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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT02940

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT02940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 23 août 2018 par laquelle les autorités consulaires à Fès ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français, d'autre part, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1900429 du 15 mai 2

019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, la décision du 23 août 2018 par laquelle les autorités consulaires à Fès ont refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français, d'autre part, la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1900429 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juillet 2019, 4 mars et 16 mars 2020, Mme E... H..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ainsi que la décision de refus de l'ambassade de France au Maroc ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision de la commission est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources propres et que sa fille Bouchra subvient à ses besoins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et que Mme H... n'établit pas la nécessité de s'établir de manière permanente en France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les observations de Me I..., représentant la requérante.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1956, a sollicité, le

20 avril 2018, un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français auprès des autorités consulaires françaises à Fès, lesquelles ont rejeté sa demande le

24 avril suivant. Le 3 août 2018, elle a formulé une nouvelle demande qui a été également rejetée par une décision du 23 août 2018. Par une décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé le 17 septembre 2018 contre cette seconde décision. Mme H... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces deux dernières décisions. Par un jugement du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme H... fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 août 2018 de refus de l'ambassade de France au Maroc :

2. Mme H... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Nantes à ses conclusions dirigées contre la décision prise par les autorités consulaires françaises à Fès le 23 août 2018. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

3. Lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant français et/ou de son conjoint français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant ou du conjoint de ce dernier, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ou son conjoint ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'ex-mari de Mme H... lui a versé la somme de 16 600 dirhams en 1998, au titre de la pension alimentaire destinée notamment à la prise en charge des deux plus jeunes enfants du couple habitant chez leur mère. Elle a produit en appel des éléments administratifs, bancaires et fiscaux attestant qu'elle n'a exercé aucune profession, ne tire pas de revenus de biens immobiliers et n'a jamais eu de compte bancaire au Maroc. Si le ministre fait valoir que Mme H... disposait nécessairement de ressources propres pour subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa plus jeune fille C..., entre 1998 et 2016, restée avec elle au Maroc, d'une part, comme il a été dit, il lui a été versée la pension de 16 600 dirhams, soit environ 1 500 euros, d'autre part, il n'est pas contesté que Chafik et Amale, deux des enfants de Mme H... résidant en France, ont versé à leur soeur C... plus de 4 000 dirhams en 2010, près de 5 000 dirhams en 2013, 8 525 dirhams en 2015, 14 352 dirhams en 2016, et 23 584 dirhams en 2018. Dès lors, il ressort des pièces du dossier que Mme H... ne disposait pas de ressources propres lui permettant de subvenir à ses besoins.

5. En second lieu, si M. D... A... ne justifie avoir transféré de l'argent à sa mère qu'entre avril et juin 2018, il ressort des pièces du dossier qu'un autre des enfants de Mme H..., Mme F... A..., qui a acquis la nationalité française, lui a versé 1 180 euros en 2014, 730 euros en 2015, 3 640 euros en 2016, 2 860 euros en 2017 et 2 560 euros en 2018, alors que le revenu minimum au Maroc est de 2 568 dirhams, soit 235 euros par mois. Comme il a été dit au point précédent, la jeune C... bénéficiant de transferts d'argent qui lui sont spécifiquement destinés, il y a lieu de considérer que les sommes précitées bénéficient à Mme H.... En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme F... A... est propriétaire d'un logement au Maroc et a attesté y loger gratuitement sa mère, sans qu'aucun commencement de preuve contraire ne soit apporté par le ministre de l'intérieur. Enfin, il n'est pas contesté que Mme F... A... perçoit des revenus suffisants pour subvenir aux besoins de sa mère.

6. Dès lors, en estimant que Mme H... ne justifiait pas de sa qualité d'ascendant à charge de français, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Si le ministre se prévaut, dans ses écritures d'appel, " de l'absence de nécessité pour Mme H... de s'établir en France ", ce moyen ne peut, pour les raisons indiquées au point 5, qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme H... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme H... d'un visa de long séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer ce visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt préfet. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme H... de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900429 du 15 mai 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de Mme H... dirigées contre la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de long séjour de Mme H... est annulée.

Article 3: Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme H... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme H... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente,

- Mme G..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

P. G...

La présidente,

C. B...

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02940
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GUERRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt02940 ?
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