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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT04173

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT04173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... et Mme E... née D..., son épouse, ont chacun demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 mai 2019 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1903010, 1903011 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octo

bre 2019 M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... et Mme E... née D..., son épouse, ont chacun demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 21 mai 2019 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1903010, 1903011 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019 M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 21 mai 2019 du préfet d'Ille et Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de procéder à un nouvel examen de leur situation et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Ils soutiennent que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et approfondi de leur situation personnelle en indiquant de manière erronée qu'ils n'avaient pas déposé de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; ses arrêtés sont ainsi entachés d'une erreur de fait qui en affecte la légalité ;

- il appartenait aux premiers juges de se prononcer expressément sur le point de savoir si un recours a été formé ou non devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les conséquences de leur retour en Géorgie ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- un rendez-vous auprès de la préfecture est déjà pris en vue du dépôt d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'état de santé ;

- les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la réalité des risques qu'ils encourent en cas de retour dans leur pays d'origine est établie par les pièces qu'ils produisent et n'a pas été prise en compte ;

- la situation politique en Géorgie, telle que décrite par différentes instances internationales, révèle de nombreux manquements par rapport aux standards démocratiques.

La requête de M. et Mme E... a été transmise le 20 novembre 2019 au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'y a pas répondu.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants géorgiens, déclarent être entrés en France le 24 novembre 2018. Ils ont chacun formé le 5 décembre 2018 une demande d'asile, qui a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection contre les réfugiés et apatrides le 13 mars 2019. Par deux arrêtés du 21 mai 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine du 21 mai 2019 :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en premier lieu, que le préfet

d'Ille-et-Vilaine se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle des requérants.

3. M. et Mme E... soutiennent, en deuxième lieu, que les arrêtés litigieux sont entachés d'une erreur de fait en ce qu'ils indiquent à tort qu'ils n'ont pas déposé de recours devant la Cour nationale du droit d'asile Il est toutefois constant que les recours formés par les intéressés contre les décisions du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 11 mars 2019 portant rejet de leurs demandes d'asile ont été enregistrés le 23 mai suivant, postérieurement aux arrêtés litigieux. Aucune erreur de fait n'entache de ce fait, et en tout état de cause, la légalité de ces arrêtés préfectoraux, qui est appréciée à la date à laquelle ils ont été pris.

4. En troisième lieu, si, en vertu des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un demandeur d'asile a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de lecture, le cas échéant, de la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur sa demande, l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue du 2° de l'article 12 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 précise toutefois que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Cet article dispose que : " I. L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, en vertu d'une décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides adoptée le 9 octobre 2015 dans les conditions prévues par l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la Géorgie est au nombre des pays d'origine sûrs.

5. Par ailleurs, aux termes du III de l'article 71 de la loi précitée du 10 septembre 2018 : " Le 2° du I de l'article 3, les c et d du 3°, les 4° à 7° du I et le II de l'article 6, les a, b, c et e du 2°, le 3°, le b du 4°, le 5° et le c du 7° du I de l'article 13, l'article 30, les 1° et 2° de l'article 31 et l'article 34 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 1er janvier 2019. (...) Le 1° du I et le III de l'article 5, le a du 1° du I de l'article 8, l'article 11, les 2°, 3° et 4° de l'article 12, le 6°, le b du 7° et les 8° et 9° du I de l'article 13, le 1° de l'article 21, le I de l'article 23, le c du 2° de l'article 24, les articles 25 à 27, les 1°, 3° et 5° à 9° de l'article 29, le 3° de l'article 31, les articles 32 et 33, le 1° du I de l'article 35, les 4° et 6° de l'article 62, le 1° de l'article 65 et le 7° du I de l'article 68 entrent en vigueur à cette même date et s'appliquent aux décisions prises après cette dernière (...) ". Il résulte de ces dispositions transitoires que le 7°de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'applique aux décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides postérieurement au 1er janvier 2019. Les demandes d'asile de M. et Mme E... ayant été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 mars 2019, leur situation doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L. 743-2 du code précité dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a donc pu légalement prononcer à leur encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile indépendamment de tout recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, et à supposer même que M. et Mme E... avaient engagé des démarches auprès de la Cour nationale du droit d'asile avant le 21 mai 2019, la circonstance que le préfet aurait indiqué de manière erronée qu'aucun recours n'avait été formé est sans incidence sur la légalité des décisions litigieuse.

6. En quatrième lieu, M. et Mme E..., qui ne sont entrés en France que le 24 novembre 2018 en vue d'y demander l'asile, n'ont été admis au séjour, étant originaires d'un pays reconnu comme d'origine sûr, que le temps strictement nécessaire à l'examen de leurs demandes, en application des dispositions mentionnées au point 5. Ils ne disposent de ce fait d'aucun lien particulier avec ce pays, qui ne peut être regardé comme le lieu où ils ont vocation à développer leur vie privée et familiale. C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. M. et Mme E... soutiennent, en cinquième lieu, que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation en raison des menaces qui pèseraient sur eux en cas de retour dans leur pays d'origine et de l'incertitude pesant sur la possibilité d'y maintenir leur cellule familiale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées en raison de la faible crédibilité de leurs récits, en particulier en ce qui concerne les problèmes familiaux qui seraient nés de leur mariage, en raison des origines yézides de Mme E..., et les pressions qu'ils subiraient du fait du parti politique " Rêve Géorgien ". Les éléments produits par les requérants, en particulier un montage photo censé représenter l'arrestation de M. E... par la police géorgienne, accompagné des propos qui auraient été tenus à cette occasion, ne présentent aucun caractère d'authenticité.

8. Si M. et Mme E... indiquent, en sixième lieu, avoir obtenu de la part de la préfecture des rendez-vous en vue du dépôt de demandes de titre de séjour sur le fondement de leur état de santé, une telle circonstance demeure sans incidence sur la légalité des décisions prises à leur encontre, qui ne résultent que de l'application des dispositions législatives relatives au traitement de leurs demandes d'asile.

9. Si M. et Mme E... soutiennent également, en septième lieu, que les décisions prises à leur encontre les exposent au risque de subir dans leur pays des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur pays d'origine, la Géorgie, a été placé à partir de 2015 sur la liste des pays considérés comme d'origine sûrs. Par les éléments qu'ils produisent, à savoir des extraits de rapports internationaux relatifs à la situation de politique intérieure de ce pays, les requérants ne démontrent aucunement de manière plausible être directement exposés au risque d'y subir des mauvais traitements. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. M. et Mme E... soutiennent en dernier lieu que leur entretien devant l'officier de l'OFPRA intervenant dans le cadre d'une audience foraine ne restitue pas correctement leurs récits et n'a pas permis de présenter l'ensemble des éléments de démonstration des menaces qui pèseraient sur eux. Ce moyen, tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en vue de l'obtention de la qualité de réfugié, est inopérant à l'encontre des décisions ultérieures du préfet d'Ille-et-Vilaine leur faisant obligation de quitter le territoire, prises à l'issue d'une procédure distincte.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation. Leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme E... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... E..., à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°1904173 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04173
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt04173 ?
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