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05/06/2020 | FRANCE | N°19NT00197

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 juin 2020, 19NT00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plouha à lui verser la somme de 70 366,07 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de renseignements d'urbanisme erronés concernant la constructibilité du terrain cadastré section B n° 2594 qu'il a acquis, situé au lieu-dit " La Trinité ", avec intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement no 1601770 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de

Rennes a condamné la commune de Plouha à verser à M. C... la somme de 58 974,10 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plouha à lui verser la somme de 70 366,07 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de renseignements d'urbanisme erronés concernant la constructibilité du terrain cadastré section B n° 2594 qu'il a acquis, situé au lieu-dit " La Trinité ", avec intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement no 1601770 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plouha à verser à M. C... la somme de 58 974,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016, assortie de la capitalisation des intérêts à compter du 5 janvier 2017, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2019, la commune de Plouha, représentée par la société cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, la minute du jugement n'étant pas signée ;

- il est également irrégulier dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur les moyens de défense tirés de ce que le demandeur n'apportait pas la preuve de la réalité du préjudice invoqué et de ce que le comportement du demandeur justifiait d'exonérer la commune de son éventuelle responsabilité ;

- la prescription quadriennale s'oppose à l'indemnisation demandée ;

- la commune n'a pas commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité ; en effet, le terrain appartenant à M. C... est constructible en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

- l'évaluation des préjudices allégués faite par le tribunal est erronée ;

- le préjudice relatif aux droits de mutation ne présente pas de lien direct de causalité avec les fautes reprochées à la commune ;

- le comportement de M. C... justifie d'exonérer la commune de son éventuelle responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué pour condamner la commune de Plouha à lui verser la somme de 63 277,07 euros en réparation de son préjudice matériel et de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, soit une somme totale de 64 777,07 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016 et capitalisation des intérêts échus à compter du 5 janvier 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plouha une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;

- son préjudice doit être évalué à 64 777,07 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le plan d'occupation des sols de la commune de Plouha ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de Me E... représentant la commune de Plouha.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., déjà propriétaire des terrains cadastrés section B no 1142, supportant sa maison d'habitation, et no 2596, situés au lieu-dit La Trinité à Plouha, a acquis le 26 août 2004 le terrain voisin cadastré section B no 2594. Cette acquisition a été réalisée au vu d'un certificat d'urbanisme délivré, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, par arrêté du 13 août 2004 du maire de Plouha, indiquant qu'il était possible de construire une maison d'habitation sur ce terrain. La commune de Plouha relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à M. C... une somme de 58 974,10 euros, avec intérêts aux taux légal et capitalisation de ces intérêts, en raison des illégalités entachant ce certificat d'urbanisme concernant la constructibilité de son terrain. Par la voie de l'appel incident, M. C... demande la réformation du même jugement afin que la somme à laquelle la commune de Plouha a été condamnée soit portée à 64 777,07 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen soulevé dans son mémoire en défense par la commune de Plouha, tiré de ce qu'elle devait être exonérée de son éventuelle responsabilité du fait du comportement fautif de M. C.... Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité invoqué.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, applicable au certificat d'urbanisme délivré le 13 août 2004 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. "

5. En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

6. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme du 13 août 2004 : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, notamment pour les activités agricoles, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

8. Il résulte de l'instruction que le lieu-dit La Trinité, situé à 2,5 kilomètres du bourg de Plouha, dont il est séparé par des espaces naturels ou agricoles et des zones d'urbanisation diffuse, comprend une cinquantaine de constructions édifiées de part et d'autre de voies publiques formant un quadrilatère, bordé d'espaces boisés ou à usage agricole. Si la partie sud-est de ce quadrilatère, composé de quelques constructions séparées des autres par de vastes parcelles non construites, forme une zone d'urbanisation diffuse, il n'en va pas de même du croissant formé à l'ouest, au nord et au nord-est du lieu-dit par une quarantaine de construction densément implantées le long de la voie publique et pour certaines en retrait de celle-ci, qui constitue une zone urbanisée au sens des dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, désormais reprises à l'article L. 121-8 du même code. Par ailleurs, la parcelle cadastrée section B no 2594, acquise par M. C..., située à la pointe de ce croissant et entourée de constructions sur trois de ses côtés, se situe en continuité de la zone urbanisée et pouvait donc, de 2004 à ce jour, faire l'objet d'une extension de l'urbanisation sans méconnaître ces mêmes dispositions. Elle pouvait également être à bon droit classée en zone constructible par le plan d'occupation des sols de la commune de Plouha. Dès lors, le maire de Plouha n'a pas entaché son arrêté du 13 août 2004 d'illégalité en indiquant qu'il était possible de construire une maison d'habitation sur ce terrain et en mentionnant que ce terrain était classé en zone UC (constructible) du plan d'occupation des sols de la commune.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à engager la responsabilité de la commune de Plouha et que le dommage qu'il allègue, à savoir le caractère inconstructible de son terrain, n'est pas établi. Par conséquent, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Plouha.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plouha, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige soumis au juge.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Plouha au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : M. C... versera à la commune de Plouha une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Plouha.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juin 2020.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Popsé

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00197
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-05;19nt00197 ?
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