Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 janvier 2017 du préfet de police de Paris ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1706561 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur, lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation présentée par M. C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé devant le tribunal administratif.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mai et 23 décembre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 21 avril 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation présentée par M. C... ;
2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes en tant qu'elles sont dirigées contre cette décision du 21 avril 2017 et ses conclusions à fin d'injonction.
Il soutient que :
- sa décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les moyens invoqués par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 19 décembre 2019 et 14 janvier 2020, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui accorder la nationalité française dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa demande de naturalisation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ;
- il s'est acquitté de l'amende prononcée à son encontre ;
- la décision litigieuse méconnaît le principe général du droit " non bis in idem " ;
- les faits sont anciens et isolés ;
- la décision est insuffisamment motivée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 21 avril 2017 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. C... et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de ce dernier.
Sur la légalité de la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu de l'article 27 du même code l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation. En outre, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ". Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la demande. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le comportement du postulant.
3. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur ce que M. C... a été condamné, par un jugement du 14 mars 2011 du tribunal correctionnel de Nîmes, à une amende de 130 euros et à l'interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant six mois pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique. Ces faits, qui ne sont pas contestés, présentaient, contrairement à ce que soutient M. C..., un caractère encore récent à la date de la décision litigieuse et une gravité certaine. En outre, la décision d'ajournement qui lui a été opposée ne revêt pas le caractère d'une sanction de sorte que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le principe dit " non bis in idem " aurait été méconnu. Par suite, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, le ministre, a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ajourner à deux ans, la demande de naturalisation de
M. C... alors même que celui-ci s'est acquitté de l'amende prononcée à son encontre et que cette infraction serait isolée. Dès lors, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur ajournant à deux ans la demande de naturalisation de M. C....
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif de Nantes qu'en appel.
5. Aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée ". La décision litigieuse mentionne l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 visé ci-dessus ainsi que les circonstances de faits propres à la situation de M. C.... Ainsi, cette décision, qui comporte, avec suffisamment de précision, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, satisfait aux exigences de l'article 27 précité du code civil.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 21 avril 2017 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. C... et lui a enjoint de réexaminer cette demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par
M. C... devant le tribunal administratif n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. C... et a enjoint au ministre de réexaminer la demande de naturalisation sollicitée par ce dernier.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes dirigées contre la décision du 21 avril 2017 du ministre de l'intérieur sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en appel par M. C... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2020.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01931