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03/07/2020 | FRANCE | N°19NT01705

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 03 juillet 2020, 19NT01705


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 mai 2019, le 13 janvier et le 27 janvier 2020, la Société centrale éolienne du Millard, représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2019 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour huit éoliennes sur le territoire des communes de Saint-Gemmes-la-Plaine et Saint-Jean-de-Beugné ;

2°) de lui accorder l'autorisation environnementale sollicitée et d'assortir cette autorisation des prescription

s nécessaires ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Vendée de fixer les pre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 mai 2019, le 13 janvier et le 27 janvier 2020, la Société centrale éolienne du Millard, représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2019 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour huit éoliennes sur le territoire des communes de Saint-Gemmes-la-Plaine et Saint-Jean-de-Beugné ;

2°) de lui accorder l'autorisation environnementale sollicitée et d'assortir cette autorisation des prescriptions nécessaires ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Vendée de fixer les prescriptions techniques dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les lieux avoisinants ne présentent pas d'intérêt particulier ;

- le projet n'a pas d'impact significatif sur les monuments et sur un éventuel effet de saturation.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 27 décembre 2019 et le 24 janvier 2020, l'association Vent de révolte et autres, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société éolienne du Millard au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun moyen n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2020 le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. H...,

- et les observations de Me J..., représentant la société centrale éolienne du Millard, et de Me A..., représentant l'association Vent de révolte et autres.

Une note en délibéré présentée par l'association Vent de révolte et autres a été enregistrée le 22 juin 2020.

Une note en délibéré présentée par l'association la société centrale éolienne du Millard a été enregistrée le 29 juin 2020.

Une note en délibéré présentée par le ministre de la transition écologique et solidaire a été enregistrée le 29 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société ferme éolienne du Millard a déposé le 20 juillet 2017 une demande d'autorisation environnementale pour la création du parc éolien du Millard, situé sur le territoire des communes de Saint-Gemmes-La-Plaine et Saint-Jean-de-Beugné comportant huit éoliennes. Elle demande l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2019 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour ce projet.

Sur l'intervention :

2. L'intervention de l'association Vent de Révolte et autres, qui ont intérêt à contester l'arrêté litigieux et s'associent aux conclusions du préfet de la Vendée, est admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme: " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

4. Si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant sa délivrance, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des autorisations délivrées, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.

5. Il résulte de l'instruction que le projet en litige porte sur la construction de huit éoliennes, dans une bande de " paysages ouverts " laquelle a été considérée comme présentant une sensibilité paysagère faible au regard du développement éolien par la Direction Régionale Environnement Aménagement Logement (DREAL) dans le document intitulé Synthèse régionale sur les modalités d'insertion paysagère des éoliennes dans les Pays de la Loire. Le projet litigieux se situe en dehors de la zone tampon des sites emblématiques et ne déborde pas dans la partie sud du territoire, identifiée comme une zone sensible. De plus, le projet est situé dans un paysage rural caractérisé par une faible densité démographique, par des espaces agricoles constituant des plaines ouvertes ou des bocages ne présentant pas un caractère remarquable, ni une sensibilité paysagère pouvant faire obstacle à l'installation d'éoliennes. Cependant ce paysage comprend également des villages qui abritent des monuments historiques et des bâtiments remarquables, tels que le Manoir de Chaligny, le Logis du Coteau, le château de Bessay, le château de la Chevallerie, le logis de la Popelinière. Si la zone d'implantation du projet en litige n'est pas protégée au titre des paysages sensibles ou très sensibles, elle conserve les caractéristiques d'un paysage naturel non dépourvu d'intérêt, et localement des perspectives monumentales doivent également être prises en compte.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le projet serait implanté dans une zone rapprochée et intermédiaire comprenant un nombre importants de parcs éoliens dans un rayon d'une dizaine de kilomètres : le parc de Corpe comprenant 13 éoliennes, le parc des Fiefs de Cottines comportant 6 éoliennes, le parc de Mouzeuil St Martin Trentin comptant 10 éoliennes et trois autres projets autorisés, le parc du Grand Crochet constitué de 5 éoliennes, le parc du Paisilier de 10 éoliennes et celui du Millard qui en comportera 6. Le ministre fait valoir que 45 éoliennes en cours d'exploitation et 35 à venir seront implantées dans un rayon de 16 kilomètres autour du projet de parc des Marzières. Ce nombre va induire, comme le relève l'autorité environnementale dans son avis du 25 juin 2018 " un sentiment d'omniprésence des éoliennes dans le paysage qui va peser sur l'identité d'un territoire rural devenant de plus en plus industriel. L'étude de saturation visuelle présentée pour les 4 hameaux entourés par le parc existant et le cas échéant par la réalisation simultanée du présent projet et de celui du Millard en témoigne. Les quelques plantations de haies proposées n'atténueront que partiellement la prégnance des parcs alentours pour les principaux riverains, mais aussi plus largement pour les usagers du secteur ". L'autorité environnementale poursuit en relevant qu'" au plan du paysage, quand bien même le grand éolien se concilie bien en termes de rapport d'échelle avec les espaces de plaine peu densément bâtis et très ouverts, la répétition du motif éolien dans un périmètre restreint pose à terme la question du risque de saturation et par conséquent de son acceptabilité au regard ". De plus, compte tenu de sa très grande proximité avec le parc éolien de la Corpe, l'étude d'impact souligne que " le projet des Marzières cumulé au parc de la Corpe produit visuellement une forte densité d'éoliennes qui occupe l'ensemble du champ de vision ". Cette saturation a été relevée également par la commission d'enquête qui, si elle a donné un avis favorable au projet, en termes très nuancés, a cependant souligné les risques de " saturation évidente du patrimoine paysager ", et invité à supprimer 3 éoliennes, EMAR 6, 7 et 8.

7. Dans ces conditions le projet induit un effet de saturation visuelle de nature à justifier légalement le refus opposé sur le fondement des dispositions précitées du code de l'environnement et du code de l'urbanisme.

8. Dès lors, la société centrale éolienne du Millard n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société centrale éolienne du Millard, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions de cette société tendant à ce que la cour lui délivre une autorisation environnementale ou enjoigne au préfet de la Vendée de fixer des prescriptions techniques dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la société centrale éolienne du Millard ne peuvent dès lors être accueillies. L'association Vent de Révolte et autres intervenants, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société centrale éolienne du Millard la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Vent de Révolte et autres est admise.

Article 2 : La requête de la Société centrale éolienne du Millard est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'association Vent de Révolte et autres tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société centrale éolienne du Millard, au ministre de la transition écologique et solidaire, à l'Association Vent de Révolte, à M. et Mme D..., à M. E..., à M. et Mme C..., à la Société château de la Chevallerie, à M. et Mme F..., à M. et Mme G..., à l'association la Demeure Historique et à M. I....

Une copie sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2020.

Le rapporteur,

T. B...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT01705


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01705
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : LPA CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-03;19nt01705 ?
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