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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT04059

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT04059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

27 mai 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1903234 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2019 Mme C..., représentée par

Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2019 du tribunal administratif de Rennes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du

27 mai 2019 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1903234 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2019 Mme C..., représentée par

Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2019 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet du Finistère ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire l'autorisant à travailler dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et un titre de séjour dans un délai de sept jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que la minute du jugement n'a pas été signée conformément aux dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif s'est mépris sur la portée de la circulaire ministérielle du

28 novembre 2012 dont elle peut, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, se prévaloir, s'agissant d'une circulaire interprétative au sens des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à une juste appréciation de sa situation et de celle de ses enfants, qui sont scolarisés en France, au regard des dispositions du 7 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles qu'éclairées par les termes de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il est porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante géorgienne, est entrée irrégulièrement en France en 2010, accompagnée de son compagnon et d'un enfant né en 2004, afin d'y solliciter l'asile. Le préfet d'Ille et Vilaine a, le 29 novembre 2011, après le rejet de leurs demandes d'asile, refusé de les admettre au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Le compagnon de Mme C..., ayant déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé, a obtenu un titre de séjour sur ce fondement, Mme C... étant admise au séjour en qualité d'accompagnatrice. Cette dernière a demandé le 24 février 2015 la régularisation de sa situation. Par un arrêté du 2 juin 2016, le préfet du Finistère a rejeté cette demande, en lui faisant de nouveau obligation de quitter le territoire. Mme C... ne s'est pas conformée à cette obligation et a déposé le 21 juillet 2016 une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé, à laquelle il a été fait droit. Elle en a sollicité le renouvellement en juillet 2017. Le compagnon de Mme C..., condamné et incarcéré pour des faits de vol, vol en récidive, rébellion, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, a été éloigné vers la Géorgie le 16 août 2018. Par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet a refusé de faire droit à la nouvelle demande de titre de séjour présentée par Mme C... et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination de son éventuelle reconduite. Mme C... relève appel du jugement du 16 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que soutient Mme C..., la minute du jugement attaqué comporte, outre la signature du président-rapporteur, celle de l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau et celle du greffier. Le jugement respecte ainsi les dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative et n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine :

4. En premier lieu, les énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent uniquement des orientations générales adressées par le ministre de l'intérieur aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation et non des lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge. Dès lors que cette circulaire ne comporte aucune interprétation d'une règle de droit positif ou de description des procédures administratives au sens des dispositions précitées, et l'insertion par la loi du 10 août 2018 d'un nouvel article L. 312-3 dans le code des relations entre le public et l'administration ne saurait avoir eu pour effet de rendre ces orientations générales opposables aux administrés. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû se référer à l'interprétation de la règle qui résulterait selon elle de cette circulaire.

5. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait çà son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Si Mme C... se prévaut de la scolarité en France de ses deux enfants nés en 2004 et en 2010, cette circonstance ne peut pas suffire à établir l'existence dans ce pays de liens familiaux d'une intensité ou d'une ancienneté particulière. Les titres de séjour antérieurement délivrés à l'intéressée n'ont pas davantage vocation à lui permettre de s'installer en France.

Mme C... ne dispose, au vu des éléments du dossier qui révèlent qu'elle n'a pu occuper de manière épisodique que des emplois temporaires et peu qualifiés, d'aucune perspective précise d'insertion économique. Elle a par ailleurs fait l'objet d'une condamnation pénale en octobre 2010 pour des faits de vol en réunion. La circonstance que son fils pratique une activité sportive et sa fille une activité culturelle n'établissent pas davantage une insertion suffisante à la société française. Il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de délivrer à Mme C... un titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Si Mme C..., en troisième lieu, soutient que le refus de lui délivrer un titre de séjour et l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, alors au surplus que le père de deux de ses trois enfants a lui-même fait l'objet d'un éloignement vers la Géorgie.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en quatrième lieu, que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire prises à l'encontre de l'intéressée aient nécessairement pour conséquence l'impossibilité pour ses enfants scolarisés en France de reprendre ou de poursuivre une scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité, l'aîné des enfants de Mme C..., entré en France à l'âge de six ans, en parlant nécessairement la langue, et sa fille née en 2010 n'étant scolarisée qu'à l'école élémentaire. Ces décisions ne font pas davantage obstacle, contrairement à ce qu'indique Mme C..., à ce que ses enfants cessent tout contact avec leur père, celui-ci ayant été éloigné vers la Géorgie en août 2018. Les décisions contestées ne peuvent par suite être regardées comme contraires à l'intérêt supérieur des enfants de

Mme C... et aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme C..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions présentées par l'intéressée à fin d'injonction ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à

Mme C... la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par Mme C....

Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04059
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : JEANNETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt04059 ?
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