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02/04/2020 | FRANCE | N°19NT00097

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 avril 2020, 19NT00097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois assortie d'un sursis de trois mois ainsi que son exclusion du bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi.

Par un jugement n°1602062 du 8 novembre 2018 le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 21 avril 2016.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, le Centre hospitalier univers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 avril 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois assortie d'un sursis de trois mois ainsi que son exclusion du bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi.

Par un jugement n°1602062 du 8 novembre 2018 le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 21 avril 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, le Centre hospitalier universitaire de Brest, représenté par la Selarl Le Roy- Gourvennec- Prieur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé, les premiers juges s'étant abstenus d'indiquer quel niveau de sanction aurait été proportionné aux faits reprochés à Mme D... ;

- les faits reprochés à Mme D... sont établis ;

- la sanction infligée à Mme D... est proportionnée aux faits reprochés ;

- à supposer même que seuls les faits du mois d'août 2015 soient retenus, ils justifiaient à eux seuls la sanction infligée ;

- les autres moyens d'annulation soulevés par Mme D... en première instance tirés de l'irrégularité de la procédure devant le conseil de discipline et de l'insuffisante motivation de la décision contestée ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2019 Mme D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du CHU de Brest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'avait pas à se prononcer sur le niveau de sanction à envisager à son encontre mais seulement de trancher le point du caractère disproportionné ou non de la sanction qui lui a été infligée

- les moyens d'annulation soulevés par le CHU de Brest ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le CHU de Brest, et de Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., infirmière-anesthésiste affectée au service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) du CHU de Brest s'est vue infliger le 21 avril 2016 la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis. Le CHU de Brest relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes, à la demande de Mme D..., a annulé cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué n'est pas entaché de l'insuffisance de motivation alléguée du seul fait qu'il ne précise pas la sanction qui aurait dû être infligée à Mme D... pour que celle-ci soit proportionnée aux faits reprochés à cet agent.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Le directeur général du CHU de Brest a infligé à Mme E... la sanction du troisième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois avec sursis, en raison de faits qui se sont produits les 11 août 2015 et 24 janvier 2016.

4. En premier lieu, s'agissant des faits survenus le 24 janvier 2016 à l'occasion d'une opération de secours ayant nécessité le transport d'un accidenté de la circulation par hélicoptère, il est reproché à Mme D... de ne pas avoir participé à l'armement de l'hélicoptère, d'avoir remis en cause la stratégie d'intervention et les moyens y ayant été affectés, d'avoir débranché l'oxygénation du patient transporté sans en référer préalablement au médecin accompagnateur et d'avoir fait courir ainsi un risque à ce patient.

5. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, alors que le rapport du responsable de la structure interne est extrêmement peu circonstancié sur ce point, que

Mme D..., qui s'est limitée à poser des questions sur la capacité de l'hélicoptère, l'importance de l'accident faisant l'objet de l'intervention et la quantité des poches de sang à embarquer, se serait de la sorte opposée à l'intervention à venir ou en ait contesté les modalités, ni qu'elle ait réellement refusé de participer à l'armement de l'hélicoptère. S'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a effectivement débranché l'oxygénateur de l'hélicoptère sans en avoir expressément et préalablement référé à un médecin, ce geste n'a été accompli qu'une fois l'hélicoptère posé à proximité d'une ambulance où l'oxygénation du patient allait se poursuivre sans délai et sans risque particulier pour celui-ci, ce geste étant nécessaire pour pouvoir opérer le transfert hélicoptère-ambulance, et étant très habituellement pratiqué, dans des conditions identiques, par des infirmières-anesthésistes. Aucune faute ne peut ainsi être reprochée à Mme D... à l'occasion de l'intervention héliportée du 24 janvier 2016.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la prise en charge de patients victimes d'un grave accident de la route le 11 août 2015, Mme D... s'est montrée particulièrement critique quant aux choix thérapeutiques concernant la prise en charge d'une des victimes de cet accident, n'a pas mis en place une perfusion sanguine qui lui était demandée et a procédé au déplacement du brancard de cette patiente alors que son état justifiait son immobilisation, pour le rapprocher de celui où reposait son époux, dans une pièce voisine, et qui devait lui-même être dirigé rapidement vers le bloc opératoire.

7. En agissant de la sorte, Mme D... a délibérément pris une initiative non conforme aux consignes médicales reçues et s'est soustraite à celles-ci, tout en mettant en danger la santé des patients. Ces faits, dont l'intéressée ne conteste pas la matérialité, présentent un caractère fautif, d'autant plus qu'ils ont été commis dans un contexte d'urgences médicales qui nécessite un respect scrupuleux des consignes pour éviter toute désorganisation du service préjudiciable aux patients en situation d'urgence vitale.

8. Si ce manquement fautif de l'intéressée était de nature à justifier à le prononcé d'une sanction disciplinaire, la sanction de l'exclusion temporaire de fonction d'une durée de six mois, dont trois mois de sursis infligée pour ce seul motif, et alors que Mme D... n'avait auparavant jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire, présente, dans de telles conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Rennes, un caractère disproportionné.

9. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Brest n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 21 avril 2016 prise à l'encontre de Mme D....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au CHU de Brest la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Brest, au même titre, une somme de 1 500 euros au profit de Mme D....

D E C I D E :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Brest est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Brest versera une somme de 1 500 euros à Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Brest et à Mme F... D....

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme G..., présidente,

- M. A..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur

A. A...

La présidente

N. G... Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00097
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;19nt00097 ?
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