Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 novembre 2015 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Mayenne a rejeté sa réclamation relative aux opérations d'aménagement la concernant réalisées sur le territoire des communes de Commer et de Moulay.
Par un jugement n° 1600755 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 décembre 2018, 15 mars 2019, 3 janvier et 21 février 2020 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision contestée de la commission départementale d'aménagement foncier de la Mayenne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'attribution d'une partie de l'ancienne parcelle A 314 à un voisin était irrégulière ; le jugement attaqué est donc irrégulier ;
- les dispositions des articles L.123-1 et L.123-4 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues, la règle d'équivalence n'ayant pas été appréciée par compte de propriété mais globalement pour l'ensemble de ses biens ;
- l'îlot alimenté en eau par les parcelles A 283 et A 293 devait être regardé comme un terrain à utilisation spéciale au sens du 5° de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime et, de ce fait, lui être réattribué ;
- l'ancienne parcelle A 314 constituait une dépendance immédiate et indispensable de son bâtiment d'exploitation et devait donc lui être réattribuée dans sa totalité ; la perte de ce bien a aggravé ses conditions d'exploitation ;
- la règle d'équivalence n'a pas été respectée pour le compte d'exploitation n° 12 810 au regard de la superficie et de la valeur de productivité, ainsi que de la nature de culture, ses attributions comportant une part excessive de chemins, moins de sols et de prés et aucun bois ;
- la règle d'équivalence n'a pas été respectée pour le compte d'exploitation n° 12 820 au regard de la superficie et de la valeur de productivité, ainsi que de la nature de culture, ses attributions comportant moins de chemins et de prés ;
- l'attribution d'une parcelle isolée et inexploitable, cadastrée ZC 51, constitue une aggravation de ses conditions d'exploitation et méconnait la règle d'équivalence s'agissant du compte d'exploitation n° 12 820 ;
- le classement des apports a été modifié par la commission départementale d'aménagement foncier pour masquer la violation de la règle d'équivalence ;
- la commission départementale d'aménagement foncier n'était pas compétente pour créer le chemin rural n° 704 du Rouillon.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un projet de déviation de la RN 162 entre le sud de Moulay et le nord de Mayenne, qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique par un décret du 14 juin 2002, le préfet de la Mayenne, par un arrêté du 13 octobre 2004, a ordonné l'aménagement foncier d'une partie du territoire des communes d'Aron, La-Bazoge-Montpinçon, Commer, Mayenne, Moulay et Saint-Fraimbault-de-Prières. Le 6 juin 2011, la commission intercommunale d'aménagement foncier de la déviation de Mayenne a approuvé le projet de remembrement des terres agricoles dont Mme C... était propriétaire sur le territoire des communes de Commer et Moulay. L'intéressée a présenté, le 6 décembre 2012, une réclamation auprès de la commission départementale d'aménagement foncier de la Mayenne. Par une décision du 5 novembre 2015, cette commission a modifié le projet de la commission intercommunale, sans toutefois faire droit à ses demandes. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Par un jugement du 18 octobre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable : " L'aménagement foncier agricole et forestier, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...) ". Aux termes de l'article L. 123-4 du même code : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées (...) ".
3. Lorsqu'elles examinent les réclamations des propriétaires, les commissions départementales d'aménagement foncier ont l'obligation de statuer séparément pour chacun des comptes de propriété. Le juge administratif doit, le cas échéant, relever d'office l'illégalité commise par une commission départementale d'aménagement foncier qui a méconnu cette obligation.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... dispose de deux comptes de propriété n° 12 810 et n° 12 820 pour les terres qu'elle détient respectivement à Commer et à Moulay. La commission départementale a modifié son compte de propriété n° 12 810 en lui attribuant une nouvelle parcelle cadastrée ZA 11 et en lui retirant une partie de la parcelle ZA 14 qui lui avait été initialement donnée, modifiant ainsi la superficie et la valeur de productivité de ses attributions. Elle a ensuite apprécié de manière globale les superficies et les valeurs de productivité se rapportant à ces deux comptes, pour en conclure que les attributions par la commission intercommunale et les modifications ainsi apportées ne révélaient pas de déséquilibre entre les attributions et les apports. En procédant de la sorte, la commission départementale a méconnu son obligation d'examiner séparément chaque compte de propriété et a entaché d'une erreur de droit la décision contestée du 5 novembre 2015, qui doit donc être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600755 du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2018 et la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Mayenne du
5 novembre 2015 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04436