l'éolienne E2. L'autorité administrative a toutefois retiré, ainsi qu'il a été dit au point 2, le permis de construire en tant qu'il porte sur cette éolienne. Il ne ressort pas, en revanche, des pièces du dossier, que le parc éolien réduit aux trois autres éoliennes E1, E3 et E4 porterait une atteinte significative à ce site qui, au surplus, ne bénéficie d'aucune protection particulière au titre de la législation sur les monuments historiques ou pour ses jardins.

Quant à l'atteinte portée aux lieux de vie :

14. Si le secteur d'implantation du parc éolien, qui présente un caractère rural, comprend de nombreuses habitations regroupées dans des hameaux ou dans des zones d'habitats plus diffus, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est ni même établi ou allégué, que ces lieux de vie, notamment à l'intersection D25/D230 à la sortie de la commune de La-Ferrière-de-Flée ou à l'arrivée et à la sortie de Saint-Sauveur-de-Flée, feraient l'objet d'une protection ou présenteraient un intérêt particulier au sens des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Quant à l'insertion de l'éolienne E1 dans le paysage :

15. Si l'éolienne E1 est située à environ 1,2 km de l'éolienne E3 la plus proche, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit une telle configuration. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, que la configuration retenue, compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 et 14 et du nombre limité de machines, porterait une atteinte excessive aux paysages naturels ou à l'intérêt des lieux. En tout état de cause, et ainsi qu'il ressort de l'autorisation d'exploiter délivrée le 28 février 2019 par le préfet de Maine-et-Loire à la société Ferme éolienne du Pays de Flée, la suppression de l'éolienne E2 permet d'obtenir une implantation linéaire des trois autres éoliennes permettant une meilleure insertion paysagère du parc éolien. Dans ces conditions, la branche du moyen en tant qu'elle porte sur l'éolienne E1 ne peut être qu'écartée.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres la somme que la société Ferme éolienne du Pays de Flée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée " et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Ferme éolienne du Pays de Flée au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Bien vivre dans le Pays de Flée ", représentant unique désigné par Me Echezar, mandataire, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la société Ferme éolienne du Pays de Flée.

Une copie du présent arrêt sera notifiée au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT03549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03549
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET BCTG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt03549 ?
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