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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT03630

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT03630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, notamment, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Pouzauges a refusé de faire droit à leur demande du 12 août 2016 tendant à la remise en état du mur de soutènement se trouvant entre leur propriété et la voie publique communale, d'enjoindre à la commune de Pouzauges de procéder aux travaux de remise en état du mur litigieux dans le délai de six mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros p

ar jour de retard, subsidiairement de condamner la commune de Pouzauges à leur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes, notamment, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Pouzauges a refusé de faire droit à leur demande du 12 août 2016 tendant à la remise en état du mur de soutènement se trouvant entre leur propriété et la voie publique communale, d'enjoindre à la commune de Pouzauges de procéder aux travaux de remise en état du mur litigieux dans le délai de six mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de condamner la commune de Pouzauges à leur verser les sommes de 20 910, 29 et 5 000 euros, en réparation, respectivement, du préjudice matériel et du préjudice de jouissance et de troubles dans leurs conditions d'existence qu'ils estiment avoir subis à raison de l'effondrement partiel du mur de soutènement.

Par un jugement n° 1610632 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a notamment condamné la commune de Pouzauges à verser à M. F... et Mme D... la somme de 3 000 euros et lui a enjoint de procéder ou faire procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, à la remise en état du mur de soutènement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, la commune de Pouzauges, représentée par Me Bâ, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. F... et Mme D... devant le tribunal ;

3°) de condamner solidairement M. F... et Mme D... à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive du fait de leur refus de procéder à l'évacuation des gravats engendrés par la chute du mur dont ils sont propriétaires ;

4°) d'enjoindre à M. F... et Mme D... de procéder à l'évacuation des gravats et à la sécurisation des lieux de façon à permettre l'utilisation normale de la voie communale, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) subsidiairement, si la cour considérait que la propriété du mur soulève une difficulté, ordonner avant dire-droit une expertise et, si elle devait ordonner avant dire-droit l'expertise demandée par M. F... et Mme D... afin de déterminer la cause de la chute de ce mur et les responsabilités, compléter les missions assignées à l'expert ;

6°) mettre à la charge de M. F... et Mme D... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'il se situe sur la propriété privée de M. F... et Mme D... et ne présente pas le caractère d'un accessoire de la voie publique mais seulement une utilité pour ces derniers, le mur qui s'est effondré ne relève pas de son domaine public ;

- alors, d'une part, qu'il appartenait M. F... et Mme D... d'entretenir le mur dont ils sont propriétaires, notamment la zone du pied de ce mur à laquelle ils sont seuls à avoir accès et dont le défaut d'entretien est à l'origine de l'effondrement et, d'autre part, que l'expertise amiable a permis d'établir l'absence de causalité entre les travaux de voirie et l'éboulement du mur, sa responsabilité ne saurait être engagée ;

- M. F... et Mme D... ont refusé de retirer les gravats tombés sur la voie communale de sorte que la circulation y a été interdite durant plusieurs années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, M. F... et Mme D..., représentés par Me Sarday, concluent au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande et porter la somme que la commune de Pouzauges a été condamnée à leur verser à 5 000 euros ;

3°) s'il y a lieu, d'ordonner avant-dire droit une expertise afin de déterminer les désordres ainsi que leurs causes et origines, évaluer les travaux nécessaires et apporter tous les éléments permettant de statuer sur les responsabilités et les préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pouzauges une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Pouzauges ne sont pas fondés ;

- il existe un lien causal entre les travaux de voirie et l'effondrement du mur ;

- les troubles de jouissance et les troubles dans leurs conditions d'existence ayant perduré après le jugement attaqué, il y a lieu de porter la somme qui leur a été allouée en réparation de ce préjudice à 5 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- les observations de Me Bâ, représentant la commune de Pouzauges et les observations de Me Sarday, représentant M. F... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 septembre 2015, le mur bordant la rue des remparts à Pouzauges (Vendée) et séparant la voie publique de la parcelle cadastrée section AM n° 15 dont M. F... et Mme D... sont propriétaires, s'est partiellement effondré. La commune de Pouzauges relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes, d'une part, l'a condamnée à verser la somme de 3 000 euros en réparation des troubles de jouissance et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. F... et Mme D... du fait de cet effondrement et, d'autre part, lui a enjoint de procéder ou faire procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification de ce jugement, à la remise en état du mur de soutènement.

Sur la responsabilité de la commune de Pouzauges :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

3. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public.

4. Il résulte de l'instruction que le mur litigieux est notamment destiné à soutenir la voie publique située rue des remparts et passant en surplomb du terrain appartenant à M. F... et Mme D.... Sa partie haute contribue également à garantir la sécurité des usagers de cette voie. Ce mur constitue ainsi l'accessoire de la voie, ouvrage public dont la commune est le maître, et présente lui-même le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il serait implanté sur la propriété privée des intimés et qu'il présente également un intérêt pour ces derniers.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin de diligenter les expertises sollicitées par les parties, la responsabilité de la commune de Pouzauges est susceptible d'être engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'effondrement du mur dont elle a la garde a causés à M. F... et Mme D..., lesquels ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage.

Sur l'indemnisation des préjudices :

6. Il résulte de l'instruction que le mur s'est effondré dans le jardin de M. F... et Mme D... et que les éboulements qui en ont résulté n'ont pas été évacués tandis que le mur partiellement détruit en 2015 demeure depuis lors en l'état. Les intimés, qui indiquent être parents de jeunes enfants et craindre un nouvel effondrement, justifient ainsi de préjudices, liés aux troubles de jouissance et aux troubles dans leurs conditions d'existence, présentant un caractère certain et en lien direct avec l'effondrement. Il sera fait une juste appréciation de leur étendue à la date du prononcé du présent arrêt en fixant à 3 000 euros le montant de l'indemnité que la commune de Pouzauges devra payer en réparation de ces préjudices. Il s'ensuit que M. F... et Mme D... ne sont pas fondés, par la voie de l'appel incident, à demander que la somme allouée en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence soit portée à 5 000 euros.

Sur l'injonction de réaliser les travaux :

7. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

8. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, les désordres affectant la propriété de M. F... et Mme D..., à l'origine de troubles de jouissance et de troubles dans leurs conditions d'existence, perdurent à la date du présent arrêt. D'autre part, ces désordres résultent du maintien en l'état d'un mur partiellement détruit et de la présence d'éboulements dans leur jardin. Ainsi, en s'abstenant de remédier aux défauts de l'ouvrage dont elle est le maître et à procéder aux travaux de réparation du mur, évalués à 20 910,29 euros selon le rapport d'expertise établi le 30 décembre 2015, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif d'intérêt général justifierait une telle abstention, la commune de Pouzauges commet une faute. Dans ces conditions, la commune de Pouzauges n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes lui a enjoint de procéder à la réfection du mur litigieux dans le délai de six mois suivant la notification de ce jugement.

Sur les autres conclusions de la commune de Pouzauges :

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 2 à 5 du présent arrêt, les conclusions de la commune requérante tendant, d'une part, à la condamnation de M. F... et Mme D... au paiement de dommages et intérêts pour " résistance abusive " faute d'avoir retiré de la voie publique les gravats issus du mur et, d'autre part, à ce qu'il leur soit enjoint, sous astreinte, de procéder à l'évacuation de ces gravats ne peuvent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. F... et Mme D..., lesquels ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de Pouzauges et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme que demandent les intimés au titre des frais de même nature qu'ils ont supportés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Pouzauges est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. F... et Mme D... présentées par la voie de l'appel incident et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pouzauges, M. F... et Mme D....

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président,

- M. L'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2020.

Le rapporteur,

K. Bougrine

Le président,

C. BRISSONLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03630
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SARDAY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt03630 ?
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