Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision des autorités consulaires françaises à Annaba (Algérie) du 29 août 2016 rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité d'ascendant à charge d'un conjoint de ressortissant de français.
Par un jugement n° 1611085 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er juillet et 2 décembre 2019 et 14 janvier 2020, M. B... E..., représenté par Me Le Mercier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 24 novembre 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 3 000 euros à Me Le Mercier au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 modifiée, du 10 juillet 1991, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle de M. E... ;
5°) de condamner l'Etat à verser la somme de 3 000 euros à M. E..., en cas de non admission à l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision de la commission est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée de la commission méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du 6 août 2019, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. E... a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien né le 30 août 1954, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé devant elle contre la décision du 29 août 2016 des autorités consulaires françaises à Annaba (Algérie) rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité d'ascendant à charge d'un conjoint de ressortissant de français. Le recours formé par M. E... contre la décision du 24 novembre 2016 de rejet de la commission a été rejeté par un jugement du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes. M. E... fait appel de ce jugement.
2. En premier lieu, lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant français et/ou de son conjoint français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant ou du conjoint de ce dernier, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ou son conjoint ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
3. Il ressort des pièces du dossier que la fille de M. et Mme E..., et son conjoint, lequel est de nationalité française, ont versé à Mme C... E..., l'épouse de M. E... depuis 1980, par le biais de virements internationaux, 4 000 euros en 2012 et 6 000 euros en 2013. Mme C... E... a obtenu, le 4 mars 2013, un visa de long séjour puis des titres de séjour en qualité de " visiteur " et est installée en France depuis le 15 mars 2013. La fille de
M. et Mme E... et son conjoint ont également versé, sur un livret A détenu uniquement par Mme C... E..., laquelle ne pouvait, au vu des titres de séjour obtenus, ouvrir qu'un compte épargne en France, 6 000 euros en 2014, 7 500 euros en 2015 et 3 000 euros en 2016, avec les mentions, sur les virements financiers " pension ascendante à charge de français ". En outre, il est constant que Mme C... E... a obtenu le 8 février 2016 un certificat de résidence algérien valable 10 ans en tant qu'ascendante d'un conjoint de français.
4. Le requérant soutient qu'il est marié avec Mme C... E... depuis 1980 sous le régime de la communauté. La fille de M. E... et son conjoint ont indiqué en janvier 2020 que ces sommes versées depuis 2012 bénéficiaient à la fois à M. B... E... et Mme C... E..., cette dernière étant considérée comme la " personne de référence " du ménage. M. B... E... et Mme C... E... ont produit des certificats de résidence commune en Algérie, datés de juin 2019, indiquant que Mme C... E... vit depuis plus de 6 mois à la même adresse que son mari et une déclaration sur l'honneur de communauté de vie datée de 2019. Mme C... E... a effectué plusieurs allers-retours entre l'Algérie et la France entre 2013 et fin 2016. Le requérant soutient enfin que des virements sur un livret A en France comportaient moins de frais que des virements sur un compte bancaire algérien.
5. Toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce et au vu de la nature, de la date postérieure à la décision attaquée et des auteurs des éléments apportés par le requérant, les attestations émanant pour la plupart de ce dernier ou de ses proches directement intéressés par la demande de visa en cause, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir, qu'à la date de la décision contestée, les sommes versées à Mme C... E... bénéficiaient aussi à M. B... E..., alors que le requérant n'explique pas pour quelle raison la mention " pension ascendante à charge de français ", qui ne concernait ainsi que Mme C... E..., était portée sur les virements de 2014 à 2016, et que sur les virements de 2019, postérieurs à la décision contestée, est indiqué " pension alimentaire ascendant à charge M. et Mme E... ". En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... E..., qui vit en France depuis 2013 et ne rend visite à son mari que quelques fois par an, aurait reversé à ce dernier au moins une partie de l'argent versé par leur fille et son conjoint ou qu'il en aurait bénéficié.
6. Dès lors, en estimant que M. E... ne justifiait pas de sa qualité d'ascendant à charge de conjoint de français, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". S'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... sont toujours mariés, il n'est pas établi, par les documents administratifs produits, par des attestations émanant des intéressés eux-mêmes et postérieurs à la décision contestée et par les quelques allers-retours entre l'Algérie et la France de Mme E..., laquelle a bénéficié de plusieurs titres de séjour à partir de 2013 puis d'un certificat de résidence valable 10 ans en février 2016, que la décision contestée aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 24 novembre 2016. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente,
- Mme Picquet, premier conseiller,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 juillet 2020.
Le rapporteur,
P. Picquet
La présidente,
C. Buffet
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02555