Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à lui verser la somme de 387 502,09 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge le 29 avril 2008 par cet établissement de santé.
Par un jugement n° 1605590 du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à verser à Mme B... la somme de 11 889,50 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 août 2018 et 8 janvier 2020 Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2018 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 11 889,50 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à lui verser la somme de 166 345,20 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2009 et de la capitalisation des intérêts à compter du 3 avril 2010 ;
3°) de condamner le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à lui rembourser les sommes de 1 292,20 euros et 1 920 euros qu'elle a exposées pour s'adjoindre les services d'experts ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier des Sables-d'Olonne les frais de l'expertise et des sommes de 2 000 euros et 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ses points 17 à 20 ;
- la responsabilité du centre hospitalier des Sables-d'Olonne devra être confirmée, ainsi que le taux de perte de chance de 30% ;
- elle ne conteste pas les sommes de 1 376 euros, 900 euros, 5 500 euros et 15 000 euros qui lui ont été respectivement allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique permanent, du déficit fonctionnel permanent et de l'incidence professionnelle ;
- le jugement pourra également être confirmé en tant qu'il n'a pas retenu de perte de gains professionnels pour la période allant jusqu'au 25 septembre 2009, date de consolidation de son état de santé ;
- ses autres préjudices doivent être réévalués comme suit : 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre de préjudice esthétique temporaire, 1 292,20 euros au titre des frais divers, 265 707,99 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et 259 200 euros au titre de la perte de droits à pension de retraite ;
- elle a également droit au remboursement de la somme de 1 920 euros qu'elle a exposée pour faire établir la réalité de sa perte de droits à pension.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 octobre 2019 et 13 janvier 2020 le centre hospitalier des Sables-d'Olonne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 6 juin 1959, a été admise dans le service des urgences du centre hospitalier des Sables-d'Olonne le 29 avril 2008 à la suite d'une torsion du petit doigt de la main gauche survenue au travail. Un traumatisme du 5ème rayon de la main gauche a été diagnostiqué et elle a pu regagner son domicile le jour même, après la pose d'une attelle. Le 15 mai 2008, une radiographie de contrôle a révélé une fracture spiroïdale gauche. Mme B... a subi deux interventions, le 13 juin 2008 et le 5 mars 2009, qui ne lui ont pas permis de récupérer une mobilité complète de son doigt. Estimant que sa prise en charge avait été fautive, elle a saisi le centre hospitalier des Sables-d'Olonne le 1er avril 2009 d'une demande indemnitaire préalable, qui a été implicitement rejetée. Le 3 mai 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a confié une expertise à un chirurgien orthopédiste, qui a rendu son rapport le 30 août 2013. Par un jugement du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à verser à Mme B... la somme de 11 889,50 euros. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté en défense que le médecin urgentiste qui a examiné Mme B... le 29 avril 2008 n'a pas détecté la fracture du 5ème doigt dont elle souffrait, qui était pourtant bien visible sur la radiographie réalisée lors de son admission, et qu'alors même qu'une lecture secondaire de cette radiographie avait permis, dès le 30 avril, de constater l'existence de la fracture, le centre hospitalier n'en a pas informé
Mme B.... Le centre hospitalier des Sables-d'Olonne a donc commis deux fautes qui engagent sa responsabilité.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne le taux de perte de chance :
4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
5. Les fautes du centre hospitalier des Sables-d'Olonne ont fait perdre à Mme B... une chance de guérison complète et sans séquelle de la fracture du 5ème doigt de la main gauche dont elle a souffert que l'expert a évaluée à 30%. Ce taux, retenu par les premiers juges, est admis par les parties. Il peut donc être confirmé en appel.
6. Mme B... produit pour la première fois en appel une note d'honoraires établie le 28 juin 2013 par le médecin qui l'a assistée dans les opérations d'expertise pour un montant de 1 292,20 euros que le centre hospitalier des Sables-d'Olonne doit être condamné à lui rembourser dans son intégralité. En revanche, il n'y a pas lieu de lui accorder le remboursement de la somme qu'elle a versée à un cabinet de conseil pour la réalisation d'une étude de ses droits à pension, celle-ci ne présentant pas d'utilité pour la solution du litige.
7. L'expert a évalué les souffrances endurées par Mme B... et son préjudice esthétique temporaire à 2 sur une échelle allant de 1 à 7. Il y a lieu de confirmer les sommes de 1 800 euros et 1 600 euros auxquelles les premiers juges ont respectivement évalué ces préjudices.
8. S'il est constant que Mme B... a été licenciée le 22 juillet 2010 en raison de son handicap à la main gauche, il résulte également de l'instruction qu'elle n'était pas inapte à l'exercice de toute activité professionnelle. Par suite, et dès lors qu'elle ne justifie pas avoir été empêchée de retrouver un emploi de nature à lui procurer des revenus professionnels équivalents à ceux qu'elle percevait avant son licenciement et à lui permettre de verser des cotisations de retraite, elle ne peut prétendre à être indemnisée au titre de la perte de gains professionnels futurs et des droits à pension de retraite.
9. Il y a lieu de confirmer les sommes de 17 340,07 euros, 1 376 euros, 900 euros, 5 500 euros et 15 000 euros auxquelles les premiers juges ont respectivement évalué la perte de gains professionnels de Mme B... jusqu'au 10 décembre 2010, son déficit fonctionnel temporaire, son préjudice esthétique permanent, le déficit fonctionnel permanent et l'incidence professionnelle qui sont admises par les parties.
10. Il résulte de ce qui précède que la somme de 11 889,50 euros que le tribunal administratif de Nantes, par un jugement suffisamment motivé, a condamné le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à verser à Mme B... doit être portée à 13 181,70 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 13 181,70 euros à compter du 2 avril 2009, date de réception par le centre hospitalier des Sables-d'Olonne de sa réclamation préalable.
12. Pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme B... a demandé pour la première fois qu'il soit procédé à la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 24 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Nantes. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Il y a lieu, par suite, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter de cette date, et non du 3 avril 2010 comme le demande la requérante, et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu de mettre définitivement à la charge du centre hospitalier des
Sables-d'Olonne les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 2 octobre 2013 du président du tribunal administratif de Nantes à la somme de 800 euros.
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". En vertu de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier des Sables-d'Olonne la somme de 1 500 euros à verser à Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 11 889,50 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier des Sables-d'Olonne à verser à Mme B... est portée à 13 181,70 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2009. Les intérêts échus le 24 avril 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 800 euros sont mis à la charge du centre hospitalier des Sables-d'Olonne.
Article 4 : Le centre hospitalier des Sables-d'Olonne versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier des Sables-d'Olonne.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme F..., présidente assesseure,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
Le rapporteur
E. C...La présidente
N. F...
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03148