Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... H... et M. C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Tananarive (Madagascar) refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme H... ainsi que la décision de ces autorités consulaires.
Par un jugement n° 1700337 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 mars 2019 et 26 juin 2020, Mme G... H... et M. C... F..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 3 novembre 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme H... le visa de long séjour sollicité, dans le délai de quarante-huit heures ou, à tout le moins, d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de long séjour dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;
à défaut d'établir le caractère frauduleux du mariage, cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il est établi, par les pièces versées au dossier, l'existence d'une vie commune entre les époux ;
elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... F... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... F..., de nationalité française né le 16 septembre 1957, a épousé le 31 décembre 2005 à Ampanotokana (Madagascar), Mme G... H..., ressortissante malgache, née le 27 novembre 1971. Mme H... a sollicité le 19 août 2016 du consulat général de France à Tananarive la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de français, ce qui lui a été refusé par une décision du 25 août 2016. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté, par une décision du 3 novembre 2016, le recours formé contre la décision consulaire. Mme H... et M. F... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2018 rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
3. Pour refuser à Mme G... H... le visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de justification d'un projet concret de vie commune et de participation de l'intéressée aux charges du mariage selon ses facultés propres.
4. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, qu'après leur mariage célébré le 31 décembre 2005 et jusqu'en juin 2008, date du premier départ en France de M. F..., le couple a eu deux enfants, B..., né le 7 juin 2006 et Nancy, née le 23 septembre 2008. Selon l'acte de naissance de chacun de ces enfants, les intéressés partageaient le même domicile. Entre juin 2008 et 2010, période durant laquelle M. F... a effectué un premier séjour en France, les intéressés produisent un historique des transactions délivré par la société Western Union Company dont il ressort qu'entre janvier 2009 et novembre 2010, M. F... a régulièrement transféré de l'argent au profit de son épouse. A la suite de son retour à Madagascar en 2010 et jusqu'en mars 2015, il résulte des attestations concordantes produites au dossier, et qui ne sont pas utilement contestées par le ministre, que M. F... a résidé avec son épouse et ses deux enfants à Ambohimiadana. Enfin, pour la période allant de mars 2015 au 3 novembre 2016, date de la décision contestée et durant laquelle M. F... a effectué son second séjour en France, il est produit les justificatifs des mandats régulièrement adressés par ce dernier à son épouse à compter de mars 2015 ainsi que des nombreux appels échangés entre les intéressés par voie électronique ou téléphone.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article 371-2 du code civil dans sa rédaction alors applicable : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme H... aurait bénéficié de revenus propres lui permettant de participer financièrement aux charges du mariage alors que son mari, lorsqu'il résidait en France, subvenait aux besoins de la famille. En tout état de cause, il n'est pas contesté qu'elle vivait auprès des enfants du couple et participait ainsi à leur entretien et à leur éducation.
6. Par suite, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés n'auraient pas un projet concret de vie commune, la commission n'établit pas le caractère frauduleux du mariage, et a donc fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer à Mme H... un visa de long séjour pour ce motif. Il suit de là que les requérants sont fondés à demander l'annulation de cette décision.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme H... et M. F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de Mme H... se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision contestée et, d'autre part, qu'aucun motif d'ordre public ne ferait obstacle à sa venue en France, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance à l'intéressée du visa de long séjour qu'elle sollicitait. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de délivrer à Mme H... un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés au litige :
9. M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 octobre 2018 et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 3 novembre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de délivrer un visa de long séjour à Mme G... H... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me D... est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H..., à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01266