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16/06/2020 | FRANCE | N°19NT01305

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juin 2020, 19NT01305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsable de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Loiret pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1804460 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédu

re devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril et le 6 mai 2019, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsable de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Loiret pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1804460 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril et le 6 mai 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2018 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Loiret pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de reconnaître la France comme Etat responsable de sa demande d'asile, de transmettre son dossier à l'office français de protection des refugies et apatrides et, par voie de conséquence, de l'admettre au séjour le temps de l'instruction de sa demande d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il a été indûment privé de son droit à l'assistance d'un avocat tel que prévu à l'article 27 alinéa 5 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et par le 4ème alinéa du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le magistrat désigné a refusé de renvoyer l'affaire en l'absence de son avocat, qu'un nouveau report de l'affaire n'aurait pas été constitutif d'un procédé dilatoire et que le dépassement du délai de recours de 96 heures n'entache pas le jugement d'irrégularité ;

- l'absence de son avocat ne lui était pas imputable et il appartenait au tribunal soit de joindre l'avocat lui ayant été désigné, ce qu'il ne démontre pas avoir fait, soit de solliciter la désignation d'un autre avocat auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats d'Orléans ;

Sur l'arrêté de transfert :

- il méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, dès lors qu'il s'est vu refuser de manière définitive le statut de réfugié par une décision du 6 juin 2016 de l'Office fédéral de la migration et des réfugiés à Bonn en Allemagne, qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter l'Allemagne exécutoire dans un délai de trente jours et qu'il ne dispose plus de voie de recours contre le rejet de sa demande d'asile ;

- l'Allemagne procède à des renvois de ressortissants afghans dans une mesure significative ;

- il encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Afghanistan, la situation à Kaboul étant hostile aux anciens exilés ;

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

- il est illégal par exception d'illégalité de la décision de transfert aux autorités allemandes.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 avril et le 13 mai 2019, le préfet du Loiret conclut au non-lieu à statuer dès lors que l'intéressé a été transféré en Allemagne le 1er mars 2019.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 20 juillet 2018 selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile à la préfecture du Loiret le 20 aout 2018. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait sollicité l'asile auprès des autorités allemandes préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Les autorités allemandes ont été saisies le 4 octobre 2018 d'une demande de reprise en charge en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. A la suite de leur accord explicite du 17 octobre 2018 sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet du Loiret a, par un arrêté du 17 décembre 2018, décidé de transférer M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet a également décidé, par un arrêté du même jour, d'assigner l'intéressé à résidence dans le département du Loiret pour une durée de quarante-cinq jours. Par sa présente requête, M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 décembre 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 décembre 2018.

Sur le non-lieu à statuer :

2. Il est constant que l'intéressé a été transféré en Allemagne le 1er mars 2019 en exécution de l'arrêté de transfert en litige en date du 17 décembre 2018. Dans ces conditions, la mesure en cause ayant produit des effets, les conclusions à fin de non-lieu du préfet du Loiret ne peuvent être accueilies.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article 27 alinéa 5 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) 5. Les Etats membres veillent à ce que la personne concernée ait accès à une assistance juridique et, si nécessaire, à une assistance linguistique. ". Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de sept jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (...) L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil, s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. Toutefois, si, en cours d'instance, l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au II du présent article. II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1. Il est également statué selon la même procédure et dans le même délai sur le recours formé contre une décision de transfert par un étranger qui fait l'objet, en cours d'instance, d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence. Dans ce cas, le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence. Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert. "

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 776-22 du code de justice administrative : " L'étranger peut, au plus tard avant le début de l'audience, demander qu'un avocat soit désigné d'office. Il en est informé par le greffe du tribunal au moment de l'introduction de sa requête. Quand l'étranger a demandé qu'un avocat soit désigné d'office, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné en informe aussitôt le bâtonnier de l'ordre des avocats près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se tiendra l'audience. Le bâtonnier effectue la désignation sans délai. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié pour assurer sa défense devant le tribunal, faute d'avocat lors de l'introduction de sa requête introductive d'instance, d'un avocat commis d'office désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Orléans. Cet avocat a été constitué le 19 décembre 2018. A la suite de cette constitution, le magistrat désigné du tribunal a procédé à un renvoi de l'audience initialement programmée le 19 décembre 2018 au 20 décembre 2018, à la demande de l'avocat désigné d'office, afin de préparer la défense du requérant. Il n'est ni soutenu, ni même allégué, que l'avocat désigné n'aurait pas été régulièrement convoqué à l'audience. Dans ces conditions, alors même qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avocat commis d'office aurait fait valoir des motifs légitimes justifiant son absence à l'audience et un second renvoi, le tribunal n'était nullement tenu de renvoyer une nouvelle fois l'audience avant de statuer sur la requête de M. B... faisant l'objet d'une procédure d'urgence. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été indûment privé de son droit à l'assistance d'un avocat tel que prévu par les dispositions précitées et que le jugement en cause serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert :

6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. D'une part, la décision contestée n'emportant pas retour de M. B... dans son pays d'origine, le moyen tiré du danger en cas de retour dans ce pays est inopérant. D'autre part, aucun élément ne permet d'affirmer que l'intéressé aurait épuisé les voies de recours contre l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ou qu'un retour forcé vers l'Afghanistan pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités allemandes dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine sans une évaluation, sous l'angle de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des risques encourus. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de transfert en cause méconnaitrait les stipulations précitées des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

8. Les moyens dirigés contre la décision portant remise aux autorités allemandes ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais de procédure.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°19NT01305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01305
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-16;19nt01305 ?
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