Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. K... H... et Mme D... C..., agissant tant en leur nom propre qu'en tant que parents de E... et Cassandre H..., ainsi que Mme F... H... ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Falaise à leur verser la somme provisionnelle de 816 357,29 euros ainsi qu'une rente annuelle en réparation des préjudices qu'ils imputent aux soins reçus dans cet établissement lors de la naissance de l'enfant E... le 16 décembre 2009. La CPAM de l'Orne a demandé le remboursement des débours exposés pour l'enfant E... H... dans les suites de cet accouchement.
Par un jugement n°1601142 du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Caen, après avoir reconnu la responsabilité pour faute du centre hospitalier, a condamné celui-ci à verser à M. H... et Mme C..., en leur qualité de responsables légaux de E... H..., la somme de 55 286,90 euros ainsi que la somme de 204 835 euros au titre du besoin d'assistance par tierce personne, sous déduction des prestations perçues en rapport avec le handicap de l'enfant, et, jusqu'au 11ème anniversaire de E..., une rente annuelle de 12 646 euros sous la même déduction. Il a également condamné l'établissement hospitalier à verser la somme de 28 500 euros à chacun des deux parents, la somme de 12 000 euros à Cassandre H..., soeur de E..., et celle de 8 000 euros à Mme F... H..., sa grand-mère. Il a également condamné le centre hospitalier à verser à la CPAM de l'Orne la somme de 133 273,88 euros. Enfin la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a été condamnée à garantir le centre hospitalier de Falaise des condamnations ainsi prononcées à son encontre.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 1802285, les 12 juin 2018, 21 mars 2019 et 9 juillet 2019 la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, représentée par Me G..., demande à la cour de réformer ce jugement du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Caen en ce qu'il n'a pas précisé que les débours que le centre hospitalier de Falaise a été condamné à lui payer ne concernaient que la période du 16 décembre 2009 au
13 avril 2017 et que cette condamnation n'était pas exclusive des débours qu'elle serait amenée à exposer pour l'avenir.
Elle soutient que :
- la faute du centre hospitalier de Falaise est établie et le lien de causalité entre cette faute et les séquelles conservées par l'enfant E... est avéré ;
- elle est en droit de prétendre au remboursement des débours exposés pour E... H... jusqu'à la consolidation de son état de santé ;
- les dépenses de santé futures sont incertaines dans leur montant mais certaines dans leur principe ; les préjudices revendiqués sont temporaires dès lors que l'état de santé du jeune E... H... n'est pas consolidé et les indemnités allouées ne peuvent présenter qu'un caractère provisionnel ;
- le taux de perte de chance retenu par les experts est sous-évalué et ne correspond pas à la réalité des faits, et le taux de 95% retenu par le tribunal administratif est justifié.
Par des mémoires enregistrés les 28 décembre 2018, 28 août 2019, 4 octobre 2019 et 25 juin 2020 (non communiqué) le centre hospitalier de Falaise, représenté par Me N..., conclut à ce que la cour :
1°) apprécie le bien-fondé de la demande formulée par la CPAM de l'Orne ;
2°) par la voie de l'appel incident, réforme le jugement attaqué en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance trop élevé et a procédé à des estimations excessives des chefs de préjudices indemnisés ;
3°) mette à la charge de la SHAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- seul un délai incompressible d'une heure peut être retenu pour la réalisation de césarienne en urgence dans une maternité de niveau I comme celle de Falaise ; les experts ont retenu un taux de perte de chance de 80 % ; seul ce taux doit être appliqué ;
- il y a lieu pour les consorts H... de justifier de manière détaillée des prestations perçues et susceptibles d'être déduite des indemnités retenues par le tribunal administratif ;
- les sommes retenues pour chaque chef de préjudice doivent être réduites ; en particulier les frais de déplacement doivent être réduits de la somme de 5 000 euros accordée en matière de transport au titre de la prestation compensatoire du handicap (PCH) ; les frais de déplacement pour consultation de spécialistes doivent être écartés et les frais liés à l'expertise limités à 2 824 euros ; les 8 heures quotidiennes d'aide par tierce personne sont prises en charge à hauteur de 6h59 par la PCH attribuée par le département de l'Orne et il convient de prendre en compte la prise en charge de l'enfant par l'institut médico-éducatif Godegrand ; les sommes demandées au titre du déficit fonctionnel, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire doivent être réduites
- en outre, la demande chiffrée le 9 septembre 2019 seulement au titre des dépenses de santé actuelles, aux frais de scolarité et aux frais de location d'un appartement est tardive et donc irrecevable.
Par un mémoire enregistré le 30 août 2019 la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentée par Me L..., conclut au rejet de la requête de la CPAM de l'Orne.
Elle fait valoir que :
- elle a à titre principal relevé appel du jugement attaqué en contestant son obligation de garantie envers le centre hospitalier de Falaise, le principe de la responsabilité de ce dernier et le taux de perte de chance retenu par les premiers juges ;
- la CPAM de l'Orne n'a en première instance apporté aucun élément de nature à évaluer les frais futurs qu'elle serait amenée à exposer, et n'a réclamé ni rente ni capital au titre des frais à venir ; en outre le relevé des débours pris en compte en première instance s'arrêtait au 13 avril 2017 et non à la date du jugement ;
- à supposer qu'elle doive garantir le centre hospitalier de Falaise, les préjudices éventuels ne donnent pas lieu à indemnisation ;
- le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser pour l'avenir ne peut prendre la forme, en vertu des dispositions de l'article L. 376-1 du code la santé publique, que d'une rente, le versement d'un capital représentatif étant conditionné à l'accord de l'hôpital responsable ;
- le préjudice indemnisable en cas de prise en charge fautive d'un patient n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance que ce dommage soit advenu ;
- la caisse n'a apporté aucun élément de nature à évaluer ses frais futurs, ni la certitude d'avoir à les exposer ;
- la caisse n'a présenté aucune demande de rente ou de versement de capital en première instance et a limité sa demande aux dépenses arrêtées à la date du 13 avril 2017.
Par un mémoire enregistré le 20 février 2020 la société Newline Underwriting Management Ltd, représentée par Me B..., déclare s'associer aux conclusions dirigées par le centre hospitalier de Falaise contre la SHAM, conclut à sa propre mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de la SHAM la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que c'est à la SHAM de garantir le centre hospitalier de Falaise en cas de condamnation de celui-ci à rembourser les débours de la CPAM de l'Orne.
Par un mémoire enregistré le 10 mars 2020 M. K... H... et Mme D... C..., agissant tant en leur nom propre qu'en tant que parents de E... H..., représentés par Me M..., concluent à ce que la cour :
1°) accueille les conclusions de la CPAM de l'Orne ;
2°) par la voie de l'appel incident, réforme le jugement attaqué en tant qu'il n'a fait droit qu'à une partie de leurs conclusions indemnitaires ;
3°) condamne le centre hospitalier de Falaise et/ou son assureur à leur verser la somme totale de 1 450 131,37 euros, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise relative au besoin d'aide par une tierce personne de l'enfant E... ;
4°) mette à la charge des mêmes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- c'est à tort que, pour eux comme pour la caisse, le tribunal administratif a prononcé des condamnations définitives alors qu'ils demandaient des condamnations provisoires dès lors que les préjudices de l'enfant ne peuvent être définitivement évalués qu'au moment où il a atteint l'âge de 18 ans, âge de la consolidation de son état de santé ;
- pour le surplus ils s'en rapportent à l'instance qu'ils ont eux-mêmes engagée devant la cour sous le n° 18NT03218.
II) Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n°18NT02316, les 13 juin 2018, 18 juillet 2018 et 20 juin 2019 la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentée par Me L..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les consorts H... et la CPAM de l'Orne.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;
- elle ne peut être condamnée à garantir le centre hospitalier de Falaise car elle n'était plus l'assureur du centre hospitalier à la date de la première réclamation de la victime ; le dommage devait être couvert par le contrat en vigueur à la date où cette réclamation est intervenue ; aucune preuve n'est apportée de ce que le centre hospitalier avait connaissance du dommage à la date où a été signé le contrat avec la société Newline Underwriting Management Ltd ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le centre hospitalier de Falaise a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- le taux de perte de chance à hauteur de 95 % est contestable ;
- les montants d'indemnisation accordés par le tribunal administratif sont excessifs ;
- la CPAM ne justifie pas devoir exposer de manière certaine des dépenses dans l'avenir, et n'apporte pas d'élément permettant d'en apprécier l'importance.
Par des mémoires enregistrés les 14 août 2018 et 6 mars 2019 la société Newline Underwriting Management Ltd, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la SHAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le litige s'inscrit dans le cadre de la garantie d'une durée minimum de cinq ans due à son client par un assureur en application de l'alinéa 4 de l'article L. 251-2 du code des assurances et que les moyens soulevés par la SHAM ne sont en conséquence pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 28 décembre 2018, 28 août 2019, 4 octobre 2019 et 25 juin 2020 (non communiqué) le centre hospitalier de Falaise, représenté par Me N..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance trop élevé et procédé à des estimations excessives des chefs de préjudices indemnisés ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la SHAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les mêmes moyens que dans l'instance n°18NT02285 visée ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 21 mars et 9 juillet 2019 la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, représentée par Me G..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il n'a pas précisé que les débours que le centre hospitalier de Falaise a été condamné à lui payer ne concernaient que la période du 16 décembre 2009 au 13 avril 2017 et que la condamnation n'était pas exclusive des débours qu'elle serait amenée à exposer pour l'avenir.
Elle fait valoir les mêmes moyens que dans l'instance n°18NT02285 visée ci-dessus.
Par un mémoire enregistré le 10 mars 2020 M. H... et Mme C..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de parents de E... H..., représentés par Me M..., concluent :
1°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a fait droit qu'à une partie de leurs conclusions indemnitaires ;
2°) à la condamnation du centre hospitalier de Falaise et/ou son assureur à leur verser la somme totale de 1 450 131,37 euros, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise relative au besoin d'aide par une tierce personne de l'enfant E... ;
3°) à ce que soit mise à la charge des mêmes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé des condamnations définitives alors qu'ils demandaient des condamnations provisoires dès lors que les préjudices de l'enfant ne peuvent être définitivement évalués qu'au moment où il a atteint l'âge de 18 ans, âge de la consolidation de son état de santé ;
- pour le surplus ils s'en rapportent à l'instance qu'ils ont eux-mêmes engagée devant la cour sous le n° 18NT02318.
III) Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n°1802318, les 13 juin 2018, 9 septembre 2019, 30 septembre 2019 et 4 octobre 2019 M. H... et Mme C..., représentés par Me M..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il n'a fait droit qu'à une partie de leurs conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Falaise et/ou son assureur à leur verser la somme totale de 1 450 131,37 euros, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise relative au besoin d'aide par une tierce personne de l'enfant E... ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Falaise et/ou de son assureur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif a commis une erreur en leur accordant certaines indemnisations à titre définitif alors que les préjudices de E... H... ne sont pas définitivement constitués et que les indemnisations étaient demandées à titre provisionnel ;
- il n'a pas statué sur les frais de déplacement pour consultation de spécialistes exposés entre la demande de première instance et la date du jugement ;
- les indemnisations prononcées par le tribunal administratif sont insuffisantes et ne correspondent pas à l'importance des préjudices subis ; il y a lieu de porter à 81 664,48 euros avant perte de chance les frais de déplacement induits par l'accueil de E... dans un centre éducatif spécialisé, à 21 398,75 euros avant perte de chance le préjudice de frais de scolarité dans un centre éducatif spécialisé, à 7 992,43 euros avant perte de change l'indemnisation du préjudice de frais d'hébergement, à 10 747,65 euros avant perte de chance l'indemnisation du préjudice lié aux déplacements en vue de la consultation de spécialistes, à 6 830 euros le préjudice lié à la consultation d'experts, à 76 937,06 euros et 87 928,08 euros avant perte de chance les arrérages échus et à échoir couvrant le préjudice de frais de véhicule adapté, à 1 074 537 euros avant perte de chance l'indemnisation du besoin d'assistance par tierce personne, à 30 000 euros avant perte de chance le préjudice scolaire temporaire subi par E... H..., à 121 000 euros avant perte de chance l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux de E... H..., ceux-ci se décomposant en 81 000 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 25 000 euros pour les souffrances endurées et 15 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, les frais de logement adapté étant réservés ;
- le taux de perte de chance retenu par le tribunal administratif devra être confirmé ;
- les frais d'appareillage, tels qu'un fauteuil roulant, et de petit matériel sont la conséquence directe de la faute commise par le centre hospitalier et doivent être indemnisés en vertu du principe de réparation intégrale, même en l'absence de justificatifs de ce que les dépenses correspondantes ont effectivement été engagées par eux ; les dépenses engagées à ce titre et leur nécessaire renouvellement justifient qu'il leur soit alloué la somme de
8 383,65 euros, avant application du taux de perte de chance ;
- leur demande concernant ce poste de préjudice ne peut être regardée comme tardive dès lors que les dépenses de santé ne constituent qu'une partie du préjudice dont leur recours contentieux vise à obtenir l'indemnisation en raison de la responsabilité fautive du centre hospitalier ;
- les frais de la scolarité de E... au centre d'éducation spécialisé de Bayeux se sont élevés à 21 398,75 euros ; la circonstance que cette somme a été réglée par une association loi de 1901 qu'ils ont créée ne fait pas obstacle à ce qu'elle leur soit remboursée en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice ; cette demande particulière n'est pas tardive ;
- les frais de logement adapté sont réservés ;
- l'indemnisation accordée au titre du besoin d'assistance par tierce personne n'a pas été calculée sur des bases correctes ; il n'y a pas lieu de déduire les aides perçues au titre des prestation de compensation du handicap (PCH), allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et allocation journalière de présence parentale (AJPP) ; le besoin d'assistance par tierce personne de E... H... doit être fixé à 15h30 par jour ; le montant de l'indemnisation doit tenir compte du fait que, jusqu'au 18 mois de E... H..., ses troubles du sommeil ont en outre nécessité une présence active à ses côtés trois heures par nuit ; une assistance par tierce personne doit être admise pendant les périodes où E... a été hospitalisé au SSR pédiatrique de Bayeux entre le 9 décembre 2015 et le 25 mars 2016 ; il doit être également tenu compte du calendrier scolaire particulier de l'IME de Sées que E... fréquente depuis le 26 juin 2017 ; le besoin d'assistance par tierce personne de E... peut être fixé au 31 décembre 2019 à 45 725 heures ; le taux horaire d'assistance doit être fixé à
23,50 euros, par référence au devis d'un prestataire d'assistance qu'ils ont fait établir ; ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de 1 020 537 euros, arrérages échus et arrérages à échoir confondus ; ce montant devra être ramené à 973 311,85 euros en cas de déduction de la PCH.
Par des mémoires enregistrés les 14 novembre 2018 et 6 mars 2019 la société Newline Underwriting Management Ltd, représentée par Me B..., conclut à sa propre mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de la SHAM la somme de 6 000 au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle invoque les mêmes moyens que dans les deux instances visées ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 28 décembre 2018, 27 août 2019, 4 octobre 2019 et 25 juin 2020 (non communiqué) le centre hospitalier de Falaise, représenté par Me N..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu un taux de perte de chance trop élevé et procédé à des estimations excessives des chefs de préjudices indemnisés ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la SHAM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par les consorts H... ne sont pas fondés et invoque pour ce qui le concerne les mêmes moyens que dans l'instance n°18NT02285 visée ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 21 mars et 9 juillet 2019 la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, représentée par Me G..., conclut à la jonction des dossiers n°18NT02285, 18NT02316 et 18NT02318 et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il n'a pas précisé que les débours que le centre hospitalier de Falaise a été condamné à lui payer ne concernaient que la période du 16 décembre 2009 au 13 avril 2017 et n'était pas exclusive des débours qu'elle serait amenée à exposer pour l'avenir.
Elle invoque les mêmes moyens que dans les deux instances visées ci-dessus.
Par des mémoires enregistrés les 30 août, 12 septembre, 20 septembre et 10 octobre 2019 la SHAM, représentée par Me L..., conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les consorts H... n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me J..., représentant M. H... et Mme C..., de
Me N..., représentant le centre hospitalier de Falaise, de Mme O..., substituant Me L..., représentant la société hospitalière d'assurances mutuelles et de Me I..., représentant la société Newline Underwriting Managament Ltd.
Une note en délibéré présentée par M. H... et Mme C... a été enregistrée le
3 juillet 2020 dans l'instance n°18NT02318.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été prise en charge le 15 décembre 2009 à compter de cinq heures du matin par le centre hospitalier de Falaise en vue de son accouchement. Elle a donné naissance le 16 décembre à 0 heure, après une césarienne réalisée en urgence, à un garçon, E... H.... Cet enfant, ayant souffert d'une anoxie sévère en période périnatale, a été pris en charge immédiatement par un pédiatre puis transféré très rapidement au service de néonatalogie de Caen à la suite de crises de convulsions. Une IRM réalisée dès les premiers jours a mis en évidence des lésions très sévères du cerveau. M. H... et Mme C... ont adressé le 2 décembre 2015 au centre hospitalier de Falaise une demande tendant à la réparation des préjudices subis par eux et leur enfant. Cette demande ayant été rejetée, ils ont saisi le tribunal administratif de Caen d'un recours indemnitaire.
2. Par un jugement du 13 avril 2018, le tribunal administratif de Caen, après avoir reconnu la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Falaise, a condamné celui-ci à verser à M. H... et Mme C..., en leur qualité de responsables légaux de E... H..., la somme de 55 286,90 euros outre la somme de 204 835 euros au titre spécifique du besoin d'assistance par tierce personne, sous déduction des prestations perçues en rapport avec le handicap de l'enfant, ainsi que, jusqu'au 11ème anniversaire de E..., une rente annuelle de 12 646 euros sous la même déduction. Il a également condamné l'établissement hospitalier à verser la somme de 28 500 euros à chacun des deux parents, la somme de 12 000 euros à Cassandre H..., soeur de E..., et celle de 8 000 euros à Mme F... H..., sa
grand-mère. Il a partiellement fait droit à la demande de la CPAM de l'Orne en mettant à la charge du centre hospitalier la somme de 133 273,88 euros au titre des débours exposés par elle. Enfin la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a été condamnée à garantir le centre hospitalier de Falaise des condamnations ainsi prononcées à son encontre.
3. Par trois requêtes n°18NT02285, 18NT02316 et 18NT02318 qu'il y a lieu de joindre, la CPAM de l'Orne relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas précisé la période à laquelle correspondaient les débours dont le tribunal lui a attribué le remboursement, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) fait appel du même jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir le centre hospitalier de Falaise des condamnations prononcées à son encontre, enfin M. H... et Mme C... contestent le jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires. Respectivement, dans les deux instances où elle est intimée, chacune des parties présente les mêmes conclusions par la voie de l'appel incident, et le centre hospitalier de Falaise, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamné au versement de sommes excessives.
Sur la régularité du jugement :
4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la SHAM, le jugement attaqué comporte une motivation suffisante au regard des conclusions dont ont été saisis les premiers juges.
5. En deuxième lieu, si M. H... et Mme C... soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il aurait omis de prendre en compte le caractère provisionnel des différentes indemnités demandées par eux, il résulte de ce qui est énoncé au point 8 de ce jugement que les premiers juges ont expressément entendu se prononcer de manière définitive sur le montant des chefs de préjudices qui leur étaient soumis, sous la seule réserve de l'aggravation des préjudices extrapatrimoniaux. Le moyen tiré d'une telle irrégularité ne peut donc qu'être écarté.
6. En troisième lieu toutefois, alors que M. H... et Mme C... ont expressément formulé des conclusions à fin de versement d'une rente pour les dépenses de santé devant être exposées après la date du jugement de même que pour les dépenses liées aux déplacement devant être réalisés à l'avenir pour se rendre aux consultations de médecins spécialistes, il ressort des termes du jugement, d'une part, que le tribunal administratif, qui a accordé dans ses motifs une rente annuelle de 1 000 euros pour les dépenses de santé à venir, a omis de reprendre cette rente dans son dispositif et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur la question de la rente relative aux dépenses devant être exposées pour les consultations à venir de médecins spécialistes. Le jugement est, par suite, irrégulier pour ce double motif et doit être annulé dans cette double mesure.
7. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. H... et Mme C... évoquées au point précédent et, pour le surplus, de statuer par la voie de l'effet dévolutif.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Falaise
8. Aux termes de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : " I- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.(...) ".
9. Il résulte de l'instruction, en particulier des circonstances de l'accouchement telles qu'elles sont rapportées dans le rapport établi par les experts judiciaires, que si le tracé du rythme cardiaque foetal (RCF) a été qualifié par les deux sages-femmes s'étant succédées auprès de Mme C... de satisfaisant jusqu'à 21 heures, il a en réalité présenté dès 19 heures 25 des anomalies sévères lui conférant progressivement un caractère pathologique. Or le gynécologue-obstétricien d'astreinte, pourtant appelé par la sage-femme à propos de la situation d'une autre patiente, n'a pas été consulté sur la situation de Mme C... avant 23 heures 05, alors que les données collectées dès 22 heures mettaient en évidence un très haut risque d'acidose foetale, et ce n'est qu'à 23 heures 20, alors que le RCF présentait un caractère pathologique depuis plus de trois heures, que la décision a été prise d'extraire l'enfant par césarienne. L'équipe d'intervention n'a au surplus été appelée que dix minutes plus tard, et l'intervention n'a commencé qu'à 23 heures 40. Dans ces conditions, les experts ont conclu que les séquelles graves de paralysie cérébrale dont restait atteint E... H... avaient pour origine, en l'absence de tout élément militant pour une autre cause,
l'hypoxie-ischémique aiguë dont avait souffert l'enfant au décours de l'accouchement. L'ensemble des rapports médicaux établis par d'autres médecins, consultés notamment par la société Newline Underwriting Management Lttd, confirme les conclusions du rapport d'expertise judicaire. Il suit de là que le retard de 3 heures à extraire l'enfant est constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service qui est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Falaise.
Sur la perte de chance :
10. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe alors à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judicaire, confirmé en cela par l'ensemble des rapports médicaux figurant au dossier, qu'en cas de souffrance foetale aiguë, que révèlent des anomalies majeures du rythme cardiaque foetal, tout retard dans l'extraction de l'enfant est susceptible de contribuer à l'apparition ou à l'aggravation de séquelles cérébrales. Il n'est pas contestable en l'espèce que le retard de 180 minutes à extraire l'enfant a constitué, alors même que doivent être pris en compte le délai incompressible pour préparer l'extraction et l'éventualité, très faible, d'une acidose anténatale d'origine métabolique, une perte de chance majeure d'éviter toute séquelle neurologique qui a été à juste titre chiffrée par les juges de première instance à 95%.
Sur les préjudices des consorts H... en litige devant la cour :
12. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences indemnitaires d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier de Falaise à plusieurs des conclusions indemnitaires formées par M. H... et Mme C... au motif qu'elles auraient été présentées tardivement, alors qu'elles portent sur des postes de préjudice déjà évoqués en première instance et se rattachent à la même cause juridique que celle sur laquelle leur recours indemnitaire a été formé, ne peuvent, sous la réserve que les condamnations prononcées par le présent arrêt n'excèdent pas les quantums demandés en première instance, qu'être écartées. Il en va de même s'agissant du préjudice scolaire, qui a été invoqué pour la première fois en appel, et qui se rattache également à ce même recours indemnitaire.
13. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'état de santé de E... H... ne sera pas regardé comme consolidé avant qu'il ait atteint l'âge de dix-huit ans. L'absence de consolidation, impliquant, notamment, l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage tous les frais dont il est d'ores et déjà certain qu'ils ont été exposés ou le seront jusqu'aux 18 ans de l'enfant ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de celui-ci.
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux frais liés au handicap :
14. S'il est constant que l'état de santé de E... H... requiert l'utilisation d'équipements et d'appareillages divers, tels qu'un fauteuil roulant et de petits équipements médicaux, il résulte cependant de l'instruction que, s'agissant du matériel nécessaire à la fréquentation du centre éducatif spécialisé de Bayeux, les frais de premier équipement ont été pris en charge par l'association " Marche, souris, danse ", créée par M. H... et Mme C... afin de recevoir des dons de particuliers permettant de financer les dépenses liées au handicap de leur enfant, à l'exception des montants de 400 et 690 euros, directement acquittés par eux, qui ont été indemnisés par le tribunal administratif. Si certains de ces équipements ont, depuis la date du jugement, fait l'objet d'un renouvellement, M. H... et Mme C... ne produisent aucun justificatif des dépenses correspondantes qui seraient restées à leur charge, précision étant apportée qu'ils ont également bénéficié, par l'intermédiaire de la prestation de compensation du handicap, d'une aide financière au titre de l'aide technique et de l'aide spécifique s'élevant, pour la période comprise entre 2013 et 2019, à 3 675,89 euros. Par suite, M. H... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que l'indemnisation qui leur a été accordée à hauteur de 1 035,50 euros, après application du taux de perte de chance, au titre de ces frais par le tribunal administratif devrait être majorée.
15. Pour ce qui concerne les frais de même nature susceptibles d'être exposés pour l'avenir, il y a lieu, en l'absence de toute contestation sur ce point, de réitérer la rente annuelle de 1 000 euros retenue par le tribunal administratif mais que ce dernier a omis de faire figurer dans le dispositif du jugement.
Quant aux frais de déplacement :
16. En premier lieu, il peut être regardé comme établi, notamment par l'état des débours produit par la CPAM de l'Orne, que M. H... et Mme C... ont été amenés à effectuer régulièrement des déplacements afin de se rendre aux différentes consultations de médecins spécialistes que requiert le suivi médical de E.... Bien qu'ils ne produisent aucun justificatif de ces déplacements, que ce soit en première instance ou en appel, les requérants indiquent toutefois le nom du praticien consulté, sa spécialité, la distance séparant son cabinet de leur domicile, et la fréquence des consultations. Dans ces circonstances, en l'absence de justification plus précise du montant des dépenses exposées mais en tenant compte de la réalité avérée des besoins, le tribunal administratif a procédé à une juste évaluation de ce chef particulier de préjudice en retenant le montant sollicité par M. H... et Mme C..., soit 5 335,90 euros après application du taux de perte de chance. Entre le 13 avril 2018 et la date du présent arrêt, le préjudice consécutif à ces déplacements peut être correctement évalué à la somme de 2 720 euros. Enfin, ce type de frais devant être régulièrement exposé, il y a également lieu d'allouer à M. H... et Mme C..., sur la base des consultations médicales périodiquement effectuées par E..., une rente annuelle de 1 360 euros jusqu'à ses 18 ans.
17. En second lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des factures établies par cet établissement, que E... H... a été placé entre le mois d'octobre 2012 et la fin du mois de juin 2014 dans un centre éducatif spécialisé privé situé à Bayeux, afin d'y bénéficier d'une thérapie cognitive destinée à le stimuler, qui nécessite la présence constante d'un tiers à ses côtés. Il ressort des pièces du dossier que cette présence a été assurée par Mme C... elle-même, qui a dans un premier temps disposé d'un logement situé à proximité, à Port en Bessin. E... a, dans un second temps, après la naissance du deuxième enfant de Mme C..., fréquenté cet établissement seulement à raison de quatre journées par semaine. Les parents de E... H... ont ainsi nécessairement supporté des frais de déplacement liés à la fréquentation par E... de ce centre éducatif spécialisé. Les déplacements nécessaires à la scolarisation de E... dans un établissement adapté, laquelle constitue une nécessité compte tenu des séquelles dont il souffre, entrent dans les frais dont ses parents sont fondés à obtenir le remboursement. En revanche, aucune nécessité, si ce n'est la facilité offerte par le centre éducatif lui-même, ne s'attachait à ce que Mme C... trouve un logement à Port en Bessin plutôt qu'à Bayeux même. Par ailleurs, si M. H... a vraisemblablement effectué plusieurs aller-retour en semaine pour rejoindre sa compagne et son fils pendant la période d'octobre 2012 à juin 2014, ces déplacements ne présentaient aucun caractère de nécessité vis-à-vis de la prise en charge éducative de E... pendant cette période et n'ont résulté que d'un choix strictement familial.
18. Il sera, dans ces conditions, fait une juste indemnisation du préjudice occasionné par les frais de déplacement liés à la fréquentation d'un centre éducatif spécialisé éloigné du domicile familial pour la période d'octobre 2012 à juin 2017, hors vacances scolaires et hors périodes d'hospitalisation, en l'évaluant, à raison d'un aller-retour hebdomadaire pour la période d'octobre 2012 à février 2014 inclus, hors vacances scolaires, puis de quatre
aller-retour par semaine de mars à juillet 2014 puis de janvier 2015 à juin 2017, hors vacances scolaires, et en tenant compte des diverses périodes d'hospitalisation de E... au centre de rééducation orthopédique de Bayeux entre décembre 2015 et mars 2016, puis de nouveau en octobre et décembre 2016, sur la base d'un prix de revient kilométrique de 0,561 euros, puis de 0,568 euros, correspondant à la puissance du véhicule utilisé, et après application du taux de perte de chance, à hauteur de 42 387,03 euros.
Quant aux honoraires de médecins conseils :
19. Il résulte de l'instruction que M. H... et Mme C... ont consulté, pour se faire conseiller et assister dans la perspective de l'engagement d'une démarche contentieuse, puis dans le cadre de l'expertise médicale concernant leur enfant E..., deux médecins conseils, dont les rapports sont cités à plusieurs reprises au dossier, l'un d'entre eux ayant été mentionné dans le rapport d'expertise au titre de dire. Ils doivent ainsi être regardés, même s'ils se limitent à produire les notes d'honoraires correspondantes et non la preuve de leur acquittement, comme ayant déboursé à cet effet la somme de 3 530, dont ils sont fondés, dès lors que ces frais ont été utiles à la préservation de leurs droits vis-à-vis d'un établissement hospitalier dont le comportement fautif est à l'origine des séquelles dont souffre leur enfant, à demander le remboursement au centre hospitalier de Falaise. En revanche, les honoraires du Dr Marette, qui ont déjà été pris en compte dans le cadre des frais d'expertise mis à la charge du centre hospitalier par l'ordonnance du 3 février 2014 du président du tribunal administratif de Caen, ne peuvent donner lieu à remboursement.
Quant aux frais d'hébergement :
20. Si M. H... et Mme C... soutiennent être en droit d'obtenir le remboursement des frais occasionnés par la nécessité de se loger à proximité du centre d'éducation spécialisé accueillant leur enfant, il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces produites par les requérants eux-mêmes, que les frais de loyers du logement correspondant ont été pris en charge par l'association déjà mentionnée au point 14, de même que les factures d'eau et d'électricité correspondantes. C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif a limité à 275,50 euros après perte de chance l'indemnisation de ce poste de préjudice, cette somme correspondant au seul montant de la taxe d'habitation de l'appartement pris à bail par M. H... et Mme C... acquitté par eux.
Quant aux frais de scolarité :
21. Si M. H... et Mme C... soutiennent être en droit d'obtenir le remboursement des frais de scolarité consécutifs à l'accueil de E... entre 2012 et 2017 par le centre éducatif spécialisé de Bayeux, il résulte de l'instruction que la dépense correspondante a également été prise en charge par l'association " Marche, souris, danse " créée par eux. Ils ne peuvent donc prétendre être indemnisés personnellement à ce titre.
Quant aux frais de logement adapté :
22. Il n'appartient pas au juge administratif de donner acte des réserves relatives à des préjudices futurs éventuels. Par suite, les conclusions de M. H... et Mme C... tendant à ce que l'indemnisation des préjudices futurs éventuels liés à l'adaptation d'un logement au handicap de E... H... soient réservée ne peuvent qu'être rejetées.
Quant aux frais de véhicule adapté :
23. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de E... H... rend nécessaire l'utilisation d'un véhicule adapté à son handicap. La fraction des frais d'acquisition et de renouvellement d'un véhicule qui se rapporte à l'adaptation du véhicule constitue, par suite, un préjudice dont il est d'ores et déjà certain qu'il sera subi jusqu'à la majorité de l'enfant. Si M. H... et Mme C... ne parviennent pas à justifier de manière précise les frais exposés à ce titre, en se bornant à invoquer l'acquisition en 2016 d'un véhicule d'occasion aménagé pour permettre d'accueillir un fauteuil roulant, pour un prix de 17 071,76 euros, et la reprise de leur ancien véhicule pour 1 500 euros, ou en produisant un devis pour l'acquisition, en 2019, d'un véhicule d'une valeur avoisinant les 50 000 euros, il est cependant non contestable que les frais d'adaptation d'un véhicule pour l'accès d'un fauteuil roulant s'élèvent en moyenne à 15 000 euros et que le véhicule doit être renouvelé tous les 7 ans. Dans ces conditions, il y a lieu d'accorder à M. H... et Mme C..., pour la période courant jusqu'au 18 ans de E..., une indemnité de 30 000 euros à ce titre, qui sera ramenée à 28 500 euros après application du taux de perte de chance.
Quant au besoin d'assistance par tierce personne
24. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit, à cette fin, se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
25. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire d'une indemnisation allouée à la victime du dommage dont un établissement public hospitalier est responsable, au titre de l'assistance par tierce personne, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet, hors le cas où une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune. Cependant, les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a, comme en l'espèce, entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
1. Les frais d'assistance par tierce personne déjà exposés :
26. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'état de santé de E... H... requiert, en raison des très lourdes séquelles consécutives à la faute du centre hospitalier de Falaise, qui sont à l'origine de lésions cérébrales irréversibles, une aide humaine particulièrement importante, afin non seulement de l'assister dans l'ensemble des actes de la vie quotidienne mais également de le stimuler et de le surveiller. Il n'est toutefois pas établi que les besoins d'assistance de E... auraient différé sensiblement de ceux d'un nourrisson ou d'un enfant du même âge, qui nécessite la présence d'une personne à ses côtés, jusqu'à l'âge de son troisième anniversaire. Ainsi, les premiers juges ont pu à bon droit estimer que la période de sa naissance jusqu'au mois d'octobre 2012, période à partir de laquelle l'enfant a été accueilli dans un centre éducatif spécialisé, n'ouvrait pas droit à une réparation au titre de l'assistance par tierce personne.
27. Dans l'attente de la consolidation de l'état de E..., ce besoin d'assistance par tierce personne sera plus exactement évalué, compte tenu des circonstances de l'espèce, à
10 heures par jour, chiffre qui correspond à la moyenne de la fourchette fixée par le rapport d'expertise dans sa version finale du 20 janvier 2014. Le besoin d'assistance par tierce personne de E... H... est demeuré constant entre ses deux ans et le moment où il a intégré l'IME Godegrand, le 22 juin 2017, à l'exception des différents séjours effectués en 2016 au centre de réadaptation fonctionnelle (CRF) du Manoir d'Aprigny, soit pendant 1 628 jours, soit un total de 16 280 heures. A compter du 26 juin 2017 et jusqu'au mois de juillet 2019 inclus, E... a bénéficié d'un régime de semi-internat à l'IME Godegrand de Sées, où son emploi du temps comportait en alternance des week-ends où il était totalement pris en charge par l'établissement ou à la charge de ses parents en demeurant au domicile familial. En dépit de cette prise en charge par un établissement spécialisé, le besoin d'assistance par tierce personne a été maintenu pour l'ensemble des périodes où E... est demeuré au domicile familial à raison de deux ou quatre jours par semaine, selon la nature de l'emploi du temps, ainsi que le matin et le soir, avant son départ pour l'IME et à son retour. Selon ces variations d'emploi du temps, le besoin d'assistance de E... peut être estimé, sur la base d'une moyenne, à 40 heures par semaine, hors période de vacances scolaires où il peut être fixé à 70 heures par semaine. Sur cette période de 111 semaines, y compris les vacances d'août 2019, le besoin d'assistance par tierce personne peut ainsi être estimé à 5 190 heures. Enfin, à compter de septembre 2019, E... a été scolarisé sous un régime d'internat dans lequel il est pris en charge par l'établissement du lundi au jeudi en fin de classe, ainsi que la journée du vendredi. Sous ce régime, le besoin d'assistance par tierce personne de E... peut être estimé à 36 heures par semaine hors vacances scolaires (soit un total de 1 110 heures) jusqu'au 13 mars 2020, date à partir de laquelle il a regagné le domicile familial en étant pris en charge par sa famille (10 semaines à 70 heures soit 700 heures) dans le cadre du confinement lié à la pandémie du Covid 19. E... a recommencé à fréquenter l'IME à compter du 25 mai 2020. A compter de cette date et jusqu'à celle du présent arrêt, soit pour une période de six semaines, le besoin d'assistance par tierce personne peut être estimé à 216 heures. A la date du présent arrêt, le besoin d'assistance s'est ainsi élevé ainsi à un total de 23 496 heures.
28. Sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail de dimanche fixé à 13,16 euros en 2012, 13,20 euros en 2013, 13,34 en 2014, 13,45 euros en 2015, 13,54 euros en 2016,
13,66 euros en 2017, 13,83 euros en 2018, et 14 euros en 2019 et 2020 et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice s'élève, jusqu'à la date du présent arrêt, à la somme de 359 127,20 euros, ramenée à 341 170,84 euros après application du taux de perte de chance fixé au point 10.
29. La prestation de compensation du handicap, servie par le département en application de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, a notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance par tierce personne. De plus, en vertu des dispositions de l'article L. 245-7 du même code, cette prestation ne peut donner lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale que si l'allocation d'éducation d'enfant handicapé (AEEH) est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit sa récupération par le prestataire en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de ces deux allocations et de leur complément éventuel doit être déduit de l'indemnité devant être allouée au titre de l'assistance par tierce personne à M. H... et Mme C.... Il en va différemment de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), prévue à l'article L. 544-1 du même code, au bénéfice de la personne qui assume notamment la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, qui, n'ayant été versée que jusqu'en avril 2012, ne peut être déduite de l'indemnisation pour assistance par tierce personne calculée après cette date.
30. Il résulte de ce qui précède que le montant des prestations compensant le handicap perçues par les parents de E... H... doit être déduit du poste de préjudice relatif à l'assistance par tierce personne, selon les modalités définies au point 25. Au regard des éléments communiqués par les requérants à la demande de la cour et pour la période courant jusqu'à la date du présent arrêt, ce montant s'élève à 89 665,60 euros s'agissant de la prestation de compensation du handicap et à 12 129,99 euros s'agissant de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé. Le montant de l'indemnisation susceptible d'être allouée à M. H... et à Mme C..., compte tenu du taux de perte de chance, s'élève à un total de 341 170,84 euros. Cumulé au montant des prestations versées au titre de la PCH et de l'AEEH, soit 101 795,59 euros, ce montant s'élèverait à 442 966,43 euros, tandis que le montant total des frais d'assistance à tierce personne hors perte de chance s'élève à la somme de 359 127,20 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à une réfaction de 83 839,23 euros (442 966,43 euros - 359 127,20 euros) sur le montant évalué au point 28. L'indemnité mise à la charge du centre hospitalier, telle que précédemment déterminée, doit donc être fixée à la somme de 257 331,61 euros.
2. Les frais futurs d'assistance par tierce personne :
31. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré.
32. A la date de l'arrêt, la consolidation de l'état de santé de E... H... n'est pas encore intervenue. Il ne peut être exclu qu'à l'avenir son état de santé requière son placement permanent dans une institution différente de celle qu'il fréquente actuellement et les modalités de prise en charge de E... à son domicile ne peuvent pas davantage être déterminées. Ainsi, en l'absence d'élément précis concernant les conditions de la prise en charge de E... pour l'avenir et jusqu'à ses 18 ans, il y a lieu de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile au prorata des nuits qu'il aura passées à son domicile au cours du trimestre considéré, dont M. H... et Mme C... devront justifier. Cette rente, versée à chaque trimestre échu, sera calculée sur la base d'un taux quotidien fixé à 108,57 euros, après perte de chance, à la date du présent arrêt. Ce taux devra être revalorisé par la suite en fonction des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera due au prorata du nombre de nuits que E... aura passées au domicile, et sous déduction, le cas échéant, des sommes versées aux ayants-droits de E... au titre des aides financières à la tierce personne qu'il appartiendra également aux intéressés de porter à la connaissance du centre hospitalier de Falaise.
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
33. E... H... est atteint d'une infirmité motrice cérébrale importante en relation avec les conditions de sa naissance à raison d'un déficit fonctionnel évalué par les experts à 75% avant la date de la consolidation. Les souffrances endurées par E... H... ont été fixées par l'expert à 4 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique a été coté à 3 sur la même échelle. Pour la période s'étendant de la naissance de E... à ses 18 ans, et sous réserve d'une aggravation de son état de santé après ses 11 ans lui ouvrant droit à une réévaluation, il sera ainsi fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par E... à raison de la durée de son déficit fonctionnel temporaire, de ses souffrances physiques et morales et de son préjudice esthétique, ainsi que de la part extrapatrimoniale de son préjudice scolaire, en les fixant, après application du taux de perte de chance de 95%, à la somme totale de 59 400 euros.
34. Il résulte de ce qui précède que la somme à verser à M. H... et Mme C... au titre des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux propres à l'enfant E... s'élève au montant total de 400 515,54 euros et la rente annuelle à 2 360 euros, à laquelle s'ajoute la rente couvrant le besoin à venir d'assistance par tierce personne telle que décrite au point 32.
Sur la requête n°18NT02316 de la SHAM :
35. Aux termes de l'article L. 251-2 du code des assurances : " Constitue un sinistre, pour les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable ou d'un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique, imputable aux activités de l'assuré garanties par le contrat, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. / Constitue une réclamation toute demande en réparation amiable ou contentieuse formée par la victime d'un dommage ou ses ayants droit, et adressée à l'assuré ou à son assureur. / Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du même code garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation. / Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans. / (...) / Le contrat ne garantit pas les sinistres dont le fait dommageable était connu de l'assuré à la date de la souscription. / Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4 ".
36. Il résulte de l'instruction que la SHAM était l'assureur du centre hospitalier de Falaise à la date du dommage, en vertu d'un contrat d'assurance, soumis au code des marchés publics, qui est arrivé à son terme le 30 décembre 2010. Après une période de couverture par la société AXA, la société Newline Underwrirting Management Ltd est devenue l'assureur du centre hospitalier à compter du 18 octobre 2012. Le centre hospitalier a formulé une déclaration de sinistre auprès de la SHAM à la suite de la demande en référé-expertise formée en juillet 2013 par les consorts H..., mais cet assureur a refusé de prendre en charge le sinistre. La société Newline Underwriting Management Ltd, estimant quant à elle que le centre hospitalier avait déjà connaissance du fait dommageable à la date de la souscription du contrat passé avec elle et que la gestion du sinistre incombait à la SHAM dans le cadre de la garantie prévue à l'alinéa 3 de l'article L. 251-2 précité qui ne prenait fin que le 31 décembre 2015, a également refusé de prendre en charge le sinistre et a saisi la commission d'arbitrage de la fédération française des sociétés d'assurance. Cette instance d'arbitrage s'étant déclarée incompétente au profit de la juridiction administrative, la société Newline Underwriting Managament Ltd a demandé à être mise hors de cause dans le contentieux indemnitaire initié par les consorts H....
37. Si la SHAM soutient que le centre hospitalier de Falaise ne peut être regardé comme ayant eu connaissance du fait dommageable à la date où il a souscrit un contrat d'assurances avec la société Newline Underwriting Management Ltd et que, de ce fait, l'exception prévue à l'alinéa 6 de l'article L. 251-2 du code des assurances ne peut pas jouer, il résulte de l'instruction que le retard anormalement long mis à assurer l'extraction de l'enfant E..., qui est constitutif de la faute reprochée au centre hospitalier, a été à l'origine d'une réunion de débriefing dans les jours suivants les faits, à l'issue de laquelle un protocole d'appel du gynécologue de garde par la sage-femme de garde, lequel n'existait pas auparavant, a été mis en place. Par ailleurs, les pédiatres du centre hospitalier ont été tenus informés au jour le jour dès après la naissance des lésions cérébrales importantes dont était atteint l'enfant et de leur évolution. Ils ont assuré le suivi de l'enfant en 2010 et en 2011 et ont dès cette époque échangé avec d'autres professionnels de santé au sujet des lésions dont était atteint E.... L'accident de naissance de E... a ainsi constitué un fait marquant et grave dont ont nécessairement eu connaissance tant les différents praticiens que les responsables administratifs du centre hospitalier de Falaise dès la fin de l'année 2009, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce n'est qu'en novembre 2011 que les consorts H... ont demandé la communication du dossier médical de E.... Dans ces conditions, le centre hospitalier de Falaise ne peut qu'être regardé comme ayant eu connaissance du fait dommageable qui lui était imputable ou était susceptible de lui être imputable avant que ne prenne effet le contrat d'assurances passé avec la société Newline Underwrirting Management Ltd. Il suit de là qu'en vertu des dispositions du code des assurances rappelées ci-dessus il incombait à la SHAM, assureur de l'établissement hospitalier à la date du fait générateur, de garantir son assuré pour les conséquences dommageables du sinistre survenu en décembre 2009. Elle doit, par suite, être solidairement condamnée avec l'établissement hospitalier à verser à M. H... et Mme C... les différentes indemnités couvrant les préjudices subis par leur enfant E....
Sur la requête n°18NT02285 de la CPAM de l'Orne :
38. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la première instance, la CPAM de l'Orne s'est bornée à demander le remboursement des frais déjà exposés par elle pour son assuré E... H..., produisant en dernier lieu devant le tribunal administratif de Caen une attestation d'imputabilité signée le 14 juin 2017 faisant état de débours arrêtés au 13 avril précédent. Elle n'a présenté aucune conclusion en vue du remboursement des frais qu'elle serait amenée à exposer pour l'avenir pour l'enfant E.... La seule mention d'un caractère " provisionnel " du remboursement sollicité ne saurait tenir lieu de telles conclusions. Par suite, alors même que le jugement serait entaché d'une maladresse de rédaction en ce qu'il n'a pas précisé dans le dispositif que les débours au remboursement duquel le centre hospitalier de Falaise était condamné concernaient la période s'achevant le 13 avril 2017, la CPAM, qui conserve la faculté de demander le remboursement des débours exposés après le 13 avril 2017, ce qu'elle n'a pas davantage fait en appel, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif se serait mépris sur le sens et la portée de ses conclusions.
39. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts H... sont fondés dans la mesure rappelée au point 34 à demander la réformation du jugement attaqué, et que les requêtes n° 18NT02285 de la CPAM de l'Orne et n°18NT02316 de la SHAM ainsi que les conclusions d'appel incident présentées le cas échéant par chacune d'elles et par le centre hospitalier de Falaise ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
40. Il y a lieu de mettre définitivement à la charge du centre hospitalier de Falaise les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 3 février 2014 à la somme de 2 909,76 euros.
41. Il y a lieu, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SHAM et du centre hospitalier de Falaise une somme globale de 2 000 euros à verser à M. H... et Mme C.... Il y a également lieu de mettre à la charge de la SHAM la somme de 1 500 euros chacun à verser à la société Newline Underwriting Management Ltd et au centre hospitalier de Falaise.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1601142 du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la rente annuelle de 1 000 euros accordée pour les dépenses de santé à venir ainsi que sur les conclusions concernant la rente relative aux dépenses devant être exposées pour les consultations à venir de médecins spécialistes.
Article 2 : La somme de 260 121,90 euros (55 286,90 euros + 204 835 euros) que le centre hospitalier de Falaise a été condamné par le tribunal administratif de Caen à verser à M. H... et Mme C... est portée à 400 515,54 euros
Article 3 : La rente annuelle que le centre hospitalier de Falaise est condamné à verser à M. H... et Mme C..., en leur qualité de représentants légaux de E... H..., est fixée à 2 360 euros.
Article 4 : Le centre hospitalier de Falaise versera à M. H... et Mme C..., en leur qualité de représentants légaux de E... H..., au titre des frais d'assistance de ce dernier par tierce personne à venir une rente calculée selon les modalités définies au point 32 du présent arrêt.
Article 5 : La société hospitalière d'assurances mutuelles est solidairement condamnée avec le centre hospitalier de Falaise au versement des indemnités et rentes indiquées aux articles 2 à 4.
Article 6 : Le jugement n° 1601142 du 13 avril 2018 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 5.
Article 7 : La requête n°18NT02285 de la CPAM de l'Orne, la requête n°18NT02316 de la SHAM ainsi que les autres conclusions présentées devant la cour par le centre hospitalier de Falaise, les consorts H... et la CPAM de l'Orne sont rejetées.
Article 8 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 909,76 euros sont mis solidairement à la charge définitive du centre hospitalier de Falaise et de la SHAM.
Article 9 : La SHAM et le centre hospitalier de Falaise verseront solidairement à M. H... et à Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 10 : La SHAM versera la somme de 1 500 euros chacun à la société Newline Underwriting Management Ltd et au centre hospitalier de Falaise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 11 : Le présent jugement sera notifié à M. K... H... et Mme D... C..., au centre hospitalier de Falaise, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la société Newline Underwriting Management Ltd, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne et à Mme F... H....
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 juillet 2020.
Le rapporteur
A. A...
Le président
I. Perrot Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 18NT02285, 18NT02316, 18NT02318 20