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19/06/2020 | FRANCE | N°19NT00782

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juin 2020, 19NT00782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa rejetant implicitement les demandes de visa de long séjour formées pour Mme B... D... et l'enfant A...'I... qu'il présente comme son épouse et leur fille.

Par un jugement n° 1605948 du 27 décembre 2018, le tribun

al administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa rejetant implicitement les demandes de visa de long séjour formées pour Mme B... D... et l'enfant A...'I... qu'il présente comme son épouse et leur fille.

Par un jugement n° 1605948 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2019, M. F..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ;

Il soutient que :

- en s'abstenant de relever le défaut de motivation de la décision implicite des autorités consulaires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité ;

- les documents d'état civil produits établissent les liens familiaux ouvrant droit à la délivrance des visas sollicités ;

- il justifie de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il indique s'en rapporter à ses écritures de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 4 avril 1984, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 5 octobre 2012. Des demandes de visas d'entrée et de long séjour, en qualité de membres de famille d'un réfugié, ont été formées en 2014 pour, d'une part, Mme B... D..., née le 5 mai 1982 et, d'autre part, la jeune A...'I..., née le 5 février 2000, que le requérant présente comme son épouse et leur fille. Le refus implicitement opposé par les autorités consulaires françaises à ces demandes a été confirmé par une décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 8 juin 2016. M. F... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont la décision se substitue à celle des autorités consulaires, non de se prononcer sur la légalité de cette dernière décision mais d'examiner elle-même la demande de visa à laquelle a été opposé un refus. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de relever le défaut de motivation de la décision implicite des autorités consulaires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa propre décision d'illégalité doit être écarté.

4. En deuxième lieu, le I de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, dispose que : " I - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Pour justifier de son lien conjugal avec Mme B... D..., le requérant produit un acte de mariage dressé le 24 janvier 2014 ainsi que le jugement supplétif de représentation et d'enregistrement tardif de mariage RC n° 6647 rendu le 11 décembre 2013 par le tribunal de paix Kinshasa/N'Djili sur le fondement duquel il a été établi. Cet acte porte également la mention de rectifications effectuées le 3 août 2016 en exécution, d'une part, du jugement rectificatif RC n° 7513 du tribunal de paix H... du 28 juillet 2016 et, d'autre part, de l'ordonnance n° 2311/2016 portant rectification d'une erreur matérielle du président tribunal de paix H... le 20 juillet 2016. Les rectifications portent en particulier sur la nationalité de M. F..., présenté initialement comme ressortissant français et sur la date du mariage correspondant initialement au 26 octobre 2006 puis modifiée au 24 août 2013. Pourtant, alors, de surcroît, que n'est apportée aucune précision de nature à expliquer une telle erreur ainsi que le délai dans lequel sa rectification a été sollicitée, il est constant que M. F..., titulaire de la qualité de réfugié depuis 2012, se trouvait sur le territoire français le 24 août 2013. L'intéressé avait, par ailleurs, indiqué au Bureau des familles de réfugiés que son mariage avait été célébré le 26 octobre 2006. Les contradictions, inexpliquées, entachant l'information substantielle que constitue la date du mariage ne permettent pas de tenir le lien conjugal revendiqué comme établi.

7. Le requérant verse aux débats, d'une part, l'acte de naissance n° 63 volume I Folio n° 2014 dressé le 6 mars 2014 sur la base du jugement supplétif RCE 394 rendu en janvier 2014 par le tribunal pour enfants H... ainsi que ce jugement et, d'autre part, un second acte n° 1452 2016 Volume III Folio CC 418 dressé le 25 juillet 2016 sur le fondement du jugement rectificatif RCE 2119 rendu par le même tribunal le 8 juillet 2016 ainsi que ce jugement ordonnant à l'officier d'état civil de porter mention de la rectification dans le registre de naissance de l'année en cours et de délivrer un autre acte. La rectification dont s'agit concerne la date de naissance de l'enfant A...'I..., enregistrée de manière erronée comme correspondant au 15 février 2000 au lieu du 5 février 2000. Toutefois, tant le jugement supplétif de janvier 2014 que le jugement rectificatif du 8 juillet 2016 comportent de nombreuses incohérences relatives, pour le premier, à la date à laquelle il a été rendu et, pour le second, à la date d'introduction de la requête ainsi que la comparution de Mme D... au cours de l'audience à laquelle l'affaire aurait été appelée. Compte-tenu de leur nombre, ces erreurs privent les documents d'état civil de valeur suffisamment probante pour démontrer l'exactitude du lien de filiation revendiqué.

8. Les attestations de tiers et les bordereaux de transferts financiers en faveur de Mme D... effectués entre 2017 et 2019 ne suffisent pas, en l'espèce, à établir par possession d'état les liens familiaux litigieux.

9. Dans ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'identité de Mme B... D... et de l'enfant A...'I... ainsi que les liens familiaux unissant ces dernières à M. F... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une inexacte application des dispositions citées aux points 3 et 4.

10. En dernier lieu, si M. F... invoque les stipulations de l'article 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, il ne peut utilement s'en prévaloir dès lors que ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés. Pour le surplus, le requérant réitère en appel le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Brisson, président,

M. A...'hirondel, premier conseiller,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020

Le rapporteur,

K. E...

Le président,

C BRISSONLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00782
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : VIALLARD-VALEZY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;19nt00782 ?
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