Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du
23 mai 2018 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite à la frontière.
Par un jugement n°1802921 du 25 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2019 M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 23 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la décision méconnaît les dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est le père d'une enfant française née en 2009 à l'entretien et à l'éducation de laquelle il contribue autant qu'il peut, n'étant pas autorisé à travailler ; il dispose ainsi de liens familiaux particulièrement forts et stables en France ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la durée particulièrement longue de son séjour en France, le fait qu'il continue à avoir besoin de soins qui ne sont pas disponibles en Côte d'Ivoire et le fait qu'il a toujours occupé un emploi lorsqu'il était en droit de le faire constituent des circonstances qui établissent le caractère exceptionnel de sa situation ; il en va de même du fait qu'il est également le père d'une second enfant né en1996 en Côte d'Ivoire qui réside avec lui ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- il excipe de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- il ne peut faire l'objet d'une telle mesure en sa qualité de père d'un enfant français, conformément aux dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2020 le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
2 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, est entré en France le 17 août 1999, à l'âge de
38 ans, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a bénéficié entre 2004 et 2005 d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé, dont il a sollicité en vain le renouvellement à son expiration. L'intéressé a alors fait l'objet en décembre 2005 d'une mesure d'éloignement, dont il a contesté en vain la légalité et à laquelle il n'a pas déféré. Ayant ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale, il a de nouveau fait l'objet, après refus de faire droit à sa demande, d'une obligation de quitter le territoire, à laquelle il n'a pas davantage déféré. M. B... a sollicité en 2014 la régularisation de sa situation, et la commission départementale du titre de séjour du Loiret a émis le 11 avril 2018 un avis défavorable à son encontre. Par un arrêté du 23 mai 2018, le préfet du Loiret a refusé de faire droit à la demande de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (..) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...)Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ;7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Si M. B... se prévaut de sa qualité de père d'une enfant française née le
30 octobre 2009 et vivant à Toulouse avec sa mère, il est constant qu'il ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de celle-ci, les deux mandats financiers qu'il produit, tous deux datés de janvier 2018, ne permettant pas d'établir le caractère continu du soutien normalement dû à cette enfant. M. B... ne produit pas davantage d'éléments de nature à établir, ainsi qu'il l'allègue, le maintien d'un contact régulier avec celle-ci, sans que puisse y faire obstacle, à la supposer même établie, la situation de précarité de l'intéressé. Ce dernier, eu égard à ce qui précède, ne peut être pas davantage être regardé comme ayant tissé en France des liens familiaux stables et intenses. M. B..., par suite, n'est pas fondé à soutenir que le refus de l'admettre au séjour méconnaît les dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 313-11 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Si M. B... soutient, en deuxième lieu, que sa situation personnelle, et en particulier la durée importante de son séjour en France, est de nature à justifier la régularisation de sa situation, le nombre des années passées en France ne peut suffire, en tout état de cause, à faire regarder sa situation, en l'absence de tout autre élément précis, et en particulier de perspectives raisonnables d'insertion sociale, comme présentant un caractère exceptionnel, le titre de séjour antérieurement et brièvement délivré à M. B... sur le fondement de son état de santé ne lui ayant conféré aucun droit particulier à un séjour de longue durée. S'il indique qu'un autre de ses enfants réside désormais avec lui de manière régulière, cette circonstance, sur laquelle M. B... s'abstient d'ailleurs de fournir la moindre justification, ne constitue pas davantage un élément de nature à justifier la régularisation de sa situation. M. B..., par suite, n'est pas fondé à soutenir que le refus de l'admettre au séjour méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Si M. B... soutient, en troisième lieu, que le refus de régulariser sa situation
vis-à-vis du séjour méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale, la circonstance invoquée qu'il habiterait désormais avec une de ses enfants née en avril 1996 en Côte d'Ivoire, dont il indique qu'elle serait scolarisée dans une école maternelle de Fleury Les Aubrais, est totalement dépourvue de précisions, apparaît au surplus incohérente et ne saurait, en elle-même, constituer un élément de démonstration de ce que le refus de régularisation de son séjour emporterait de ce fait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la décision contestée n'étant pas susceptible de faire par elle-même cesser cette situation, à supposer même celle-ci établie. Contrairement à ce qu'il soutient, M. B..., qui ne fournit aucune explication quant aux raisons qui feraient objectivement obstacle à ce qu'il puisse occuper un emploi, ne démontre pas disposer de perspectives précises d'insertion à la société française. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En quatrième lieu, eu égard aux éléments développés aux points n°3, 4 et 5 du présent arrêt, la décision portant refus de séjour prise à l'encontre de M. B... n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En dernier lieu, faute pour M. B... de démontrer de manière probante contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants présents en France, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de lui refuser le séjour méconnaît l'intérêt supérieur de ces derniers protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
8. En premier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision de refus de séjour prise à son encontre, M. B... ne peut utilement exciper de celle-ci vis-à-vis de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, et comme déjà indiqué, faute d'établir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant français, M. B... n'entre pas dans le cas prévu par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas, de ce fait, protégé contre une mesure portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. Faute de préciser les conséquences potentielles sur son état de santé de son retour dans son pays d'origine, en particulier dans le cas où il ne pourrait effectivement pas bénéficier dans ce pays du traitement médical que son état requiert, sur lequel il ne fournit aucune précision, et à supposer même cette circonstance établie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, aucune démonstration n'étant de ce fait apportée que M. B... se trouverait placé dans une situation s'apparentant à de la torture ou à une exposition à un traitement inhumain et dégradant.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B..., n'appelle aucune mesure en vue de son exécution. Les conclusions à fin d'injonction sus astreinte présentées par l'intéressé ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame aux titres des frais qu'il a exposés non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- M. A..., premier conseiller,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 juillet 2020.
Le rapporteur
A. A...
Le président
I. Perrot Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°