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19/06/2020 | FRANCE | N°18NT03888

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 juin 2020, 18NT03888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... et Mme C... D..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Quimperlé à les indemniser à hauteur de 285 620 euros des différents préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait du décès de leur père et conjoint dans les suites de sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n°1600493 du 6 septembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m

émoires enregistrés le 30 octobre 2018, les 8 avril et 10 avril 2019 et le 27 février 2020 M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... et Mme C... D..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Quimperlé à les indemniser à hauteur de 285 620 euros des différents préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait du décès de leur père et conjoint dans les suites de sa prise en charge dans cet établissement.

Par un jugement n°1600493 du 6 septembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 30 octobre 2018, les 8 avril et 10 avril 2019 et le 27 février 2020 M. F... D... et Mme veuve D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 septembre 2018 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Quimperlé à les indemniser à hauteur de 285 620 euros des préjudices subis du fait du décès d'Edmond D... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Quimperlé la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande indemnitaire n'est pas tardive ;

- le rapport de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Bretagne est entaché de plusieurs erreurs qui sont de nature à remettre en cause ses conclusions ;

- le comportement du centre hospitalier a été fautif en ce qu'un scanner n'a été pratiqué que le 17 mars 2010 en dépit des demandes de Mme D... et du tableau clinique inquiétant présenté par le patient ;

- le comportement du centre hospitalier est également fautif en ce que le dosage des anticoagulants administrés à Edmond D... n'était pas adapté, alors même que l'hôpital avait connaissance des antécédents de l'intéressé, qui présentait un risque hémorragique majeur ;

- Edmond D... a perdu une chance d'avoir été pris en charge de manière adaptée plus tôt et de pouvoir ainsi échapper à son décès ;

- plusieurs des documents médicaux qu'ils produisent laissent supposer l'existence d'une hémorragie cérébrale dès l'admission à l'hôpital d'Edmond D... ;

- la perte de chance de survie justifie une indemnisation à hauteur de 120 000 euros ;

- le préjudice moral de Mme veuve D... s'élève à 60 000 euros et celui de son fils à 50 000 euros ;

- Mme veuve D... subit un préjudice de perte de revenus qui s'élève à

55 620 euros, somme à parfaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2020 le centre hospitalier de Quimperlé, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le recours indemnitaire enregistré devant le tribunal administratif de Rennes le

4 février 2016 pour Edmond D..., décédé, et Mme C... D... sa veuve, était tardif ;

- les moyens invoqués par les consorts D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée pour les consorts D..., a été enregistrée le

18 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Edmond D..., alors âgé de 64 ans, a été admis le 14 mars 2010 aux urgences du centre hospitalier de Quimperlé (Finistère), après avoir chuté à deux reprises à son domicile. Les radiographies réalisées le 15 mars ont mis en évidence une fracture du col de l'humérus et de la clavicule. Le traitement anticoagulant dont bénéficiait l'intéressé a été poursuivi à l'hôpital. Néanmoins, le suivi du patient a montré une augmentation du marqueur de risque d'hémorragie interne, à partir du 16 mars. Le traitement anticoagulant a alors été interrompu, mais l'état du malade a continué à se dégrader. Un scanner réalisé le 17 mars a révélé une hémorragie intracérébrale avec inondation ventriculaire. Edmond D... est décédé le 20 mars suivant.

2. Mme C... D..., sa veuve, et M. F... D..., son fils, ont saisi le 4 mai 2011 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) Bretagne, qui a désigné un expert, lequel a remis son rapport le

7 février 2012. Par un avis du 4 octobre 2012, la commission, concluant à l'absence d'imputabilité du décès d'Edmond D... à un acte médical du centre hospitalier, a rejeté la demande d'indemnisation des consorts D.... Ceux-ci ont saisi le 21 novembre 2014 le juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit le 27 février 2015. L'expert judiciaire désigné a remis son rapport le 9 juillet suivant, concluant à l'absence de faute médicale. Les consorts D... ont alors formé le

4 février 2016 un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Rennes. Ils relèvent appel du jugement du 6 septembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des deux rapports d'expertise mentionnés au point 1, qui ne sont pas entachés d'erreur ni d'incohérence, que lors de l'admission d'Edmond D... le traitement d'anticoagulant prescrit par son médecin traitant a été poursuivi avec une légère minoration du dosage, tandis qu'un suivi des INR, marqueurs de risque d'hémorragie interne, était mis en place. L'administration d'anticoagulants a été stoppée dès l'apparition de signes hémorragiques le 16 mars, et remplacée par un traitement par vitamine K dès le 17 mars. Aucune des deux expertises ni aucun autre élément du dossier, en particulier les multiples commentaires médicaux réalisés à la demande des requérants, ne permet de conclure à une erreur fautive du centre hospitalier dans la prise en charge médicamenteuse ainsi rappelée.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que le tableau clinique présenté par Edmond D... lors de son admission aux urgences ne présentait aucun élément de nature à justifier qu'un scanner cérébral soit immédiatement pratiqué. Il est établi que l'équipe médicale avait été informée dès l'origine des lourds antécédents du patient, et qu'elle a pu estimer sans commettre de faute, malgré l'insistance de Mme D..., qu'un tel examen n'était pas nécessaire dès le 14 mars, en l'absence de traumatisme crânien, de nouveau déficit neurologique, de perte de connaissance, d'élément en faveur d'une crise d'épilepsie et de céphalée. Le rapport de l'expert judiciaire indique en outre, sans être sérieusement démenti sur ce point, que l'hémorragie cérébrale qui a été fatale au patient n'a pas été provoquée par les chutes dont l'intéressé avait été victime à son domicile. Si un scanner cérébral a finalement été réalisé le 17 mars, c'est en raison de signes neurologiques déficitaires nouveaux qui n'étaient apparus que dans la nuit précédente. Enfin aucun des éléments contenus dans les rapports médicaux divers versés au dossier par les consorts D... ne permet d'établir qu'un scanner cérébral se justifiait dès l'admission d'Edmond D... ou que la réalisation précoce d'un tel examen aurait été de nature à éviter la survenue de l'hémorragie cérébrale dont l'intéressé a été victime et qui a provoqué son décès.

6. Il résulte de ce qui précède qu'aucune faute médicale ne peut être reprochée au centre hospitalier de Quimperlé de nature à engager sa responsabilité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de leur demande, les consorts D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Quimperlé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux consorts D... la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... D... et de Mme C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme C... D..., au centre hospitalier de Quimperlé, à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Morbihan et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 juin 2020.

Le rapporteur

A. A...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°18NT03888 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03888
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : GARET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;18nt03888 ?
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