Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement le centre hospitalier de Chartres et la société Axa, son assureur, à lui verser la somme de 211 565 euros, outre les frais d'expertise exposés, à raison des sommes versées par lui aux ayants-droits de Maryvonne E..., décédée le 27 mars 2013 dans cet établissement.
Par un jugement n°1800036 du 7 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 avril 2019 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes, représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Chartres et son assureur, la société Axa, au besoin après avoir ordonné une expertise, à lui verser la somme de 211 565,69 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 27 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier de Chartres et son assureur, la société Axa, à lui rembourser les frais de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation, assorti des intérêts légaux à compter du 27 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier de Chartres et de son assureur, la société Axa, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- le centre hospitalier de Chartres est responsable du dommage causé à Mme E... car il a commis une faute dans sa prise en charge médicale, et doit ainsi en supporter lui-même les conséquences financières ; l'intervention d'hémostase a été réalisée avec un retard d'environ 2 heures, et a fait perdre à la patiente 80% de chance d'éviter le décès ;
- en l'absence de réponse aux arguments mis en avant par ses médecins-conseils, il devrait être procédé à une expertise contradictoire complémentaire, d'autant que les conclusions de l'expertise qui a eu lieu dans le cadre de la procédure devant la commission d'indemnisation ne peuvent lui être opposées ;
- il incombe au centre hospitalier de lui rembourser les sommes versées aux ayants-droit de Mme E....
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2020 le centre hospitalier de Chartres et la société Axa France IARD, représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1, pour les frais engagés en appel, ainsi que 2 000 euros pour les frais engagés en première instance.
Ils font valoir que les prétentions indemnitaires de l'ONIAM ne sont pas fondées et, subsidiairement, qu'ils ne sont pas opposés à ce qu'il soit procédé à une seconde expertise.
Par un courrier du 12 février 2020 la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher a informé la cour qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier de Chartres.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., alors âgée de 67 ans, et souffrant d'un cancer endométrial, a été prise en charge par le centre hospitalier de Chartres afin d'y subir, le 26 mars 2013 au matin une opération chirurgicale consistant en une laparotomie exploratrice avec hystérectomie totale, annexectomie bilatérale, curage iliaque bilatéral et curage lombo-aortique avec omentectomie, l'opération prenant fin à 13 heures. En raison d'un état hémodynamique instable, une reprise chirurgicale par laparotomie a été pratiquée à 17 heures 30. Toutefois l'apparition d'une coagulation intravasculaire disséminée a conduit au décès de Maryvonne E... le 27 mars à 8 h 50. Les ayants-droits de Maryvonne E... ayant saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Centre, celle-ci a diligenté une mission d'expertise, dont le rapport a été remis le 17 septembre 2014. La commission, par un avis du 19 janvier 2015, a conclu à l'existence d'un accident médical non fautif. L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections nosocomiales et des affections iatrogènes (ONIAM) a procédé à l'indemnisation des ayants-droits de Maryvonne E... pour un montant total de
211 565,69 euros. Après avoir formé une demande préalable d'indemnisation auprès du centre hospitalier, par laquelle il réclamait le remboursement de cette somme, l'office a formé un recours indemnitaire. Il relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci (...) ".
3. A l'appui de sa requête, l'ONIAM, subrogé dans les droits des ayants-droits de Maryvonne E..., soutient que le décès de cette dernière est imputable non à un accident médical non fautif mais à un retard fautif du centre hospitalier, lequel aurait dû, en l'état des données acquises de la science, et au vu de la chute extrêmement rapide du taux d'hémoglobine constatée entre 14 h 05 et 15 h 15, procéder immédiatement à une reprise chirurgicale d'hémostase, qui n'est intervenue qu'à 17 h 30, et que ce retard est à l'origine d'une perte de chance d'éviter l'issue fatale de la coagulation intra vasculaire disséminée (CIVD) qui s'était déclarée. Selon les notes techniques établies par deux de ses médecins experts, sur la base desquelles se fonde l'office pour demander l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de Chartres et, à défaut, la réalisation d'une nouvelle expertise, les deux échographies abdominales et la transfusion pratiquées entre 15 heures et 17 heures 30 ont engendré un retard de prise en charge alors qu'il convient, selon les règles de l'art, de ne pas retarder le geste d'hémostase. L'office en déduit que Maryvonne E..., qui était déjà en bloc opératoire, aurait dû faire l'objet d'une reprise chirurgicale plus précoce avant que ne se développe une coagulation intravasculaire disséminée.
4. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise devant la CCI du Centre, lequel est opposable à l'ONIAM, que les manifestations biologiques de la coagulation intravasculaire disséminée étaient déjà présentes à 15 h 15, et que l'équipe médicale a tenté, dès cet instant, de stabiliser l'état de la patiente et de déterminer s'il existait une cause de saignement spécifique nécessitant une reprise chirurgicale. L'intervention réalisée à 17 h 30 a seulement permis de stopper une hémorragie constatée au niveau d'une artère lombaire qui n'était pas majeure. Elle n'a pas permis d'enrayer le développement de la coagulation intravasculaire disséminée, qui est devenue clinique et majeure à partir de 20 h 30. Dans ces conditions, la prise en charge des complications dont a été victime Maryvonne E... doit être regardée comme ayant été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science et, comme l'a indiqué la commission de conciliation et d'indemnisation dans son avis, aucun retard dans la prise en charge chirurgicale ne peut être retenu à l'encontre du centre hospitalier de Chartres.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Chartres et la société Axa Assurances, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent à l'ONIAM la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l'ONIAM, au même titre, la somme de 1 500 euros au profit du centre hospitalier de Chartres et de la société Axa Assurances.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM versera au centre hospitalier de Chartres et à la société Axa Assurances la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Chartres, à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher, au cabinet Yvelin et à la société Axa Assurances.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
A. A...
Le président
I Perrot Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01345