Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I. Par une demande enregistrée le 25 janvier 2011, Mme H... C... a été regardée comme demandant au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, saisi d'un recours préalable, a rejeté sa demande d'acquisition de la nationalité française.
Par un jugement n° 1100690 du 13 juin 2013, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
II. Par une demande enregistrée le 2 février 2012, Mme H... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande d'acquisition de la nationalité française.
Par un jugement n°1201162 du 9 avril 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 septembre 2013, 30 novembre 2018, 13 janvier 2020 et 13 février 2020 sous le n°13NT02534, Mme H... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de sursoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale initiée devant le tribunal de grande instance de Toulouse ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2013 ;
3°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 15 décembre 2011 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, contrairement au motif retenu dans la décision contestée, elle n'a pas fait de fausses déclarations quant à la composition de sa famille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2013, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable pour être prématurée ;
- à titre subsidiaire, le moyen soulevé par Mme C... n'est pas fondé en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
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II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mai 2014, 30 janvier 2018, 13 janvier 2020 et 13 février 2020 sous le n°14NT01278, Mme H... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 avril 2014 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 15 décembre 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, contrairement au motif retenu dans la décision contestée, elle n'a pas fait de fausses déclarations quant à la composition de sa famille.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juillet 2014 et 27 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par Mme C... n'est pas fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du 19 août 2013 dans l'instance n°13NT02534 et à hauteur de 40 % par une décision du 4 août 2014 dans l'instance n°14NT01278.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel
- et les observations de Me F..., représentant Mme H... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme H... C..., née le 22 février 1971 et ressortissante de la République Démocratique du Congo, relève appel des jugements des 13 juin 2013 et 9 avril 2014 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 15 décembre 2011 rejetant sa demande de naturalisation.
2. Les requêtes présentées par Mme C... concernent la même situation et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre à la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif sous le n°1100690 :
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme C... enregistrée devant le tribunal administratif sous le n°1100690 était dirigée contre la décision du préfet de la Gironde du 1er décembre 2010 et avant que ne soit intervenue une décision sur le recours hiérarchique obligatoire formé contre cette décision. Si cette demande était prématurée à la date de son introduction, elle a été cependant régularisée en cours d'instance par l'intervention de la décision du ministre du 15 décembre 2011 confirmant la décision du préfet de la Gironde. Par suite, la demande de Mme C... portée devant le tribunal administratif devant être regardée comme dirigée contre la décision ministérielle, le ministre n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'elle n'était pas recevable. En tout état de cause, Mme C... a présenté devant le tribunal administratif une nouvelle demande enregistrée sous le n°1201162 sollicitant expressément l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 21-15 du code civil: " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1 l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé: " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les incertitudes pouvant exister sur l'état civil exact du postulant ou de certains membres de sa famille.
5. Pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française de Mme C..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressée avait attesté sur l'honneur le 26 août 2010 lors de la constitution de son dossier puis avait réitéré lors de son entretien avec les services de police, le 24 mars 2011, n'avoir pas eu d'enfant vivant alors que Mme I... E..., née le 5 février 1986 à Brazzaville (Congo), a produit, dans le cadre de sa demande de naturalisation, un acte de naissance qui porte mention de son lien de filiation avec la requérante et que l'acte d'état civil présenté s'avère, selon les vérifications opérées par le consulat général de France dans son pays d'origine, authentique.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le 14 juin 2012, Mme C... a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. B... D... et son épouse, Mme I... E..., des chefs de faux, usage de faux et d'escroquerie. Si par une ordonnance du 28 mai 2019, le vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur ces chefs d'accusation, il résulte de cette ordonnance que Mme E..., qui a refusé de se soumettre à une expertise biologique contrairement à Mme C..., a finalement reconnu être âgée de 41 ans et non de 33 ans, ce qui rend impossible le lien de filiation avec la requérante alors âgée de 47 ans. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande de naturalisation, le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que sa situation familiale ne pouvait être déterminée avec certitude.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me F... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1 : Les jugements du tribunal administratif de Nantes des 13 juin 2013 et 9 avril 2014 ainsi que la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 15 décembre 2011 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me F... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
M. G...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 13NT02534 et 14NT01278