La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2020 | FRANCE | N°18NT01637

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 18NT01637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travaux Publics Jean Rohou (TPR) a demandé au tribunal administratif de Rennes, premièrement, de condamner le département du Morbihan à lui verser la somme de 1 369 279,12 euros TTC, assortie de la révision des prix et des intérêts moratoires, correspondant au solde du marché portant sur l'opération de contournement est de Muzillac sur la route départementale (RD) n° 5 et la réalisation de travaux au nord de la route nationale (RN) n° 165 sur le territoire de cette commune, deuxièmement,

de désigner un expert afin, d'une part, de déterminer l'existence de travaux s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travaux Publics Jean Rohou (TPR) a demandé au tribunal administratif de Rennes, premièrement, de condamner le département du Morbihan à lui verser la somme de 1 369 279,12 euros TTC, assortie de la révision des prix et des intérêts moratoires, correspondant au solde du marché portant sur l'opération de contournement est de Muzillac sur la route départementale (RD) n° 5 et la réalisation de travaux au nord de la route nationale (RN) n° 165 sur le territoire de cette commune, deuxièmement, de désigner un expert afin, d'une part, de déterminer l'existence de travaux supplémentaires ainsi que les causes des retards dans l'exécution du marché et, d'autre part, de fixer la date de la réception, troisièmement, de prononcer la réception de l'ouvrage à compter du 3 octobre 2012 et, quatrièmement, de mettre à la charge du département du Morbihan la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1304921 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement au département du Morbihan d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, et des mémoires, enregistrés le 23 mai 2018, le 15 octobre 2018, le 20 novembre 2018, le 27 novembre 2018, le 3 janvier 2019, le 24 janvier 2019 et le 28 février 2020, ainsi qu'un mémoire récapitulatif, enregistré le 2 mars 2020, la société TPR, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 février 2018 ;

2°) de condamner le département du Morbihan à lui verser la somme de 1 369 279,12 euros TTC, assortie de la révision des prix, des intérêts moratoires et de leur capitalisation, correspondant au solde du marché portant sur l'opération de contournement est de Muzillac sur la RD n° 5 et la réalisation de travaux au nord de la RN n° 165 sur le territoire de cette commune ;

3°) de prononcer la réception de l'ouvrage à compter du 3 octobre 2012 ;

4°) de mettre à la charge du département du Morbihan la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et ses textes d'application sont applicables au litige ;

- la circonstance que la maîtrise d'oeuvre ait été assurée par un des services du département porte atteinte au principe de loyauté dans les relations contractuelles ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 n'est " pas applicable au cas d'espèce " mais il faut y " recourir " pour régler le litige ;

- des plans lui ont certes été remis dans le dossier de consultation des entreprises, mais ces plans, tels que mis à sa disposition sous format dématérialisé, ne pouvaient pas être modifiés ni n'étaient exploitables en tant que plans d'exécution compte tenu de leur précision insuffisante ; ces plans ne présentaient donc pas les caractères de plans d'exécution ; en omettant de lui remettre des plans d'exécution, le département a violé l'article 10 du CCAP ; pour pallier ce manquement du département à ses obligations contractuelles, des études complémentaires ont donc été réalisées ; le département doit prendre en charge leur coût, qui s'élève à 13 400 euros HT ;

- en cas de doute sur le caractère suffisant des plans compris dans le dossier de consultation des entreprises, il est nécessaire de désigner un expert judiciaire ;

- la modification du plan d'exécution du " profil en long de la branche SI2 ", réalisée par le maître d'oeuvre, a imposé la réalisation d'études d'exécution complémentaires pour un coût de 1 215 euros HT ;

- l'adaptation de la rampe à l'intérieur du bassin a imposé la réalisation d'une étude supplémentaire pour un montant de 915 euros HT ;

- la remise, le 25 juillet 2011, d'un " plan d'assurance qualité " est une prestation indispensable à la réalisation de l'ouvrage, dont le coût, qui s'élève à 3 000 euros HT, doit être pris en charge par le département ;

- en vertu de l'article 10 du CCAP, qui prime sur le CCTP, les plans d'exécution de " l'ouvrage hydraulique béton " devaient être établis par le service du département en charge de la maîtrise d'oeuvre et être remis gratuitement à l'entrepreneur ; la prestation identifiée au point n° 48 du bordereau de prix unitaires et intitulée " ouvrage hydraulique béton " n'inclut pas la réalisation des plans d'exécution de " l'ouvrage hydraulique béton " ; ceci est corroboré par les énonciations de l'article 3-10 du CCAP ; dès lors qu'elle a néanmoins dû réaliser de tels plans, une somme de 2 432 euros HT doit lui être versée en rémunération de cette prestation ;

- postérieurement à la réalisation des études et plans d'exécution de " l'ouvrage hydraulique béton ", réalisés par elle en lieu et place du maître d'oeuvre, ce dernier a modifié son " profil en long ", ce qui a imposé une modification des documents d'exécution pour un coût de 1 215 euros HT ;

- l'étude géotechnique a été communiquée tardivement ;

- le dossier de consultation des entreprises prévoyait uniquement l'extraction de déblais de première catégorie mais les premiers travaux sur le site ont révélé la présence de déblais de deuxième catégorie ; or l'extraction de ces derniers a imposé l'emploi d'engins dont l'utilisation est plus coûteuse que ce qui était prévu dans les documents de la consultation ; le département a refusé de rémunérer l'extraction des déblais de deuxième catégorie dans les proportions demandées dans le mémoire en réclamation au motif que les prestations décrites dans ce mémoire ne correspondaient pas à celles réalisées et que le coût de ces prestations était surévalué ; toutefois, ce refus n'était pas fondé ; en effet, d'une part, le département ne pouvait pas refuser de faire droit sur ce point au mémoire en réclamation alors qu'aucun constat contradictoire, tel que prévu à l'article 12 du CCAG Travaux, n'avait été réalisé ; d'autre part, le prix facturé, de 43,75 euros HT par mètre cube, n'était pas surévalué ; une telle surévaluation ne peut d'ailleurs être démontrée en se bornant à se référer au prix pratiqué par une autre entreprise, dans le cadre de travaux distincts, les prix de cette autre entreprise relevant d'ailleurs du secret des affaires ; enfin, si le service du département titulaire de la maîtrise d'oeuvre a indiqué par ordre de service du 13 décembre 2011 qu'il convenait de rémunérer l'extraction des déblais de deuxième catégorie 8,50 euros HT par mètre cube, cet ordre de service est, en méconnaissance de l'article 14.4 du CCAG Travaux, intervenu plus de 15 jours après le courrier du 21 novembre 2011 mentionnant le prix de 43,75 euros HT par mètre cube et n'était pas accompagné d'un sous-détail du prix ; en tout état de cause, s'agissant de l'extraction des déblais de seconde catégorie, aucun " prix définitif ", au sens de l'article 14.5 du CCAG Travaux, n'a été arrêté ; elle a donc droit au règlement par le département du surcoût lié à l'extraction des déblais de deuxième catégorie, à savoir 494 130 euros HT, alors même qu'elle n'a pas répondu à un courrier du département daté du 23 mars 2012 répondant à son mémoire en réclamation du 23 janvier 2012 ; en effet, ce courrier émanait du département en tant que maître d'oeuvre et non en tant que pouvoir adjudicateur et ne constituait donc pas la réponse de ce dernier au mémoire en réclamation, si bien qu'elle n'avait pas à y répondre ;

- l'extraction des déblais de deuxième catégorie a aussi imposé de faire venir sur le chantier un " bull " par un convoi exceptionnel de troisième catégorie, ce qui a engendré un surcoût de 16 000 euros HT ;

- s'agissant de l'application d'une couche de 10 cm de " grave non traitée 0/20 " sur les fonds de déblais rocheux, le maître d'oeuvre a proposé de rémunérer cette prestation 4,49 euros HT par tonne ; toutefois, ce " prix provisoire " a été communiqué à l'entreprise par un ordre de service parvenu hors le délai de l'article 14.4 du CCAG Travaux ; cet ordre de service ne comprenait par ailleurs pas le détail du prix proposé et a été fixé sans concertation préalable avec l'entreprise ; il convenait de retenir pour cette prestation un prix total de 6 466 euros HT ; alors même que ce dernier prix est supérieur à celui communiqué par l'entreprise lors d'une réunion de chantier du 2 avril 2012, ce prix n'est pas surévalué ; en effet le prix communiqué lors de cette réunion était celui de la fourniture et de la mise en oeuvre de grave non traitée 0/20 " en accotement " et non pas sur des fonds de déblais rocheux, à l'aide de matériaux prélevés sur site, ou de matériaux provenant d'une carrière extérieure au chantier ; ainsi, le département doit verser, au titre de cette prestation, une somme de 6 466 euros HT ;

- en vertu de l'article 1.2.1 du CCTP, l'entrepreneur est tenu de réaliser les bassins de décantation, en phase provisoire avant le début des terrassements généraux conformément aux instructions qui lui seront données par le maître d'oeuvre ; toutefois, cette clause est nulle car elle ne permet pas de chiffrer la prestation avec précision ; en tout état de cause, le coût de la réalisation de ces bassins ne peut être regardé comme étant intégré aux prix n° 5 et 8 du bordereau de prix unitaire dès lors que la construction de bassins de décantation constituent des travaux d'assainissement et non pas de terrassement ; il n'est pas non plus intégré au prix n° 44 dès lors que ce prix rémunère un " écrêteur décanteur ", soit un ouvrage définitif, et non pas un bassin de décantation provisoire ; il n'est pas plus intégré au prix n° 1, qui ne traite pas de la question ; il y a donc lieu d'inclure dans le décompte une somme complémentaire de 1 600 euros HT ;

- il résulte de l'article 12.1 du CCAP intitulé " Gestion des déchets de chantier " ainsi que de l'ensemble des stipulations contractuelles, et notamment des articles 3.3.1. et 3.6.4.2. du CCTP ainsi que 7.1. et 37 du " CCAG en matière de protection de l'environnement ", que la propriété de tous les déchets de chantier évacués par l'entrepreneur revenait à ce dernier ; ainsi, en ne lui permettant pas de vendre le bois évacué du chantier, le département l'a privée d'une source de revenus à hauteur de 5 926 euros HT ; le département a commis une faute en ne l'informant pas qu'il avait prévu de remettre les arbres coupés lors du chantier à une association ;

- les opérations de talutage destinées à permettre la mise en place d'un poteau téléphonique ne sont pas comprises dans le marché ; en effet, d'une part, il résulte de l'article 3.1. du CCAP que les travaux de " Déplacements de réseaux " sont exclus du marché ; d'autre part, l'article 1.2.1.1 du CCTP qui détaille les " travaux de terrassements généraux à exécuter au titre du (...) marché " ne comporte aucune prescription relative au " talutage pour pose de poteau [téléphonique] " ; une somme de 1 280 euros HT doit lui être versée par le département à ce titre ;

- les prestations consistant à boucher les extrémités d'un fossé et à créer une zone de rétention pour réaliser une opération de pompage ne sont comprises ni dans le prix n° 5 ni dans le prix n° 22 ; en effet, ces prestations étaient non prévues initialement puisqu'elles résultent de la découverte d'une pollution sur la " bretelle SI5 " ; en outre il s'agit de prestations techniques et coûteuses puisqu'elles impliquent des travaux sur des milieux pollués ; il en résulte un surcoût de 730 euros HT ;

- le prix n° 44, qui rémunère la réalisation d'un bassin écrêteur-décanteur, ne comprenait pas le prix de la réalisation de terrassements en déblais ; pourtant, ces travaux de terrassement étaient nécessaires ; il convient de les rémunérer à hauteur de 38 435 euros HT ;

- il résulte de la définition du prix n° 47, qui a trait au " Regard de visite Ø 1 000 " que ces regards de visite ne peuvent en moyenne avoir une profondeur dépassant un mètre ; la réalisation de onze regards de visite d'une profondeur en moyenne de 2,05 mètres a impliqué un surcoût de 2 980 euros HT ;

- d'après les pièces du marché, l'ouvrage hydraulique préfabriqué devait reposer sur un radier de fondation réalisé en béton, mis en place sur un lit de sable ; mais, lors d'une réunion de chantier du 3 octobre 2011, le maître d'oeuvre a exigé la réalisation d'un " béton de propreté " de vingt centimètres d'épaisseur, en lieu et place du " lit de sable " ; il en a résulté un surcoût de 3 264 euros HT non inclus dans le prix n° 48 ;

- la demande de rémunération complémentaire portant sur le déplacement des broussailles pour un montant de 4 110 euros HT est justifiée ; en effet, en raison d'une modification du projet consistant en l'ajout d'une rampe, elle n'a pas pu brûler les broussailles sur place, mais a dû les déplacer avant de les brûler, ce qui a occasionné ce surcoût ;

- elle a droit à une rémunération complémentaire à hauteur de 9 200 euros HT pour la " mise à la cote définitive " des " regards à grille concave 500 x 500 fonte ductile classe C 250 ", des " regards sur drain ", des " regards de tirage 500 x 500 type lit avec tampon fonte " et des " regards de visite Ø 1000 ", rémunérés respectivement par les prix n° 31, 32, 36 et 47 ; en effet, l'article 1.3.21 relatif aux " regards à grille ", l'article 1.3.22 relatif aux " regards de visite " et l'article 1.3.23 relatif aux " regards sur drain " n'imposent pas à l'entrepreneur de procéder sans supplément de prix à la mise à la " cote définitive " de tels regards ;

- elle a droit au versement d'une rémunération complémentaire de 7 650 euros HT pour l'acheminement d'une pelle par un convoi de deuxième catégorie ;

- le chantier doit être regardé comme ayant été réceptionné le 3 octobre 2012 alors qu'il devait parvenir à son terme le 29 mai 2012 ; cet allongement des travaux, lié notamment à la découverte de déblais de deuxième catégorie, a provoqué un surcoût de 242 524 euros HT ; ce surcoût est lié à une augmentation des frais généraux et à l'immobilisation des matériels ;

- la réception des travaux est intervenue le 3 octobre 2012 et non le 17 octobre suivant ; en outre, les travaux qui devaient se terminer le 29 mai 2012 et les intempéries ont justifié une prolongation du délai d'exécution des travaux de 7 jours et demi ; le retard dans l'exécution des travaux est imputable exclusivement à des aléas extérieurs ; ainsi les pénalités de retard ne sont pas applicables ;

- elle a droit à la révision des prix au titre des travaux supplémentaires qu'elle a effectués ;

- elle a droit à des intérêts moratoires en raison des retards de paiement dans les situations acceptées par le maître d'oeuvre, des écarts substantiels entre les situations présentées et les situations acceptées, de la non-rétribution des travaux relevant de prix nouveaux non notifiés à la valeur qu'elle a proposée et au titre du solde du décompte général ;

- une mesure d'expertise est utile compte tenu de la technicité des questions en litige.

Par des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2018, le 26 octobre 2018, le 27 novembre 2018 et le 8 janvier 2019, ainsi qu'un mémoire récapitulatif, enregistré le 27 février 2020, et un mémoire, enregistré le 13 mai 2020, le département du Morbihan, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Travaux Publics Jean Rohou une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant le département du Morbihan.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 29 juin 2011, le département du Morbihan a confié à la société Travaux Publics Jean Rohou (TPR) un marché portant sur la réalisation de travaux de terrassement et de travaux annexes, dans le cadre de l'opération de contournement est de la commune de Muzillac sur la route départementale (RD) n° 5 et de travaux au nord de la route nationale (RN) n° 165 sur le territoire de cette même commune. Le montant estimatif de ce marché à prix unitaires était, selon l'article 2 de l'acte d'engagement, de 656 562 euros HT. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à la direction générale des infrastructures et de l'aménagement (DGIA) du département du Morbihan. Les travaux attribués à la société TPR ont été réceptionnés le 17 octobre 2012. Le 17 janvier 2013, cette société a adressé au département un projet de décompte final, lequel indiquait que la somme totale à régler par le pouvoir adjudicateur au titre des travaux réalisés s'élevait à 1 715 251,26 euros HT, somme comprenant, d'une part, le prix des " travaux rémunérés par les prix du marché et les prix nouveaux notifiés " pour un montant de 815 839,26 euros HT et, d'autre part, une " demande de rémunération complémentaire " pour une somme de 899 412 euros HT. Par un courrier du 5 mars 2013, le département du Morbihan a informé la société TPR du rejet de ces " réserves et sollicitations indemnitaires ". Par un courrier du 14 mai 2013, le département a notifié le décompte général à la société TPR, lequel précise que le prix total à régler au titre des travaux effectués par celle-ci s'élève à 764 258,96 euros HT et que le solde du marché est nul, le prix de l'ensemble des prestations ayant été versé au titulaire. Le 27 juin suivant, la société TPR a émis des réserves concernant le décompte général et adressé au pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation, par lequel elle demandait le versement d'une somme de 28 669,87 euros TTC au titre de " réserves sur l'état récapitulatif des acomptes et l'état du solde " et d'une somme principale de 1 120 910,74 euros HT en rémunération de ses prestations. Par une demande introduite le 20 décembre 2013 devant le tribunal administratif de Rennes, elle a recherché la condamnation du département du Morbihan au paiement d'une somme de 1 369 279,12 euros au titre du solde du marché. Cette demande a été rejetée par le jugement du 22 février 2018 dont la société TPR relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, les premiers juges n'ont pas omis de répondre aux moyens qui leur étaient soumis. D'ailleurs, en se bornant à soutenir devant eux que la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et les textes pris pour son application étaient " applicable[s] au cas d'espèce ", la société TPR ne leur a pas soumis une argumentation juridique présentant les caractères d'un moyen, qui en tout état de cause serait inopérant dès lors que ces textes ne sont pas applicables à l'hypothèse où la maîtrise d'oeuvre est confiée à un service du maître d'ouvrage public.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la réalisation de travaux supplémentaires :

3. D'une part, aux termes de l'article 3.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Les ouvrages ou prestations faisant l'objet du marché seront réglés par application des prix unitaires selon les stipulations de l'acte d'engagement. (...) ". Il en résulte que les sommes à régler au titulaire du marché sont, s'agissant des ouvrages ou prestations mentionnés sur le bordereau des prix, déterminées en appliquant les prix unitaires figurant sur ce bordereau aux quantités réelles résultant de l'exécution des travaux commandés.

4. D'autre part, aux termes de l'article 14 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009, auquel le cahier des clauses administratives particulières renvoie sans y déroger : " 14.1. Le présent article concerne les prestations supplémentaires ou modificatives, dont la réalisation est nécessaire au bon achèvement de l'ouvrage, qui sont notifiées par ordre de service et pour lesquelles le marché n'a pas prévu de prix. / 14.2. Les prix nouveaux peuvent être soit des prix unitaires, soit des prix forfaitaires. / Ils sont établis sur les mêmes bases que les prix du marché (...) / (...) 14.4. L'ordre de service mentionné à l'article 14.1, ou un autre ordre de service intervenant au plus tard quinze jours après, notifie au titulaire les prix proposés pour le règlement des travaux nouveaux ou modificatifs. / Ces prix, qui ne sont pas fixés définitivement, sont arrêtés par le maître d'oeuvre après consultation du titulaire. Ils sont obligatoirement assortis d'un sous-détail, s'il s'agit de prix unitaires, ou d'une décomposition, s'il s'agit de prix forfaitaires, cette décomposition ne comprenant aucun prix d'unité nouveau dans le cas d'un prix forfaitaire pour lequel les changements présents ne portent que sur les quantités de natures d'ouvrage ou d'éléments d'ouvrage. / 14.5. Pour l'établissement des décomptes concernés, le titulaire est réputé avoir accepté les prix qui ont été fixés par l'ordre de service prévu aux articles 14.1 et 14.4, si, dans le délai de trente jours suivant l'ordre de service qui lui a notifié ces prix, il n'a pas présenté d'observation au maître d'oeuvre en indiquant, avec toutes justifications utiles, les prix qu'il propose. ". Les prix nouveaux mentionnés par ces stipulations ne sont applicables que pour les travaux ou ouvrages qui n'étaient pas prévus par le contrat et qui sont réalisés par l'entrepreneur en application d'un ordre de service.

5. Enfin, l'article 13.1.1. du CCAG Travaux stipule que, pour l'établissement des décomptes mensuels, " (...) [s]i des prestations supplémentaires ont été exécutées, les prix mentionnés sur l'ordre de service prévu à l'article 14.1 s'appliquent tant que les prix définitifs ne sont pas arrêtés. (...) ".

S'agissant de la réalisation de plans d'exécution et d'études complémentaires :

6. En premier lieu, la société TPR soutient que, si des plans lui ont été remis dans le dossier de consultation des entreprises, ces plans, tels que mis à sa disposition sous format dématérialisé, ne pouvaient pas être modifiés ni n'étaient exploitables en tant que plans d'exécution compte tenu de leur précision insuffisante. Elle ajoute que, pour pallier ce manquement du département à ses obligations contractuelles, elle a dû réaliser des études complémentaires pour un montant de 13 400 euros HT. Toutefois, si, en vertu de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), les plans d'exécution des ouvrages doivent être réalisés par le maître d'oeuvre et remis gratuitement au titulaire du marché, il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la consultation des entreprises, des plans ont effectivement été communiqués aux candidats en vue de la remise de leurs offres et qu'ensuite, le 29 août 2011, lors de la première réunion de chantier, la société TPR s'est vue remettre, outre une étude géotechnique, un profil en long et un profil en travers modifiés de l'axe " SI2 ", dont il n'est pas contesté qu'il correspond à l'amorce de la bretelle de sortie de la RN 165. Or il n'est établi ni que ces documents ne présentaient pas le caractère de plans d'exécution ni qu'ils étaient insuffisants pour que, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des études complémentaires, la société TPR réalise les ouvrages et prestations à sa charge. Au surplus, cette société ne justifie ni avoir effectivement réalisé des études d'exécution complémentaires, ni avoir assumé leur coût éventuel.

7. En deuxième lieu, la société TPR prétend que la modification du plan d'exécution du profil en long de l'axe " SI2 ", effectuée par le maître d'oeuvre, a imposé la réalisation d'études d'exécution complémentaires pour un coût de 1 215 euros HT et que l'adaptation d'une " rampe " a exigé la réalisation d'une étude supplémentaire pour un montant de 915 euros HT. Toutefois, cette société ne justifie ni de la nécessité, ni de la réalité, ni du coût éventuel de ces études.

8. En troisième lieu, la société TPR affirme que, pour un coût de 2 432 euros HT, elle a dû réaliser puis, à la suite d'interventions de la maîtrise d'oeuvre, modifier des études d'exécution concernant " l'ouvrage hydraulique béton " alors qu'en vertu de l'article 10 du CCAP, ces études devaient être effectuées par le service du département en charge de la maîtrise d'oeuvre et lui être remises gratuitement. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel ouvrage ne pouvait être réalisé dans les règles de l'art au vu des seuls plans remis par le département à la société TPR. D'autre part, la requérante ne justifie pas avoir réalisé des prestations d'étude préalablement à la réalisation de cet ouvrage.

S'agissant de la réalisation d'un " plan d'assurance qualité " :

9. L'article 9.3 du CCAP, dont les stipulations prévalent, en vertu de l'article 2 du même cahier sur celles, partiellement contraires, des articles 2.2.28.5, 2.2.28.6, 2.2.23 et 3.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), énonce qu'il " n'est pas prévu de plan d'assurance qualité ".

10. En l'espèce, il ressort certes du compte-rendu de la réunion préparatoire du 25 juillet 2011 que la société TPR a remis, à cette date, au maître d'ouvrage un plan d'assurance qualité. Toutefois, il n'est établi ni que la remise de ce document non prévu par le marché résulte d'une injonction d'un service du département du Morbihan ni que, dans les faits, elle ait été nécessaire pour l'accomplissement des travaux prévus contractuellement. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander à être rétribuée à hauteur de 3 000 euros HT pour la réalisation d'un tel plan.

S'agissant de l'extraction de déblais de deuxième catégorie :

11. En premier lieu, les travaux menés par la société TPR ont révélé la présence, dans le sous-sol du site, d'éléments rocheux compacts présentant le caractère de " déblais de deuxième catégorie ", alors que les pièces constitutives du marché, et notamment le bordereau des prix unitaires, ne prévoyaient de prix que pour l'extraction de déblais plus meubles, à savoir des " déblais de première catégorie ". Or, l'extraction de ces déblais de deuxième catégorie était nécessaire au bon achèvement des travaux impartis à la société TPR. Ainsi, par un ordre de service du 4 novembre 2011, le maître d'oeuvre a, en application de l'article 14.1 du CCAG Travaux, demandé à la société TPR d'extraire ces déblais. Il l'a également invitée à proposer, pour cette prestation, un prix au mètre cube. Par courrier du 21 novembre 2011, celle-ci a proposé un prix de 43,75 euros HT par mètre cube. Par un ordre de service du 9 décembre 2011 reçu le 13 décembre suivant, le maître d'oeuvre a, en application de l'article 14.4 du CCAG Travaux, rejeté cette proposition et notifié à la société un prix nouveau provisoire de 8,50 euros HT par mètre cube. Par un courrier du 16 décembre 2011 puis un mémoire en réclamation du 23 janvier 2012, la société TPR a, dans le délai prévu par l'article 14.4 du CCAG Travaux, contesté ce prix de manière étayée. Ainsi, faute d'accord sur un prix définitif pour la prestation correspondant à l'extraction des déblais de deuxième catégorie, le prix provisoire de 8,50 euros HT par mètre cube a trouvé à s'appliquer pour l'établissement des décomptes, conformément à l'article 13.1.1. du CCAG Travaux.

12. Devant la cour, la société TPR persiste à contester ce prix de 8,50 euros HT par mètre cube aux motifs qu'il lui a été notifié hors le délai de quinze jours mentionné à l'article 14.4 du CCAG Travaux, sans consultation et sans constat contradictoire préalable et sans être accompagné d'un sous-détail justificatif, et que le prix unitaire proposé par elle n'était pas surévalué. Toutefois, premièrement, si le prix provisoire a été notifié par ordre de service du 9 décembre 2011, soit plus de quinze jours après l'ordre de service du 4 novembre 2011 demandant la réalisation d'une prestation nouvelle tenant à l'extraction de déblais de deuxième catégorie, et si cet ordre de service ne précisait pas la décomposition du prix unitaire provisoire, il n'est ni établi ni même allégué que ce retard et cette absence de décomposition du prix provisoire aient, par eux-mêmes, causé à la société TPR un préjudice ou qu'ils justifient une majoration du prix unitaire applicable à la prestation en cause. Deuxièmement, contrairement à ce qui est allégué, préalablement à la fixation du prix provisoire, la société TPR a, en tout état de cause, été dûment consultée par le maître d'oeuvre qui l'a invitée à proposer un prix unitaire pour la prestation nouvelle. Troisièmement, il résulte de l'instruction que le prix unitaire de 43,75 euros HT par mètre cube, proposé par la société TPR, est manifestement surévalué. En effet, il n'est pas établi que les opérations d'extraction de déblais de deuxième catégorie exigées d'elle induisaient des coûts substantiellement supérieurs à ceux engendrés par l'extraction de tels déblais lors des travaux portant sur le contournement routier nord de la commune de Pontivy (Morbihan), utilisés comme référence, alors même que, dans ce dernier cas, le volume total à extraire était environ deux fois supérieur. Or, ainsi que l'a relevé le département dans un courrier daté du 8 mars 2012, l'entreprise ayant dû réaliser ces travaux d'extraction, d'ailleurs membre du même groupe que la requérante, avait proposé de les rémunérer au prix de 3,50 euros HT par mètre cube, soit plus de douze fois moins que le tarif proposé par la société TPR. Ainsi, le prix provisoire de 8,50 euros par mètre cube appliqué en l'espèce pour l'extraction de déblais de deuxième catégorie n'apparaît pas sous-évalué.

13. En second lieu, la société TPR soutient que l'extraction des déblais de deuxième catégorie a aussi imposé de faire venir sur le chantier un " bull " par un convoi exceptionnel de troisième catégorie, ce qui a engendré un surcoût de 16 000 euros HT. Toutefois, il résulte des énonciations de l'ordre de service du 9 décembre 2011 que le prix unitaire provisoire de 8,50 euros par mètre cube, applicable aux travaux d'extraction des déblais de deuxième catégorie, rémunère notamment l'ensemble des travaux d'extraction et de transport des déblais. Les coûts engendrés par l'intervention d'un " bull " sont donc compris dans ce prix unitaire et ne sauraient faire l'objet d'une rémunération distincte et complémentaire.

S'agissant de l'application d'une couche de grave non traitée sur les fonds de déblais rocheux :

14. Par un ordre de service du 7 février 2012, le maître d'oeuvre a demandé à la société TPR d'appliquer une couche de grave non traitée (GNT) 0/20 d'une épaisseur de 10 centimètres sur les fonds de déblais rocheux. Par un ordre de service du 23 avril 2012, le maître d'oeuvre a notifié, en application de l'article 14.4 du CCAG Travaux, un prix provisoire de 4,49 euros HT par tonne pour cette prestation non mentionnée dans le bordereau des prix unitaires. Par un courrier du 3 mai 2012, la société TPR a, dans le délai prévu par l'article 14.4 du CCAG Travaux, contesté ce prix provisoire et a proposé de rémunérer la prestation en cause au prix de 11,21 euros HT par tonne. Ainsi, faute d'accord sur un prix définitif pour la prestation correspondant à l'application de GNT 0/20, le prix provisoire de 4,49 euros HT par tonne a trouvé à s'appliquer pour l'établissement des décomptes, conformément à l'article 13.1.1. du CCAG Travaux.

15. Devant la cour, la société TPR soutient, d'une part, que le prix provisoire de 4,49 euros HT par tonne lui a été communiqué par le maître d'oeuvre par un ordre de service du 23 avril 2012, hors le délai de l'article 14.4 du CCAG Travaux, d'autre part, que cet ordre de service, qui ne faisait pas suite à une concertation avec l'entreprise, ne comprenait pas le détail du prix proposé et, enfin, que le prix provisoire ainsi communiqué était sous-évalué. Toutefois, premièrement, si le prix provisoire a été notifié par ordre de service du 23 avril 2012, soit plus de quinze jours après l'ordre de service du 7 février 2012 demandant la réalisation d'une prestation nouvelle tenant à l'application d'une couche de GNT 0/20, et si cet ordre de service ne précisait pas la décomposition du prix unitaire provisoire, il n'est ni établi ni même allégué que ce retard et cette absence de décomposition du prix provisoire aient, par eux-mêmes, causé à la société TPR un préjudice ou qu'ils justifient une majoration du prix unitaire applicable à la prestation en cause. Deuxièmement, il n'est pas établi que, préalablement à la fixation du prix provisoire, la société TPR n'aurait pas été consultée par le maître d'oeuvre. Troisièmement, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le prix unitaire provisoire appliqué par le maître d'oeuvre pour l'établissement des décomptes mensuels soit sous-évalué. En effet, ce prix a été fixé par référence au prix de 4,49 euros HT par tonne proposé par la société TPR lors de la réunion de chantier du 2 avril 2012 pour le transport, la fourniture et l'application de GNT 0/20 " en accotement ". Or, la société TPR expose certes qu'un tel point de référence est inapproprié dès lors que la GNT 0/20 mise en oeuvre " en accotement " était issue de matériaux prélevés sur le site tandis que la GNT 0/20 appliquée sur des fonds de déblais rocheux provient d'une carrière extérieure au chantier. Mais un tel argument, qui repose sur une prémisse inexacte, ne peut qu'être écarté dès lors qu'il résulte des termes mêmes de l'article 2.1. du CCTP que la GNT 0/20 doit, quelle que soit l'endroit où elle est appliquée ou la manière dont elle est mise en oeuvre, provenir d'une " carrière agréée par le maître d'ouvrage ", en sorte que, sauf circonstances particulières dont ne justifie pas la requérante, le prix de la pose de ce matériau sur des fonds de déblais rocheux ne saurait différer de celui applicable lorsque la GNT 0/20 est mise en oeuvre " en accotement ".

S'agissant de la réalisation de bassins de décantation :

16. En vertu des stipulations claires et précises de l'article 1.2.1 du CCTP, lesquelles, contrairement à ce que soutient la requérante, ne sont pas invalides, " l'entrepreneur est tenu de réaliser les bassins de décantation, en phase provisoire avant le début des terrassements généraux (...) ". Il résulte par ailleurs des énonciations du bordereau des prix que le prix n° 5 rémunère notamment " la protection des déblais, de la plate-forme et des talus contre les eaux de toute nature y compris l'exécution et l'entretien des ouvrages provisoires correspondants (...) " et que le prix n° 8 inclut en particulier " la protection de la plate-forme et des talus contre les eaux de ruissellement y compris l'exécution et l'entretien des ouvrages correspondants ". Il s'ensuit qu'en percevant la rémunération des prestations portant les numéros 5 et 8, la requérante a été rémunérée pour la réalisation des bassins de décantation provisoires. Elle n'est donc pas fondée à demander, à ce titre, le versement d'une rémunération complémentaire.

S'agissant des opérations de talutage destinées à permettre l'installation d'un poteau téléphonique :

17. La société TPR demande une rémunération complémentaire au titre d'une prestation non prévue dans le marché et portant sur la réalisation d'un talus, au niveau du carrefour de " Trévelo ", afin de permettre la mise en place d'un poteau téléphonique. Toutefois, d'une part, l'article 1.2.1. du cahier des clauses techniques particulières prévoit que " tous les travaux (les terrassements...) seront coordonnés avec les interventions des entreprises travaillant pour le compte des concessionnaires de réseaux, notamment France Télécom (...) ". D'autre part, il ressort des plans joints au dossier de consultation qu'un terrassement du talus sud-est du carrefour dont il s'agit était prévu originellement, un déplacement des talus étant nécessaire pour améliorer la visibilité des lieux. Il suit de là que la prestation litigieuse de talutage était prévue contractuellement et ne justifiait pas le versement d'une rémunération distincte de celle des travaux de terrassement mentionnés dans le bordereau des prix. Il est à cet égard indifférent qu'un poteau téléphonique ait, par la suite, été positionné sur le talus en cause.

S'agissant des prestations portant sur la création d'une zone de rétention :

18. La requérante soutient qu'elle a réalisé des prestations consistant à boucher les extrémités d'un fossé et à créer une zone de rétention pour permettre une opération de pompage, qui ne sont comprises ni dans le prix n° 5 ni dans le prix n° 22 et ajoute que leur coût s'est élevé à 730 euros HT. Ce faisant, elle reprend un moyen soulevé en première instance. Il convient de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 15 du jugement attaqué.

S'agissant des opérations de terrassement liées à la réalisation d'un bassin écrêteur-décanteur :

19. Si elle soutient que le prix n° 44, qui rémunère la réalisation d'un bassin écrêteur-décanteur, ne comprenait pas le prix de la réalisation de terrassements en déblais, qu'elle évalue à un montant de 38 435 euros HT, elle ne justifie ni de la réalité de ces travaux de terrassement, ni de ce qu'ils n'étaient pas compris dans le prix précité ni, au surplus, de leur caractère nécessaire.

S'agissant des regards de visite :

20. D'une part, l'article 1.3.22 du CCTP prévoit une " profondeur de 1 mètre en moyenne " pour les regards de visite de diamètre " 1000 ", sans fixer néanmoins des profondeurs minimale ou maximale pour ceux-ci. D'autre part, le prix n° 47 du bordereau de prix unitaire " rémunère à l'unité, la fourniture et la pose de regards (...) défini[s] au cahier des clauses techniques particulières quelle que soit la profondeur ". Il résulte des termes mêmes des stipulations précitées que la fourniture et la pose des regards de visite en cause sont rétribuées par le prix n° 47 quelle que soit leur profondeur, en sorte que la société TPR ne peut prétendre à une rémunération complémentaire au titre de la pose de onze regards de visite d'une profondeur supérieure à un mètre.

S'agissant de l'ouvrage hydraulique préfabriqué :

21. D'une part, aux termes du A de l'article 1.3.33 du CCTP, et plus spécialement de la partie relative à la " description des ouvrages terminés " : " (...) L'épaisseur minimale du béton de propreté est de dix centimètres. Les niveaux de fondations indiqués sur les plans n'ont qu'un caractère indicatif. Les niveaux définitifs de chaque partie d'ouvrage seront fixés par le maître d'oeuvre lors de l'exécution. (...) Les piédroits ne comportent pas de dalle de transition. La traverse intérieure repose soit sur un radier, soit directement sur le béton de propreté ou sur le sol reconstitué. Le choix sera définitivement arrêté par le maître d'oeuvre in situ ". D'autre part, il résulte des énonciations du bordereau des prix unitaires que le prix n° 48 relatif à l'ouvrage hydraulique rémunère " la fourniture et la pose d'éléments préfabriqués d'ouvrage en béton (...) tel que défini au CCTP (...) ". Il résulte des termes clairs de ces stipulations que l'ouvrage hydraulique pouvait reposer soit sur un radier, soit directement sur le béton de propreté ou sur le sol reconstitué, selon le choix du maître d'oeuvre, et que le prix n° 48 incluait tous les travaux nécessaires à la fourniture et à la pose de cet ouvrage, indépendamment de ce choix du maître d'oeuvre. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le prix n° 48 n'incluait pas la réalisation d'un béton de propreté de 20 centimètres d'épaisseur, destiné à recevoir l'ouvrage concerné.

S'agissant du déplacement de broussailles :

22. Aux termes de l'article 3.3.1 du CCTP, relatif à l'" arrachage des arbres, taillis, broussailles et haies " : " Les broussailles et taillis seront rassemblés et brûlés sur place au fur et à mesure de l'avancement des travaux ou évacués à l'extérieur du chantier à la diligence et aux frais de l'entrepreneur (...) ". Il résulte des termes clairs de ces stipulations que l'entrepreneur était tenu de brûler les broussailles sur place ou de les évacuer au fur et à mesure de l'avancée des travaux et qu'aucune rémunération ne peut être exigée par lui au titre de leur destruction ou déplacement. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à demander une rémunération de 4 110 euros HT pour le déplacement de broussailles.

S'agissant de la mise en cote définitive de regards à grille :

23. Il résulte de l'instruction que les " regards à grille concave 500 x 500 fonte ductile classe C 250 ", les " regards sur drain ", les " regards de tirage 500 x 500 type lit avec tampon fonte " ainsi que les " regards de visite Ø 1000 ", dont l'installation est rémunérée respectivement par les prix n° 31, 32, 36 et 47, ne sont pas posés sur la chaussée, mais à côté de celle-ci. Ainsi, la société TPR n'a pas à intervenir à nouveau une fois la chaussée posée par l'entrepreneur titulaire du marché concerné, pour s'assurer de la mise à niveau de ces regards. S'agissant de ces regards, la " mise à la cote définitive " ne constitue donc pas une prestation distincte de leur pose et du nivellement du sol alentour, prestations pour lesquelles il n'est pas contesté que la société TPR a été rémunérée. Par suite, cette société n'est pas fondée à demander une rémunération complémentaire au titre d'une prestation de " mise à la cote définitive " de ces regards.

S'agissant de l'acheminement d'une pelle :

24. Le prix n° 1 du bordereau de prix unitaire, relatif à l'installation du chantier, comprend notamment " l'amenée et le repliement de tout le matériel de chantier quelle que soit la date d'intervention (...) ". Il en résulte que ce prix couvre l'acheminement sur le chantier de tout type de matériels, par tout type de moyens. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'acheminement d'une pelle par un convoi de deuxième catégorie correspond à une prestation non prévue contractuellement, pour laquelle une rémunération complémentaire devrait lui être versée.

En ce qui concerne la révision des prix :

25. La requérante demande que les sommes devant lui être versées au titre des travaux supplémentaires mentionnés précédemment soient majorées afin de tenir compte des effets de la révision des prix. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, cette demande ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

26. Aux termes de l'article 20.1.1. du CCAG Travaux, dont les stipulations sont seules applicables en matière de pénalités journalières de retard en vertu de l'article 6.3 du CCAP : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre ".

27. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les travaux, qui avaient débuté le 29 août 2011, se sont achevés le 8 juin 2012, leur délai d'exécution, fixé originellement à neuf mois par l'article 3 de l'acte d'engagement, ayant été reporté à cette date, par application de l'article 6.2 du CCAP, pour tenir compte de la survenue d'intempéries. Or la réception des travaux est intervenue le 17 octobre 2012 afin qu'un sous-traitant de la requérante, dont elle doit répondre, réalise les 15 et 16 octobre 2012 des travaux nécessaires au bon fonctionnement de l'ouvrage. C'est donc à juste titre que le maître d'oeuvre a constaté un retard dans l'achèvement des travaux.

Dans ces conditions, la société TPR n'est pas fondée à contester les pénalités de retard mises à sa charge à ce titre dans le décompte n° 13, d'un montant de 28 669,87 euros, correspondant aux 131 jours de retard mentionnés dans la fiche administrative et financière annexée au décompte général.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

28. La société TPR revendique, sans autre précision, " le règlement d'intérêts moratoires au titre (...) des retards de paiement dans les situations acceptées par le maître d'oeuvre, (...) des écarts substantiels entre les situations présentées et les situations acceptées, (...) de la non-rétribution des travaux relevant de prix nouveaux non notifiés à la valeur proposée par elle, (...) outre du solde du décompte général ". Toutefois, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires de la société TPR :

29. En premier lieu, si l'étude géotechnique a été remise à la société TPR lors de la première réunion de chantier, le 29 août 2011, jour du commencement des travaux de cette entreprise, et non lors de l'élaboration de son offre, une telle circonstance n'est pas fautive. Au surplus, il n'est pas établi qu'elle ait causé un quelconque préjudice à la requérante.

30. En deuxième lieu, ni l'article 12.1 du CCAP relatif à la " gestion des déchets de chantier " ni aucune autre stipulation du marché ne prévoient que les arbres abattus sur le chantier par l'entrepreneur deviennent la propriété de celui-ci. Ainsi, la société TPR n'est pas fondée à soutenir qu'en remettant le bois issu de l'abattage à une association tierce, le département l'a, de manière fautive, privée d'une source de revenus.

31. En troisième lieu, la requérante soutient que l'allongement de la durée des travaux, lié notamment à la découverte de déblais de deuxième catégorie, a provoqué un surcoût de 242 524 euros HT, ce surcoût correspondant à la fois à une augmentation des frais généraux et à l'immobilisation de matériels. Toutefois, par les documents qu'elle produit, à savoir des tableaux établis par ses soins, non étayés de justifications pertinentes, elle ne démontre, en tout état de cause, pas la réalité de ces surcoûts.

32. Il résulte de tout ce qui précède que la société TPR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société TPR, partie perdante, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions au département du Morbihan.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société TPR est rejetée.

Article 2 : La société TPR versera au département du Morbihan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Travaux Publics Jean Rohou (TPR) et au département du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 18NT01637

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01637
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET CABANES NEVEU ; CABINET CABANES NEVEU ; CABINET CABANES NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;18nt01637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award