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02/04/2020 | FRANCE | N°18NT03428

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 avril 2020, 18NT03428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C..., veuve L..., M. H... L..., M. D... L..., Mme I... L... épouse G..., ses enfants, M. F... G..., son gendre, et ces deux derniers agissant également au nom de leur enfant mineur A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier (CH) du Mans à leur verser différentes indemnités, pour un montant global de 2 747 211,12 euros en réparation des préjudices subis à raison du décès de M. M... L..., qu'ils imputent au comportement fautif du CH.

Par un jugement

n°1509996 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C..., veuve L..., M. H... L..., M. D... L..., Mme I... L... épouse G..., ses enfants, M. F... G..., son gendre, et ces deux derniers agissant également au nom de leur enfant mineur A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier (CH) du Mans à leur verser différentes indemnités, pour un montant global de 2 747 211,12 euros en réparation des préjudices subis à raison du décès de M. M... L..., qu'ils imputent au comportement fautif du CH.

Par un jugement n°1509996 du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018 Mme C..., veuve L..., ses enfants et son gendre, ainsi que son petit-fils A..., représenté par ses parents, M. G... et

Mme I... L..., épouse G..., représentés par la SCP Nobilet-Lamballe, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2018 du tribunal administratif de Nantes;

2°) de condamner le centre hospitalier du Mans à leur verser, tous chefs de préjudices confondus, une indemnité globale de 2 747 211,12 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'erreur de diagnostic du médecin régulateur du SAMU constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

- cette erreur a fait perdre à M. L... une chance de survie et a contribué à l'aggravation du risque de décès qui peut être estimée à 85% ;

- ils sont fondés à obtenir réparation des différents préjudices consécutifs à la faute du centre hospitalier ;

- le décès prématuré de M. L... est à l'origine d'un préjudice économique, lié à la perte des revenus générés par son activité professionnelle, qui peut être fixée à un montant en capital de 2 660 542,12 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2019 le centre hospitalier du Mans, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, dès lors qu'il n'existe aucun élément permettant de rattacher de manière directe et certaine le décès de M. L... à la prise en charge de son appel du 2 août 2005 par le service du SAMU ;

- le diagnostic réalisé par le SAMU ne saurait être regardé comme directement à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de M. L... mais tout au plus d'une perte de chance de prise en charge ;

- une telle prise en charge n'aurait pu de manière certaine sauver M. L... compte tenu du temps écoulé entre la première manifestation de ses symptômes et l'heure à laquelle il a appelé le SAMU ;

- à supposer même qu'une perte de chance d'éviter le décès puisse être retenue, elle ne pourrait qu'être minime et ne saurait justifier les montants d'indemnisation réclamés, ce taux ne pouvant excéder 5% ;

- les prétentions indemnitaires des requérants ne sont pas fondées et, à supposer qu'elles le soient, les montants réclamés sont excessifs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me K..., représentant le centre hospitalier du Mans.

Considérant ce qui suit :

1. M. L..., né en 1950, a contacté le 2 août 2005 à 20h27 le service d'aide médicale urgente (SAMU) en raison de douleurs à l'estomac et au bras gauche. Le médecin régulateur du SAMU lui a alors conseillé de prendre des médicaments contre la douleur et les troubles digestifs et de reprendre contact si ses troubles persistaient. Le décès de

M. L... a été constaté le lendemain matin. Estimant que l'appel téléphonique de

M. L... n'avait pas été correctement pris en charge par le SAMU, les consorts L... ont saisi le centre hospitalier du Mans d'une demande préalable d'indemnisation que ce dernier a implicitement rejetée. Par un jugement du 11 juillet 2018 du tribunal administratif de Nantes la demande des consorts L... tendant à la condamnation du centre hospitalier du Mans à leur verser une somme de 2 747 211,21 euros en indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subi a été rejetée. Les consorts L... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conditions d'engagement de la responsabilité du centre hospitalier :

2. Aux termes de l'article R. 6311-2 du code de la santé publique : " (...) les services d'aide médicale urgente : /1° Assurent une écoute médicale permanente; / 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ( ...) ". Aux termes de l'article L. 1142-1 du même code : " 1. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif de Nantes, en n'interrogeant pas Jean-Pierre L... sur ses antécédents médicaux, sur ses facteurs de risque compte tenu de son hypercholestérolémie, sur un éventuel traitement en cours et en ne décelant pas l'éventualité d'une maladie coronarienne, le médecin régulateur du SAMU a commis une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier du Mans.

4. Il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier du rapport des experts désignés par le juge judicaire dans le cadre de l'instruction de la plainte déposée par les consorts L..., qu'un infarctus du myocarde apparait la cause la plus plausible du décès de M. L..., lequel a été à l'origine de fibrillations ventriculaires, qui entraînent en général un décès très rapide, de l'ordre de quelques minutes après l'apparition des troubles. L'examen d'anatomopathologie qui a été pratiqué n'a pas mis en évidence d'infarcissement du myocarde, ce qui constitue un élément supplémentaire en faveur d'un décès rapide. Enfin, ainsi que l'indiquent à deux reprises, dans leurs rapports des 10 janvier et 17 avril 2007, les experts qui sont intervenus dans le cadre de l'instance judiciaire engagée par les consorts L..., " il est impossible d'affirmer qu'une hospitalisation aurait pu empêcher son décès " et " rien ne permet de dire que des soins rapides auraient pu empêcher le décès ". L'heure du décès ne peut par ailleurs être établie avec certitude. Dans ces conditions, le lien de causalité direct entre le décès de M. L... et la prise en charge défectueuse par le SAMU de son appel téléphonique ne peut être regardé comme étant établi.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier du Mans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux consorts L... la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de même nature formées par le centre hospitalier du Mans.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... veuve L... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier du Mans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., veuve L...,

à M. H... L..., à M. D... L..., à Mme I... L..., épouse G..., à M. F... G... et au centre hospitalier du Mans.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme N..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

Le rapporteur

A. B...

La présidente

N. N... Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18NT03428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03428
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : NOBILET LAMBALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;18nt03428 ?
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