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30/06/2020 | FRANCE | N°18NT02802

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 juin 2020, 18NT02802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler les décisions implicites par lesquelles la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours a rejeté ses demandes préalables du 3 juin 2014 relatives à la contestation du classement dont il a fait l'objet en qualité de professeur d'éducation musicale, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 340,93 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux lé

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler les décisions implicites par lesquelles la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours a rejeté ses demandes préalables du 3 juin 2014 relatives à la contestation du classement dont il a fait l'objet en qualité de professeur d'éducation musicale, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 340,93 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601440 du 24 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018, M. C... B... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 mai 2018 ;

[HL1]

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 255,07 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- conformément à la grille indiciaire des agents contractuels assurant des fonctions d'enseignement général, technique et professionnel de l'académie d'Orléans-Tours, il avait droit, eu égard à ses diplômes et à son expérience professionnelle, de se voir attribuer un indice majoré de 388 pour la période du 18 avril au 29 juillet 2012 et un indice majoré de 403 pour la période du 1er septembre 2012 au 13 février 2013, au lieu d'un indice majoré de 354 ;

- pour la période du 14 février au 31 août 2013, il a droit au versement d'une partie du traitement qui ne lui a pas été versée conformément à l'indice majoré de 403 indiqué dans son contrat, le rectorat ayant continué de le rémunérer sur la base d'un indice majoré 354.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... D... ne sont pas fondés et indique à la cour qu'il entend se référer expressément aux observations présentées par la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours dans son mémoire du 12 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du

11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... a été recruté par la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours en qualité de professeur d'éducation musicale par un premier contrat à durée déterminée du 29 mars au 17 avril 2012 pour neuf heures de cours. Ce contrat a été renouvelé deux fois jusqu'au 29 juillet 2012. Un nouveau contrat à durée déterminée, pour cinq heures de cours, a été signé pour la période du 1er septembre 2012 au 13 février 2013. Ces différents contrats indiquaient que sa rémunération serait afférente à l'indice brut 386 soit un indice majoré de 354. Un nouveau contrat, pour cinq heures de cours, a été signé pour la période du 14 février 2013 au 31 août 2013 et a alors retenu un indice brut de rémunération de 460 soit un indice majoré de 403. Titulaire d'une licence ainsi que depuis le 9 janvier 2013 d'un master II, mention musique et musicologie, M. B... D... a, le 3 juin 2014, adressé au recteur d'Orléans-Tours deux courriers par lesquels il contestait les modalités de calcul de sa rémunération, d'une part, sur la période du 18 avril 2012 au 29 juillet 2012 où il était affecté au collège Louis Pergaud à Courville-sur-Eure et, d'autre part, sur la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2013 où il était affecté au collège la Pajotterie à Chateauneuf-en-Thymerais. Il réclamait, dans ses demandes, le bénéfice de la grille indiciaire des agents contractuels assurant des fonctions d'enseignement général, technique et professionnel de l'académie d'Orléans-Tours, la rectification de son classement, le rappel de salaire sur la période en cause et, en conséquence, le versement des sommes correspondantes qu'il estimait lui être dues. Ces courriers sont restés sans réponse. Par un courrier du 9 décembre 2014, le recteur lui a donné des informations précises sur les régularisations opérées à la suite des erreurs affectant sa quotité horaire et son activité et qui avaient été commises en sa défaveur et en sa faveur, et qui avaient donné lieu dans ce dernier cas à l'émission à son encontre de plusieurs titres de perception les 18 septembre et 2 octobre 2014.

2. M. B... D... a, le 4 mai 2016, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions implicites de la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours " rejetant ses demandes préalables du 3 juin 2014 ", d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 340,93 euros à titre des dommages et intérêts, assortie des intérêts. Cette juridiction a, par un jugement du 24 mai 2018, rejeté au fond sa demande sans se prononcer sur les fins de non-recevoir qui avaient été opposées par l'administration. M. B... D... relève appel de ce jugement.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions dirigées contre le rejet des demandes présentées le 3 juin 2014 :

3. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, en vigueur à la date de la première décision attaquée : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa (...) ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 déjà citée : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. ( ...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 juin 2001 pris pour l'application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives, en vigueur à la date de la décision attaquée et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 112-11-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; / 2° La désignation, l'adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier. / L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue à l'article 22 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'un accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à son destinataire.

4. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. Les règles énoncées au point 4, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les textes cités au point 3, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.

6. Il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que par deux courriers du 3 juin 2014, M. B... D... a contesté les modalités de sa rémunération en sollicitant une rectification de son classement et, en conséquence, un rappel de salaires sur la période du 18 avril 2012 au 29 juillet 2012 et sur celle courant du 1er septembre 2012 au 31 août 2013. Ces demandes, qui ont été reçues par les services du rectorat le 11 juin 2014, ont donné lieu à des décisions implicites de rejet nées le 11 août 2014. L'intéressé a ensuite été destinataire d'un premier titre de perception émis le 18 septembre 2014 correspondant à un indu de rémunération sur la paye de février 2013 puis de deux titres de perception émis le 18 septembre 2014 qui portaient sur des périodes étrangères à sa contestation du 3 juin 2014. Les éléments du dossier permettent de constater que M. B... D... a alors, par un courrier du 31 octobre 2014 reçu le 7 novembre suivant, contesté les sommes qui lui étaient réclamées en indiquant mois par mois à compter du mois de septembre 2012 jusqu'au mois de septembre 2013 compris, soit toute la période en litige, les éléments figurant sur ses bulletins de paie et ceux qui auraient dû, selon lui, apparaitre s'agissant de la quotité d'heures effectuées, de la catégorie dont il relèverait et enfin de l'indice dont il revendiquait le bénéfice. Il a alors, dans cette correspondance du 31 octobre 2014, expressément fait référence à ses demandes de rectification du 3 juin 2014 qu'il a versées en copie. Dans ces conditions, c'est au plus tard à cette date du 31 octobre 2014 que M. B... D... doit être regardé comme ayant eu connaissance des décisions implicites de rejet nées le 11 août 2014. Il pouvait ainsi, dans le délai raisonnable d'un an à compter du 31 octobre 2014 qui est énoncé au point 5 exercer un recours juridictionnel contre ces décisions. Par suite, les conclusions dirigées contre ces décisions présentées dans la demande enregistrée le 4 mai 2016 devant le tribunal administratif d'Orléans étaient, comme le soutient l'administration, tardives et en conséquence irrecevables. [HL2]

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'allocation de dommages-intérêts :

7. M. B... D... a demandé expressément devant le tribunal administratif d'Orléans, comme il le fait à nouveau en appel, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2340,93 euros, portée à 3 255,07 euros devant la cour, à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Or il n'a pas saisi l'administration d'une réclamation préalable indemnitaire permettant de lier le contentieux sur ce point. Par suite, ses conclusions sont, comme l'invoquait la rectrice de l'académie d'Orléans-Tours en première instance[HL3], irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie d'Orléans-Tours.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

Le rapporteur,

O. A...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[HL1]2°) D'annuler les décisions implicites opposées à sa demande du 3 juin 2014 (je crois qu'il faut les mentionner ici puisque l'intérêt de M. Godinho da Costa est d'en obtenir l'annulation)

[HL2]Le requérant n'est dès lors pas fondé à souenir que c'est à tort que .... Ne pas oublier la formule sacramentelle à laquelle tient le président.

[HL3]dont l'argumentation est expressément reprise sur ce point en appel par le ministre (le ministre s'y réfère expressément dans son mémoire en défense, ce qui fait que le moyen est à nouveau soulevé devant nous)

N° 18NT02802 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02802
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CALLON AVOCAT ET CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-30;18nt02802 ?
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