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12/06/2020 | FRANCE | N°19NT04770

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 12 juin 2020, 19NT04770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel ce préfet a décidé son assignation à résidence à Guipavas (Finistère), d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile sous procédure normale dans un

délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel ce préfet a décidé son assignation à résidence à Guipavas (Finistère), d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile sous procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1906039 du 10 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes, après avoir admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), a annulé les arrêtés du 2 décembre 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine (article 2), enjoint à ce préfet de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile lui permettant de séjourner provisoirement en France durant l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 3), et a rejeté les conclusions présentées par M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019 sous le n° 19NT04770, et un mémoire, enregistré le 18 février 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes en date du 10 décembre 2019

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. B....

Il soutient que :

- le premier juge a commis une erreur de fait ;

- la décision de transfert n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'Italie ne souffre pas de défaillances systémiques au sens de l'article 3, paragraphe 2, de ce même règlement.

Par des mémoires, enregistré le 30 janvier 2020 et le 11 mars 2020, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019 sous le n° 19NT04771, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de suspendre l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes en date du 10 décembre 2019.

Il soulève les mêmes moyens que dans l'instance n° 19NT04770.

Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2020, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 4 février 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 19NT04770 et n° 19NT04771, concernent la situation du même demandeur d'asile et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de se prononcer par une même décision.

2. M. B..., ressortissant de République de Guinée né le 10 mars 1998, a présenté une demande de protection internationale auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine le 30 juillet 2019. La consultation du système Eurodac puis l'entretien dont il a bénéficié le 30 juillet 2019 ont révélé qu'il avait précédemment déposé une telle demande en Italie. Les autorités italiennes ont été saisies, le 18 septembre 2019, d'une demande de reprise en charge de M. B..., qu'elles ont accepté implicitement accepté. Par deux arrêtés du 2 décembre 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé le transfert de M. B... aux autorités italiennes et son assignation à résidence. Par un jugement du 10 décembre 2019, dont le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces deux arrêtés.

3. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

4. Il ressort, en premier lieu, du compte-rendu de l'entretien individuel dont M. B... a bénéficié en application de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, produit par le préfet, ainsi que des déclarations circonstanciées de l'intéressé devant le premier juge, telles que retranscrites dans le jugement attaqué, qu'alors qu'il traversait la Méditerranée sur une embarcation de fortune, l'intéressé a reçu accidentellement un produit chimique sur une grande partie du corps. Cet accident a été la cause d'une affection cutanée se manifestant par la formation de cloques ou de boutons sur la peau et des écoulements réguliers. En deuxième lieu, il ressort d'un courrier rédigé par un médecin hospitalier du service de pneumologie du centre hospitalier universitaire de Brest daté du 16 octobre 2019 que M. B... fait l'objet, dans cet établissement hospitalier, d'un suivi pour une infection tuberculeuse latente, lequel nécessite d'ailleurs la réalisation d'examens complémentaires tels qu'un scanner thoracique. En troisième lieu, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les déclarations de M. B... devant le tribunal administratif, dont il ressort qu'en dépit de son état de santé dégradé, il n'a pas toujours disposé d'un hébergement ou d'un logement durant son séjour en Italie et n'a bénéficié d'aucun des traitements nécessaires. Compte de l'ensemble de ces circonstances, et alors qu'aucun élément du dossier n'établit que l'Italie, qui n'a accepté qu'implicitement de reprendre en charge M. B..., serait informée de la situation de celui-ci et envisagerait de prendre les mesures que requiert son état de santé et le traitement de sa demande d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté que lui accorde l'article 17 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 aux fins d'instruire en France la demande d'asile de l'intéressé.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 2 décembre 2019. Par suite, sa requête à fin d'annulation de ce jugement doit être rejetée.

6. La cour se prononçant sur la requête du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 décembre 2019, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête tendant à ce que soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par le conseil de M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête à fin d'annulation du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à fin de sursis à exécution présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine.

Article 3 : Les conclusions de Me D..., avocat de M. B..., présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 juin 2020.

Le rapporteur,

T. A...Le président,

L. Lainé

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04770, 19NT04771

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04770
Date de la décision : 12/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-12;19nt04770 ?
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