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19/06/2020 | FRANCE | N°18NT03001

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 juin 2020, 18NT03001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Blois à lui verser la somme de 515 472,34 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge en novembre 2012 par cet établissement de santé et de condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser 15% de cette somme à l'ONIAM et à lui-même. Appelée à la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher a deman

dé le remboursement de la somme de 64 937,64 euros qu'elle a exposée au bénéfi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier de Blois à lui verser la somme de 515 472,34 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des conditions de sa prise en charge en novembre 2012 par cet établissement de santé et de condamner la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser 15% de cette somme à l'ONIAM et à lui-même. Appelée à la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher a demandé le remboursement de la somme de 64 937,64 euros qu'elle a exposée au bénéfice de M. D....

Par un jugement n° 1604016 du 31 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Blois à verser la somme de 38 604 euros à M. D... et la somme de 43 994 euros et les dépenses de santé futures sur justificatifs à la CPAM de

Loir-et-Cher.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2018 M. D..., représenté par Me A... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 mai 2018 en tant qu'il a limité le montant de son indemnité à la somme de 38 604 euros et qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la SHAM ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Blois à lui verser la somme de 561 123,51 euros ;

3°) de condamner la SHAM à lui verser, ainsi qu'à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) des pénalités équivalentes à 15% de l'indemnité qui lui sera allouée ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son taux de perte de chance d'éviter l'aggravation de son état de santé doit être porté à 40%, conformément à l'avis de la CCI du Centre du 8 octobre 2015 ;

- faute de pouvoir produire des justificatifs, il ne s'oppose pas à la confirmation du jugement s'agissant des dépenses de santé futures ; la somme de 5 338 euros qui lui a été accordée au titre de la perte de gains professionnels jusqu'au 31 décembre 2013, date de consolidation de son état de santé, doit également être confirmée ;

- ses autres préjudices s'établissent comme suit : 16 368 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne jusqu'au 31 décembre 2013, 514 544,20 euros au titre de la perte de gains professionnels après le 31 décembre 2013, 102 908,84 euros au titre de l'incidence professionnelle, 646 306,75 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne après le 31 décembre 2013, 7 113 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 30 000 euros au titre des souffrances endurées, 7 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 56 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 10 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 1 500 euros au titre du préjudice sexuel ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté l'application des dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, qui prévoient qu'en cas d'offre manifestement insuffisante, l'assureur est condamné à verser à l'ONIAM une pénalité au plus égale à 15% de l'indemnité allouée à la victime ;

- il a droit à une somme égale à 15% de l'indemnité qui lui a été accordée en réparation de l'offre manifestement insuffisante que lui a faite la SHAM.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2018 l'ONIAM, représenté par Me E..., conclut à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il l'a mis hors de cause et demande à la cour de mettre solidairement à la charge du centre hospitalier de Blois et de la SHAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions d'engagement de la solidarité nationale ne sont pas satisfaites.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 juillet et 4 décembre 2019 le centre hospitalier de Blois et la SHAM, représentés par Me H..., concluent au rejet de la requête et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Loir-et-Cher.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. D... et par la CPAM de Loir-et-Cher ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2019, la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler jugement attaqué en tant qu'il a limité à 43 994 euros la somme qui lui a été allouée ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier de Blois et la SHAM à lui verser la somme de 58 658,40 euros au titre des dépenses engagées avant le 1er janvier 2014, la somme de 1 678 euros au titre des dépenses exposées entre le 1er janvier 2014 et le 31 mai 2018, date de lecture du jugement attaqué, et la somme de 1 317,40 euros au titre des dépenses postérieures au 31 mai 2018, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2017 ;

3°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il lui a allouée une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Blois et de la SHAM la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Blois doit être confirmée ;

- le taux de perte de chance doit être porté à 40% ;

- elle a droit au remboursement de 40% des dépenses de santé qu'elle a exposées, à hauteur de 142 4751 euros, et de ses frais futurs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été admis le 16 novembre 2012 dans le service des urgences du centre hospitalier de Blois après avoir ressenti des douleurs au mollet gauche à la suite d'un choc. Le médecin qui l'a examiné a noté un oedème, un hématome et des signes inflammatoires locaux. Un bandage a été posé et une ordonnance pour un doppler intraveineux a été délivrée. Le 17 novembre 2012, souffrant toujours de douleurs importantes, M. D... s'est à nouveau rendu au service des urgences du centre hospitalier de Blois, où un sepsis grave a été diagnostiqué. Il a été transféré dans le service d'orthopédie, où il a souffert d'un choc septique causé par une fasciite à streptocoque A. Il a été transféré le 18 novembre 2012 vers le centre hospitalier universitaire de Tours, où il est resté hospitalisé jusqu'au 9 janvier 2013 pour y subir des interventions chirurgicales et des greffes de peau. Il en conserve un déficit fonctionnel de la jambe gauche et une instabilité articulaire.

2. Le 4 février 2015, M. D... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) du Centre, qui a désigné deux praticiens hospitaliers en qualité d'experts. Au vu du rapport d'expertise, la CCI a conclu, dans un avis du 8 octobre 2015, à la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Blois et a estimé que M. D... avait perdu une chance d'éviter l'aggravation de son état de santé qu'il a évaluée à 40%. Le 18 mars 2016, la SHAM a adressé une offre d'indemnisation à M. D..., qui l'a jugée insuffisante. La SHAM ayant refusé de compléter son offre, M. D... a demandé à l'ONIAM de se substituer à cet assureur, ce qu'il a refusé. M. D... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans d'un recours tendant à la condamnation du centre hospitalier de Blois et de la SHAM à réparer ses préjudices. La CPAM de Loir-et-Cher, appelée à la cause, a demandé le remboursement de ses débours. Par un jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Blois à verser la somme de 38 604 euros à M. D... et la somme de 43 994 euros, ainsi que les dépenses de santé futures sur justificatifs, à la CPAM de Loir-et-Cher. M. D... relève appel de ce jugement. La CPAM de Loir-et-Cher demande la majoration de la somme qui lui a été allouée en première instance.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que le centre hospitalier de Blois a commis des fautes dans la prise en charge de M. D... tant lors de son admission aux urgences, le 16 novembre 2012, en omettant d'accomplir toutes les diligences et examens rendus nécessaires par son état, que le lendemain, après son admission dans le service de réanimation, en raison d'un retard de prise en charge de 48 heures. Ces fautes engagent la responsabilité de ce centre hospitalier.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le taux de perte de chance :

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. Les experts ont indiqué qu'en l'absence de faute " l'extension des lésions aurait été moindre et la fonction du membre inférieur aurait été moins atteinte. " et ont évalué la perte de chance de M. D... d'éviter cette aggravation entre 30 et 50%. Sur la base de ces conclusions expertales, le tribunal administratif d'Orléans a retenu un taux de perte de chance de 30%. Toutefois, dans son avis du 8 octobre 2015 la CCI a retenu un taux de perte de chance de 40 % tenant compte de la succession de fautes à l'origine du dommage de M. D... et de l'infection grave de type dermo-hypodermite communautaire dont a été victime l'intéressé. Dans ces circonstances, il y a lieu de porter à 40% le taux de perte de chance.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais liés au handicap :

7. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

8. L'expert a évalué le besoin de M. D... en assistance non spécialisée par une tierce personne à quatre heures par jour du 10 janvier au 6 février 2012, deux heures par jour du 19 février au 19 novembre 2013 et deux heures par semaine du 20 novembre au 31 décembre 2013, date de consolidation de son état de santé. Sur la base de 602 jours indemnisables, d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,16 euros en 2012 et 13,20 euros en 2013 et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. D... s'élève, jusqu'au 31 décembre 2013, à la somme de 10 108 euros.

9. Pour la période allant du 1er janvier 2014 au 19 juin 2020, date de lecture du présent arrêt, sur la base d'un besoin en assistance de deux heures par semaine, d'une période indemnisable de 326 semaines, d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,72 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. D... s'élève à la somme de 10 369 euros.

10. Pour l'avenir, sur la base d'un besoin en assistance de deux heures par semaine, et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14,21 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice de M. D... s'élève à 1 667 euros par an. Il y a lieu de capitaliser cette rente par application du coefficient issu du barème 2018 de la Gazette du Palais. A partir de ces éléments, rapportés à une victime âgée de 50 ans à la date du présent arrêt et à un coefficient de capitalisation de 27,687, le préjudice peut être évalué à la somme de 46 154 euros.

Quant à la perte de gains professionnels futurs :

11. Il résulte de l'instruction que M D... était employé comme cariste, que son contrat à durée déterminée n'a pas été renouvelé après le 31 décembre 2013 et qu'il n'a pas retrouvé d'emploi depuis cette date. Mais, d'une part, M. D... ne produit aucun document établissant qu'il aurait perdu son emploi de cariste en raison de son handicap. Il ressort d'ailleurs d'un courrier de Pôle emploi du 9 mai 2017 qu'il a continué à rechercher un emploi de cariste après le 31 décembre 2013. Et, d'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier d'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de janvier 2014, que M. D... est apte à rechercher un emploi dans le milieu ordinaire de travail. Par suite, M. D... ne justifie pas avoir perdu des revenus tirés d'une activité professionnelle après le 31 décembre 2013 ni, par voie de conséquence, avoir perdu des droits à pension.

Quant à l'incidence professionnelle :

12. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. D... rend plus difficile l'exercice d'une activité professionnelle, à laquelle il n'a pas renoncé, ainsi qu'il ressort de courriers de Pôle Emploi datés des 9 mai 2017 et 28 mars 2018 qu'il a produits pour la première fois en appel. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.

13. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale précitées, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et le complément de ressources doivent être regardés comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Par ailleurs, aucune disposition ne permet à l'organisme qui a versé ces prestations d'en réclamer au bénéficiaire le remboursement si celui-ci revient à meilleure fortune.

14. Il résulte de l'instruction que M. D... est bénéficiaire de l'AAH depuis mars 2013 et qu'il perçoit à ce titre une allocation mensuelle qu'il y a lieu de déduire de son indemnité en application de ce qui a été dit au point précédent. Or, le montant cumulé de l'aide qu'il perçoit est supérieur à l'indemnité de 10 000 euros à laquelle il a droit. Il n'y a donc pas lieu de l'indemniser au titre de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant aux préjudices temporaires :

15. Les experts ont évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. D... à 100% pendant les périodes d'hospitalisation du 16 novembre 2012 au 9 janvier 2013 et du 7 au

18 février 2013, à 75% du 10 janvier au 6 février 2013, à 50% du 19 février au 19 novembre 2011 et à 30% du 20 novembre au 31 décembre 2013. Sur cette base, il y a lieu de fixer à

3 400 euros le préjudice subi par M. D....

16. Les experts ont évalué les souffrances endurées par M. D..., en lien notamment avec les nombreuses interventions qu'il a subies, à 5 sur une échelle allant de 1 à 7. Il y a lieu d'évaluer à 13 500 euros ce chef de préjudice.

17. Le préjudice esthétique temporaire subi par M. D... durant la période de plus d'un an pendant laquelle il a été soigné peut être évalué à la somme de 2 500 euros.

Quant aux préjudices permanents :

18. Les experts ont fixé à 25% le taux de déficit fonctionnel permanent de M. D..., préjudice qui sera justement évalué à la somme de 40 000 euros.

19. Si M. D... soutient qu'il a dû mettre fin à son activité d'entraîneur de boxe, l'attestation qu'il produit pour la première fois en appel révèle qu'il a continué à pratiquer cette activité à raison de dix heures par semaine jusqu'au 30 juin 2014, soit plusieurs mois après la consolidation de son état de santé. M. D... n'établit donc pas la réalité du préjudice d'agrément invoqué.

20. Le préjudice esthétique permanent de M. D..., estimé à 3,5 sur 7 par les experts, sera justement évalué à la somme de 5 000 euros.

21. M. D... n'établit pas avoir subi un préjudice sexuel.

22. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a écarté la demande de M. D... au titre des dépenses de santé et qu'il lui a alloué la somme de 5 338 euros au titre de la perte de gains professionnels avant la date de consolidation, les parties ne le contestant pas sur ces deux points.

23. Il résulte de ce qui précède que le préjudice de M. D... s'établit à la somme de 131 031 euros lui ouvrant droit, après application du taux de perte de chance de 40% retenu au point 6, à une indemnité d'un montant de 52 412 euros, à laquelle il y a lieu d'ajouter les 5 338 euros indiqués au point 22.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 38 604 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Blois à verser à M. D... doit être portée à 57 750 euros.

Sur les conclusions dirigées par M. D... contre la SHAM :

25. Aux termes du 9ème alinéa de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : " Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre de l'assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l'assureur à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. ".

26. D'une part, et alors que le centre hospitalier de Blois a opposé devant le tribunal administratif d'Orléans une fin de non-recevoir qu'il n'a pas expressément abandonnée en appel, M. D... n'a pas qualité pour demander la condamnation de la SHAM à verser à l'ONIAM une somme au titre de ces dispositions. Ses conclusions en ce sens sont donc irrecevables.

27. D'autre part, ces mêmes dispositions prévoient que le bénéfice de l'indemnité à laquelle l'assureur peut être condamné, en cas d'offre manifestement insuffisante, est réservé à l'ONIAM. Les conclusions de M. D... tendant à ce que la SHAM soit condamnée à lui verser cette indemnité ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les droits de la CPAM de Loir-et-Cher :

28. La CPAM de Loir-et-Cher justifie avoir exposé jusqu'au 31 décembre 2013 des frais médicaux en lien direct avec la prise en charge de M. D..., pour un montant total de 142 451 euros. Il résulte également de l'instruction et est admis par les parties que la caisse a droit au remboursement des dépenses de santé qu'elle a exposées au bénéfice de M. D... entre le 1er janvier 2014 et le 19 juin 2020, date de lecture du présent arrêt, à raison de 950 euros par an, soit une somme totale de 6 000 euros. Elle justifie donc d'un préjudice global de 148 451 euros lui ouvrant droit, après application du taux de perte de chance retenu au point 6, à une indemnité d'un montant de 59 380,40 euros.

29. Pour l'avenir, et dès lors que le centre hospitalier de Blois s'oppose à ce que les sommes qu'il doit soient capitalisées, il y a lieu de mettre solidairement à la charge de cet établissement de santé et de la SHAM le remboursement des frais futurs de la caisse pour l'acquisition d'une canne anglaise et de quarante-cinq séances de kinésithérapie par an, au fur et à mesure qu'ils seront exposés, sur présentation des justificatifs correspondants et dans la limite de la somme en capital demandée par la caisse, soit 1 317,40 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

30. Les sommes exposées par la CPAM de Loir-et-Cher porteront intérêt à compter du 11 juillet 2017, date d'enregistrement de son recours devant le tribunal administratif d'Orléans, pour ceux de ces frais exposés avant cette date et, pour le surplus, à compter des dates de leur paiement.

Sur les frais de l'instance :

31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

32. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Blois et de la SHAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CPAM de Loir-et-Cher et non compris dans les dépens.

33. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Blois et la SHAM la somme demandée par l'ONIAM au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 38 604 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Blois à verser à M. D... est portée à 57 750 euros.

Article 2 : La somme de 43 994 euros allouée à la CPAM de Loir-et-Cher en première instance est portée à 59 380,40 euros, montant qui sera assorti des intérêts au taux légal comme indiqué au point 30.

Article 3 : Le centre hospitalier de Blois et la SHAM sont solidairement condamnés à rembourser à la CPAM de Loir-et-Cher les sommes qu'elle exposera dans le futur au titre d'une canne anglaise et de séances de kinésithérapie sur présentation des justificatifs correspondants et dans la limite de la somme de 1 317,40 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. D... et de la CPAM de

Loir-et-Cher est rejeté.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le centre hospitalier de Blois versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier de Blois et la SHAM verseront solidairement à la CPAM de Loir-et-Cher la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au centre hospitalier de Blois, à l'ONIAM, à la CPAM de Loir-et-Cher et à la SHAM.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme I..., présidente assesseure,

- M. F..., premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2020.

Le rapporteur

E. F...La présidente

N. I...

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT03001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03001
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : VAN TESLAAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-19;18nt03001 ?
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