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17/07/2020 | FRANCE | N°18NT03190

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT03190


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler 1'arrêté du 3 mai 2017 par lequel la ministre chargée de 1'éducation nationale 1'a licencié pour insuffisance professionnelle, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer juridiquement et physiquement sur un poste au sein du Lycée Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de 1'article L.761-1 du code de justice administrativ

e.

Par un jugement n° 1709084 du 19 juin 2018, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler 1'arrêté du 3 mai 2017 par lequel la ministre chargée de 1'éducation nationale 1'a licencié pour insuffisance professionnelle, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer juridiquement et physiquement sur un poste au sein du Lycée Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de 1'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709084 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2018, M. C... D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2018 ;

2°) d'annuler 1'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le ministre de 1'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

3°) de mettre à la charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est, tout d'abord, entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis de la commission administrative paritaire (CAP) ne lui a pas été communiqué ;

- au fond, la décision prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'insuffisance professionnelle doit, en effet, être définie au regard des missions correspondant aux fonctions selon le grade de l'agent et pour lesquelles il a été engagé ; or ces missions ne se réduisent pas à celles énoncées dans des termes généraux à l'article 14 du décret du 12 août 1970 mais ont été actualisées par des circulaires notamment celle du 10 août 2015 à laquelle se réfère expressément l'arrêté contesté. Il est difficile d'apprécier au regard de l'évolution des missions de conseiller principal d'éducation (CPE) son inaptitude professionnelle ; les premiers juges ont ainsi commis une erreur de droit en se fondant exclusivement sur le décret du 12 août 1970 ; on ne peut, par ailleurs, estimer qu'ayant exercé entre 2002 et 2013 dans sept établissements différents, il doive être considéré comme ayant été placé dans un " exercice normal " de ses fonctions ; sa notation administrative a augmenté à partir de l'année 2009-2010 et jusqu'en 2013 ; pendant cette période aucune insuffisance professionnelle n'est relevée ; les rapports de visite établis en mars et décembre 2014 doivent être considérés comme correspondant à une situation ponctuelle ; il est étonnant que dix ans après son intégration comme CPE, on vienne lui reprocher son insuffisance professionnelle ; ses difficultés ont commencé lorsqu'il a été affecté de façon définitive au lycée professionnelle Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer. Il convenait également ne pas s'arrêter aux appréciations portée sur les notes. Sur l'ensemble de sa carrière, il n'a jamais obtenu qu'ailleurs qu'au lycée professionnelle Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer les notes passables en ce qui concerne activité/efficacité autorité/rayonnement, deux des trois critères à prendre en compte avec celui de ponctualité/assiduité. La CAP n'a pas été en mesure de dégager un avis tranché sur son incapacité professionnelle. Les rapports défavorables ont été établis alors qu'il était dans une situation de travail à temps partiel. Dans le rapport final qui met en avant le fait qu'il y a lieu de conforter quatre points, les cases " insuffisants " n'ont pas été cochées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête de M. D....

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés et renvoie à son mémoire présenté le 19 février 2018 devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 70-738 du 12 août 1970 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a exercé les fonctions de conseiller d'éducation en qualité de maître-auxiliaire dans l'académie de Rennes de 1996 à 2002. Il a été nommé conseiller principal d'éducation stagiaire en septembre 2002 puis titularisé dans le corps des conseillers principaux d'éducation en septembre 2003. A compter de sa titularisation, il a été affecté dans des emplois de son grade dans des zones de remplacement ou des établissements scolaires de l'académie de Nantes. Il a notamment été affecté en Vendée au lycée Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer de septembre 2013 à août 2014, puis au lycée Edouard Branly de La Roche-sur-Yon de septembre 2014 à août 2015 où il a exercé à mi-temps compte tenu du congé de formation professionnelle dont il a bénéficié durant cette même année. Il a alors reçu une affectation au Lycée Jean de Lattre de Tassigny de La Roche-sur-Yon de septembre 2015 à août 2016 avec un service partagé au lycée Alfred Kastler-Guitton de La Roche-sur-Yon, puis, enfin, à compter de septembre 2016, au lycée Alcide d'Orbigny de Bouaye (Loire-Atlantique). Par lettre du 20 janvier 2017, M. D... a été informé de l'engagement d'une procédure pouvant conduire à son licenciement pour insuffisance professionnelle. Il a consulté son dossier le 10 mars 2017 puis a été entendu le 31 mars 2017 par la commission administrative paritaire académique compétente réunie en formation disciplinaire. Par un arrêté du 3 mai 2017, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le recours gracieux qu'il a formé contre cet arrêté a été rejeté le 7 août 2017.

2. M. D... a, le 12 octobre 2017, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2017 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelles et à ce qu'il soit enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de le réintégrer sur un poste au sein du lycée Eric Tabarly. Il relève appel du jugement du 19 juin 2018 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. La circonstance que l'avis de la commission administrative paritaire académique n'ait pas été communiqué à M. D... demeure sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors qu'aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'autorité administrative de rendre l'intéressé destinataire de cet avis avant de prononcer la décision qu'elle prend. Le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 12 août 1970 relatif au statut particulier des conseillers principaux d'éducation et des conseillers d'éducation, dans sa rédaction en vigueur issue du décret 2002-1134 du 5 septembre 2002 : " Sous l'autorité du chef d'établissement et éventuellement de son adjoint, les conseillers principaux d'éducation exercent leurs responsabilités éducatives dans l'organisation et l'animation de la vie scolaire, organisent le service et contrôlent les activités des personnels chargés des tâches de surveillance. / Ils sont associés aux personnels enseignants pour assurer le suivi individuel des élèves et procéder à leur évaluation. En collaboration avec les personnels enseignants et d'orientation, ils contribuent à conseiller les élèves dans le choix de leur projet d'orientation ".

5. Il ressort de l'arrêté contesté qui s'est notamment référé au décret du 12 août 1970 cité au point précédent et à la circulaire du 10 août 2015 fixant les missions des conseillers principaux d'éducation que le licenciement de M. D... pour insuffisance professionnelle est fondé sur les éléments contenus dans les rapports établis par deux inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux " établissement et vie scolaire " sur la période courant de 2006 à 2016 ainsi que sur les notices annuelles de notation des années 2008-2009, 2009-2010, 2013-2014, 2014-2015 et 2015-2016, sur un rapport du 19 juin 2006 de la principale d'un collège et enfin sur plusieurs rapports de chefs d'établissement établis les 25 mars 2014, 23 juin 2014, 16 juin 2015, 18 décembre 2015 et 21 juin 2016, enfin sur un courrier des assistants d'éducation du 25 juin 2014.

6. Ces différents rapports circonstanciés font état des difficultés de l'intéressé à s'inscrire dans une dynamique de l'établissement et dans la gestion quotidienne de ses missions de base, de son absence de pilotage d'actions et de son manque d'initiatives, de ses erreurs dans la gestion des absences des élèves, de son manque de communication envers son équipe, de son positionnement comme simple exécutant de tâches et de son incapacité à exercer le rôle de conseil du chef d'établissement. Ils débouchent sur la conclusion qu'il n'est pas établi que ce fonctionnaire dispose de toutes les compétences requises pour l'exercice du métier.

7. D'une part, il y a lieu de constater que ces différents reproches mettent en cause la façon dont M. D... exerce son activité de conseiller principal d'éducation au regard des missions telles qu'elles sont énoncées avec une suffisante précision à l'article 4 du décret du 12 août 1970 cité au point 4. D'autre part, le seul fait que M. D... ait exercé entre 2002 et 2013 dans sept établissements différents ne permet pas sérieusement de considérer qu'il aurait été placé dans " des conditions d'exercice anormales " du métier de conseiller principal d'éducation alors qu'il n'est pas établi par les éléments du dossier, ni même allégué, que les différents emplois occupés au cours de cette période n'auraient pas correspondu à son grade. Enfin si le requérant fait valoir la diversité des fonctions qui peuvent être confiées à un conseiller principal d'éducation, il n'établit pas davantage qu'il n'aurait pas été tenu compte de cet élément pour apprécier son aptitude à exercer sa profession.

8. Par ailleurs, M. D... soutient que ses notations administratives ont été globalement positives et généralement en progrès à compter de son accès au grade de conseiller principal d'éducation en 2003 et jusqu'en 2013 et que ses difficultés ont, en réalité, commencé lorsqu'il a été affecté de façon définitive au lycée professionnelle Eric Tabarly d'Olonne-sur-Mer à la rentrée 2013. Il soutient également que les rapports qui lui sont défavorables ont été établis alors qu'il était dans une situation de travail à temps partiel. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que ce fonctionnaire a fait l'objet à plusieurs reprises depuis 2003 d'évaluations soulignant qu'il n'avait pas acquis toutes les compétences professionnelles requises. Ainsi, les notices annuelles de notation administrative, en 2009 et 2010 notamment, indiquaient " qu'il devait avoir une vision plus claire de ses missions, s'impliquer davantage dans celles-ci et faire preuve d'une plus grande rigueur dans son travail ". Ces insuffisances ont été confirmées dans les années qui ont suivi. Il ressort en effet des rapports de visite émanant de deux inspecteurs différents établis, comme il a été précisément rappelé au point 5, en particulier en 2014, 2015 et 2016 que cet agent ne parvenait pas à bien situer son action dans le cadre institutionnel de l'établissement, ne faisait pas preuve de sa capacité à prendre une part active dans l'élaboration de la politique éducative de l'établissement, par le biais en particulier, de la participation à l'élaboration du projet d'établissement. Le rapport du 9 décembre 2014 reprochait en particulier à l'intéressé de ne pas connaitre les enjeux du métier et de limiter son activité à de l'animation sans investir les deux autres domaines d'intervention du CPE, soit le fonctionnement de l'établissement et la collaboration. Il lui était également fait grief de ne pas maîtriser les repères institutionnels de base dans ses écrits comme dans ses propos. Il ressort des éléments du dossier que, sur ces différents points, M. D... n'a pas fait évoluer son comportement professionnel de façon positive et qu'il n'a pas amélioré ses compétences professionnelles alors qu'il est constant qu'il a bénéficié d'un dispositif d'accompagnement avant l'intervention de l'arrêté contesté puisque durant l'année scolaire 2014-2015, il a été déchargé de la moitié de ses obligations hebdomadaires et a reçu l'aide d'un tuteur et une formation à l'école supérieure du professorat et de l'éducation de l'académie de Nantes. Demeurent à cet égard sans incidence sur la constatation des différents manquements relevés les circonstances, d'une part, que la commission administrative qui s'est prononcée sur son licenciement a rendu un avis qui rend compte d'un partage des voix et, d'autre part, que dans le rapport final qui relevait qu'il y avait lieu de conforter quatre compétences, les cases " insuffisants " n'ont pas été cochées.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être rappelé que le ministre de l'éducation nationale n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 4 en estimant par l'arrêté du 3 mai 2017 contesté, au vu des nombreuses insuffisances professionnelles qui ont été relevées de façon récurrente quant à la manière de servir de M. D..., que cet agent apparaissait définitivement incapable d'exercer de manière satisfaisante les missions que doivent assumer les conseillers principaux d'éducation.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2017.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Une copie sera adressée au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT03190 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03190
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt03190 ?
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