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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT01442

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT01442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er décembre 2015 par lequel le préfet de la Sarthe a autorisé Mme F... à exploiter 3,80 hectares de terres agricoles situées à Saint-Corneille.

Par un jugement n° 1603385 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 avril 2019 et 20 février 2020 M. C..., représenté par Me D..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 février 2019 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du

1er décembre 2015 par lequel le préfet de la Sarthe a autorisé Mme F... à exploiter 3,80 hectares de terres agricoles situées à Saint-Corneille.

Par un jugement n° 1603385 du 14 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 avril 2019 et 20 février 2020 M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2015 du préfet de la Sarthe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande d'autorisation d'exploiter déposée par Mme F... le 8 juillet 2015 n'était pas complète et n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception de la part de l'administration ; Mme F... a sciemment omis de compléter sa demande pour obtenir l'autorisation sollicitée ;

- il n'a pas été informé par lettre recommandée de la date d'examen de la demande de Mme F... par la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et ne lui a pas été notifié par lettre recommandée ;

- le préfet de la Sarthe a méconnu les dispositions des articles L. 331-1 et L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et celles du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Sarthe en omettant de tenir compte de sa situation de preneur en place et en accordant à Mme F... un rang de priorité supérieur au sien ;

- en délivrant à Mme F... l'autorisation d'exploiter des terres lui appartenant " sous réserve de l'accord des propriétaires " le préfet a entaché l'arrêté contesté d'illégalité.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2019 Mme F..., représentée par

Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., exploitant agricole à Saint-Corneille (72), a pris à bail 12,12 hectares de terres agricoles appartenant à Mme F... pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 2007. Mme F... l'a informé le 10 mars 2015 de son intention de mettre fin à son bail pour des parcelles d'une surface de 3,80 hectares, en vue d'une reprise pour une exploitation de subsistance. Le 8 juillet 2015, elle a demandé l'autorisation d'exploiter ces parcelles. Le préfet de la Sarthe lui a délivré cette autorisation par un arrêté du 1er décembre 2015. M. C... a formé, le 22 janvier 2016, un recours gracieux contre cette autorisation auquel l'administration n'a pas apporté de réponse. Il a alors saisi le tribunal administratif de Nantes d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2015. Par un jugement du 14 février 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / (...) 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place (...) ". Aux termes de l'article R. 331-4 du même code : " La demande de l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. / (...) Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un accusé de réception. ".

3. Mme F..., retraitée, a déposé le 8 juillet 2015 une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles lui appartenant et jusqu'alors mises en valeur par le requérant d'une surface de 3,80 hectares à titre de " parcelle de subsistance ". Le préfet de la Sarthe a accusé réception de la demande de Mme F... le 8 juillet 2015, alors même que l'intéressée n'avait assorti celle-ci d'aucune information quant à la nature de son projet agricole, qu'elle n'avait pas produit le justificatif de revenu qu'elle devait fournir dès lors qu'elle avait indiqué que le revenu net de son foyer fiscal était inférieur à 3 120 fois le SMIC horaire, et que la " fiche de renseignement concernant l'exploitant cédant ", à compléter par le preneur en place, qu'elle devait obligatoirement joindre à sa demande, n'avait pas été remplie et signée par M. C..., empêchant celui-ci de formuler un avis et des observations sur la demande et d'évaluer l'impact potentiel de cette dernière sur son exploitation. Dans ces conditions l'administration, en décidant d'instruire la demande dont elle était saisie alors qu'elle ne disposait d'aucune information sur le projet de Mme F... et sur son impact sur la situation du preneur en place, a méconnu les dispositions rappelées au point précédent.

4. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. ".

5. L'arrêté contesté se borne à mentionner sans plus de précision " l'ordre de priorité du schéma directeur départemental des structures de la Sarthe ", au demeurant non applicable en l'absence de demandes d'autorisations d'exploiter concurrentes, et à viser, sans se l'approprier ni le joindre, un avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture de la Sarthe du 1er décembre 2015. Une telle motivation de la décision litigieuse ne permettait ni au demandeur ni au preneur en place de comprendre à sa seule lecture les motifs de fait sur lesquels elle était fondée. L'arrêté du préfet de la Sarthe est donc également entaché d'un vice de forme.

6. En dernier lieu, il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Sarthe, avant d'accorder l'autorisation d'exploiter litigieuse, aurait pris en compte la situation personnelle de M. C..., comme il y était tenu, alors même que celui-ci l'avait alerté par un courrier du 25 novembre 2015 sur les conséquences négatives pour son exploitation de la perte des terres agricoles objet de la demande présentée par Mme F.... Par suite, cette autorité a également méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime rappelées au point 2.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme F... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603385 du tribunal administratif de Nantes du 14 février 2019 et l'arrêté du préfet de la Sarthe du 1er décembre 2015 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à Mme G... F....

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur

E. E...Le président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01442


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01442
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LANDRY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt01442 ?
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