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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT04088

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT04088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du

20 juillet 2018 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1803105 du 25 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 octobre 2019 et 10 mars 2020

M. A...

E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du

20 juillet 2018 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1803105 du 25 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 octobre 2019 et 10 mars 2020

M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2018 du préfet du Loiret ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement de procéder, dans le même délai, à un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et plusieurs considérations essentielles n'ont pas été prises en compte ;

- la procédure suivie a été irrégulière du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 4° et du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa vie de couple avec son épouse française n'est pas rompue et il en justifie par les pièces qu'il produit ; il justifie pouvoir occuper un emploi en France, ce qu'il a déjà fait par le passé ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire doit être regardée comme caduque, sa validité ayant expiré un an après la date à laquelle elle a été prise ;

- les décisions ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- il a été privé du droit d'être préalablement entendu posé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... E... n'est fondé.

M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me G..., représentant M. A... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant tunisien, est entré en France en mars 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour obtenu en raison de son mariage avec une ressortissante française. Ce titre de séjour n'a pas été renouvelé à son échéance au motif de la rupture de la vie commune entre les époux, le préfet des Yvelines, par un arrêté du

27 octobre 2015, faisant parallèlement obligation à l'intéressé de quitter le territoire, avec une interdiction de retour d'un an. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Versailles, puis par la cour administrative d'appel de Versailles le 28 mars 2017. M. A... E... a sollicité le 16 octobre 2017 la régularisation de sa situation administrative en se prévalant de nouveau de sa qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 20 juillet 2018, le préfet du Loiret a refusé de faire droit à cette demande, en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire. M. A... E... relève appel du jugement du 25 juin 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 juillet 2018 du préfet du Loiret :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté :

2. L'arrêté attaqué du 20 juillet 2018 a été signé par Mme Hazoume-Costenoble, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Loiret, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie par un arrêté préfectoral publié le 7 mai 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet, notamment, de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département du Loiret " en cas d'absence ou d'empêchement de M. Brunot, secrétaire général de la préfecture du Loiret. Le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral où apparaissent les différentes décisions litigieuses aurait été signé par une autorité incompétente doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la motivation :

3. L'arrêté préfectoral litigieux énonce avec une précision suffisante les différentes circonstances de fait et de droit sur lesquelles le préfet s'est fondé pour prendre les différentes décisions dont M. A... E... demande l'annulation. Il est de ce fait suffisamment motivé. Si M. A... E... soutient que des considérations essentielles portant sur sa situation ont été omises et révèlent ainsi un défaut d'examen personnalisé de sa demande, cet argument, faute pour lui d'apporter la moindre précision sur la nature de ces considérations, ne permet pas d'établir un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la vie privée et familiale :

4. Aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (... ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française (...) sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait çà son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...)". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

5. M. A... E... soutient que les motifs tirés de l'absence de communauté de vie effective entre les époux, opposés par le préfet, sont erronés, et que le refus de l'autoriser au séjour et l'obligation de quitter le territoire qui lui est faite font obstacle à toute vie commune entre les époux et portent de ce fait une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale normale, méconnaissant en cela les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., épouse A... E... a, alors que le couple résidait encore dans les Yvelines, informé le 10 février 2015 le préfet de ce département de ce qu'elle engageait une procédure de divorce et déposait un dossier d'aide juridictionnelle à cette fin. Mme C... avait également déposé le 25 novembre 2014 une main courante indiquant qu'il avait été mis fin à la vie commune. S'agissant de l'installation ultérieure du couple à Montargis, si M. A... E... produit un document daté du 4 février 2016, intitulé " attestation " et revêtu de deux signatures censées être celle de sa conjointe et la sienne, qui fait état d'une reprise de la vie commune, ce document ne précise pas à quelle adresse.

M. A... E... produit un autre document daté du 18 août 2018, qu'il attribue à sa conjointe, et qui est effectivement revêtu de la même signature que celle figurant dans le document précédemment mentionné, qui, tout en indiquant une reprise de la vie commune au 19 rue de la Chaussée à Montargis, précise toutefois qu'elle disposait elle-même d'une autre adresse à Montargis, au 61 boulevard John Kennedy, ce document indiquant pourtant lui-même Paris comme lieu de signature. Un des contrats de travail produits par M. A... E... indique comme adresse de ce dernier le 61 boulevard Kennedy. Le préfet du Loiret produit de son côté une note datée du 8 décembre 2017 émanant du commissariat de police de Montargis faisant un compte rendu d'un déplacement au domicile de M. A... E... et de ce qu'aucun indice tangible n'y avait été relevé indiquant une présence féminine. Si M. A... E... produit en appel huit témoignages écrits faisant état de la réalité de sa vie de couple avec son épouse à Montargis, ces témoignages, qui émanent tous de personnes habitant soit à Paris soit en région parisienne, et qui sont tous rédigés dans des termes voisins et très peu circonstanciés, ne peuvent suffire, eu égard aux diverses contradictions et imprécisions précédemment relevées, à faire regarder cette vie commune comme établie. Il en va de même s'agissant de la facture d'électricité faisant apparaître les deux noms à l'adresse du 19 rue de la Chaussée. Eu égard à ce qui précède, en l'absence de démonstration de la réalité de la vie de couple entre M. A... E... et son épouse française, le requérant ne justifie pas de liens personnels et familiaux de nature à lui ouvrir, eu égard à leur caractère suffisamment ancien, stable et intense, un droit au séjour sur le fondement des 4° ou 7° de l'article L. 313-11 précité. Pour les mêmes motifs, M. A... E... ne résidant que depuis peu de temps en France à la date des décisions contestées et ne justifiant pas de perspective précise d'insertion dans la société française, la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la commission du titre de séjour :

7. Si M. A... E... soutient, pour la première fois en appel, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour, ce dernier n'est tenu, en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article L. 313-11 du même code, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions. Il résulte de ce qui est dit aux points précédents que M. A... E... ne démontre pas remplir les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit en qualité de conjoint de français ou au titre de la vie privée et familiale. Le préfet du Loiret, dès lors, n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour.

En ce qui concerne les considérations humanitaires ou les motifs exceptionnels :

8. Si M. A... E... soutient en appel que la décision de refus de séjour prise à son encontre méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait présenté une demande de titre de séjour sur ce fondement particulier, l'imprimé rempli par l'intéressé ne faisant état que de sa qualité de conjoint de français. S'il a produit en appel un courrier daté du 18 mai 2018 faisant état de son souhait d'obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler, il s'agit d'un courrier simple, dont il ne peut, par suite, utilement se prévaloir faute de toute démonstration de son enregistrement par les services de la préfecture, l'arrêté préfectoral litigieux ne mentionnant pas cette demande particulière.

En ce qui concerne le droit d'être entendu :

9. Aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, affaire n° C-383/13) qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

10. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas même soutenu que M. A... E... aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit pris l'arrêté contesté. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union.

En ce qui concerne la caducité de l'obligation de quitter le territoire :

11. Si M. A... E... soutient que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est frappée de caducité dès lors qu'elle date de plus d'un an, une telle circonstance, à défaut de toute disposition législative ou réglementaire instituant un régime de caducité pour ce type de décision, est sans incidence sur sa légalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A... E..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... E... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur

A. B...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04088
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : RALITERA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt04088 ?
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