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02/04/2020 | FRANCE | N°18NT00863

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 avril 2020, 18NT00863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de coopération agricole (SCA) Château d'Augem a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer, en remboursement d'aides jugées incompatibles avec le droit de l'Union européenne, la somme de 25 902,69 euros résultant du titre exécutoire émis par l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 23 juin 2015.

Par un jugement n°1509020 du 28 décembre 2017 le tribunal administratif de Nantes a dé

chargé la SCA Château d'Augem de 1'obligation de payer la somme précitée.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de coopération agricole (SCA) Château d'Augem a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer, en remboursement d'aides jugées incompatibles avec le droit de l'Union européenne, la somme de 25 902,69 euros résultant du titre exécutoire émis par l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 23 juin 2015.

Par un jugement n°1509020 du 28 décembre 2017 le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SCA Château d'Augem de 1'obligation de payer la somme précitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 février et 26 mars 2018 et le

1er octobre 2019 FranceAgriMer, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCA Château d'Augem devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues ;

- FranceAgriMer étant en situation de compétence liée pour procéder à la récupération des aides d'Etat ordonnée par la Commission européenne, les moyens invoqués à l'encontre du titre de recettes litigieux sont inopérants ;

- le titre exécutoire du 23 juin 2015 est suffisamment motivé ;

- la compétence de la signataire de la décision contestée est établie ;

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure régulière, la procédure contradictoire a été respectée ;

- FranceAgriMer a calculé le montant d'aide à rembourser sur la base des éléments qui lui ont été fournis par la direction régionale de l'agriculture et de la forêt des Pays de la Loire et par l'ancien président de l'organisation professionnelle Arbo Deux Mil ;

- si la SCA soutient que la surface de son exploitation a diminué au cours de la période concernée, elle n'en a pas fait état au lors de la phase contradictoire ;

- la SCA n'établit pas par les pièces produites qu'elle n'a pas réalisé de vente à l'exportation entre 1998 et 2002 et qu'elle disposait d'une capacité de stockage suffisante ; au surplus, les aides de plans de campagne ont été versées à différentes fins, non exclusivement aux fins d'aides à l'export ou d'aide au stockage ;

- la circonstance que le versement d'une aide de plan de campagne ne figure pas dans le rapport du 21 septembre 2001 ne saurait constituer la preuve que la SCA n'a pas bénéficié d'une telle aide, laquelle pouvait prendre la forme de compléments d'aide indétectables sur la base des seuls éléments comptables ;

- statuant en tant que juge du plein contentieux, le tribunal ne pouvait décharger purement et simplement la SCA de toute obligation de reversement des aides perçues et aurait dû renvoyer à l'établissement public le soin de recalculer, le cas échéant, le montant du reversement.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2018 la société de coopération agricole (SCA) Château d'Augem, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et au versement, par FranceAgriMer, d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par FranceAgriMer ne sont pas fondés ;

- le jugement attaqué est régulier ;

- la phase préalable n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- elle n'a pas été bénéficiaire de l'aide de plan de campagne ;

- FranceAgriMer n'apporte aucun élément de preuve de ce qu'elle a été effectivement bénéficiaire des aides visées ;

- la seule circonstance qu'elle a été adhérente de l'organisation professionnelle Arbo Deux Mil ne suffit pas à établir qu'elle a effectivement perçu les aides visées ;

- par un courrier du 18 décembre 2013 elle a mis en demeure la direction régionale de l'agriculture et de la forêt de lui communiquer les déclarations d'activité lui ayant permis de calculer le montant des aides, les données nouvelles transmises par l'organisation professionnelle, la méthode de répartition entre les adhérents, les dates de versement des aides ; la DRAF n'a pas répondu à cette demande ;

- durant la période litigieuse elle a eu une activité progressivement décroissante et a procédé à l'arrachage de ses plantations ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 123-22 du code de commerce, prévoyant un délai de conservation des documents comptables pendant dix ans, elle a procédé la destruction des archives concernant la période 1998-2002 ; néanmoins elle démontre qu'elle disposait d'une capacité de stockage de 350 tonnes en froid normal et de 200 tonnes en atmosphère contrôlée ; ses débouchés principaux étant constitués d'hypermarchés locaux, de magasins locaux, de collectivités et de grossistes, elle n'avait pas vocation à recevoir des aides pour l'export ou la commercialisation de ses produits ;

-l'assiette de calcul du montant de l'aide litigieuse, en ce qu'elle repose sur une surface de son exploitation erronée et ne respecte pas les règles de calcul dégagées par la Commission européenne, est mal fondée ;

- elle est fondée à exciper de l'existence de circonstances exceptionnelles faisant obstacle à la récupération des aides ; l'acte contesté méconnait les principes communautaires de confiance légitime et de sécurité juridique en ce que les services de l'Etat n'ont jamais alerté les bénéficiaires des aides du risque inhérent à la perception des aides nationales et qu'elle était légitimement en droit de penser que les aides dispensées étaient compatibles avec les règles du marché commun ;

- la décision contestée a été prise par une personne qui ne disposait ni de la compétence matérielle ni temporelle ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors qu'elle fait uniquement référence à une fiche liquidative exposant des montants dont la détermination n'est pas expliquée ;

- les intérêts exigés ne peuvent lui être imputés en ce qu'ils découlent de la propre carence de l'Etat à recouvrer ses créances et portent une atteinte injustifiée à son droit de propriété protégé par les stipulations du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le règlement (CEE) n° 1035/72 du 18 mai 1972 ;

- le règlement (CE) n° 220/96 du 28 octobre 1996 ;

- le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 ;

- la décision n° 2009/402/CE de la Commission européenne du 28 janvier 2009 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012 dans les affaires T-139/09, France/Commission et T-243/09, Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 février 2015, Commission/France (C-37/14) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant FranceAgriMer et celles de Me C... représentant la SCA Château d'Augem.

Considérant ce qui suit :

1. L'office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel vient l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), a mis en place, entre 1998 et 2002, un régime d'aides, dénommé " plans de campagne ", destiné à soutenir le marché national de fruits et légumes, sous la forme d'une aide financière à chaque campagne concernée, afin de prendre en compte les difficultés que traversaient certaines filières en raison d'une forte pression concurrentielle de la part des industries de transformation italiennes et espagnoles et des produits bruts importés des pays de l'Est. En l'espèce, les aides versées par l'ONIFLHOR transitaient par le comité économique du Val de Loire et étaient versées à l'organisation professionnelle de producteurs Arbo Deux Mil, dissoute en 2008, dont la société coopérative agricole (SCA) Château d'Augem était membre. Saisie d'une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les " plans de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, déclaré que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l'écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d'Etat instituées en méconnaissance du droit de l'Union européenne et a prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par trois décisions du Tribunal de l'Union européenne, devenues définitives, du 27 septembre 2012, France/Commission (T-139/09), Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission (T-243/09) et Producteurs de légumes de France/Commission (T-328/09). A la suite de ces décisions, l'administration française a entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs de fruits et légumes.

2. Pour l'exécution des obligations incombant ainsi aux autorités françaises, FranceAgriMer a en particulier émis le 23 juin 2015, à l'encontre de la SCA Château d'Augem un titre de recettes d'un montant de 25 902,69 euros correspondant aux aides dont elle aurait bénéficié au titre des années 1998 à 2002, assorties des intérêts. Par un jugement du

28 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SCA Château d'Augem de 1'obligation de payer cette somme. L'établissement FranceAgriMer relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour ce motif doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Selon le point 48 de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne : " Cependant il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l'initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles. ". Aux termes du point 49 de cette décision : " Aussi, il ne peut être exclu, dans certains cas exceptionnels, que le bénéfice de l'aide n'ait pas été transféré par l'organisation de producteurs à ses membres, de sorte que, dans ces cas très particuliers, le bénéficiaire final de l'aide sera l'organisation de producteurs ". Aux termes de son point 84 : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière ". Aux termes du point 84 de cette même décision : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière. ". En vertu du point 85 de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 12 février 2015 Commission/France (C-37/14) : " De surcroît, il ressort des propres écritures de la République française ainsi que des documents fournis par celle-ci que la récupération, lorsqu'elle a eu lieu, ne constitue pas nécessairement une exécution correcte de la décision 2009/402. En effet, alors que celle-ci oblige à récupérer les aides en cause auprès des producteurs individuels, sauf dans le cas exceptionnel où l'aide ne leur a pas été transférée par leur organisations de producteurs (OP), il apparaît que les autorités françaises ont, tout au contraire, procédé à la récupération desdites aides, pour un montant d'environ 120 millions d'euros, auprès des OP avec transfert de propriété, sans chercher à démontrer que ces OP auraient répercuté cette récupération sur les producteurs individuels ou, alternativement, que l'aide n'aurait pas, exceptionnellement, été transférée à ces derniers ".

6. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'administration de récupérer les aides auprès des producteurs membres d'une organisation de producteurs à moins qu'elle ne démontre que ces aides ne leur ont pas été transférées par celle-ci.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 29 mars 2013, la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAF) des Pays de la Loire a demandé à l'organisation professionnelle de producteurs Arbo Deux Mil de lui communiquer l'identité des membres auxquels elle avait reversé l'aide aux plans de campagne au titre des années 1998 à 2002, ainsi que les montants reçus par chacun d'entre eux. Cette organisation de producteurs a, dans un courrier du 30 septembre 2013, attesté qu'elle avait reversé les aides " plans de campagne " à ses adhérents, au nombre desquels figurait la SCA Château d'Augem. Pour contester le bien-fondé du titre de recettes mis à sa charge, la SCA a fait valoir devant les premiers juges que, disposant d'une capacité de stockage supérieure aux besoins générés par son activité et destinant l'essentiel de sa production de pommes et de poires au marché intérieur et non à l'exportation, elle n'avait pas bénéficié des aides d'Etat illégales. Toutefois, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, et alors que le bénéfice de ce dispositif n'était pas circonscrit aux aides à l'exportation et au stockage mais concernait également les ventes sur le marché intérieur voire local, les arguments ainsi avancés par la SCA Château d'Augem n'étaient pas suffisants pour inverser la présomption de versement de l'aide à ce producteur telle qu'elle est prévue par les dispositions rappelées au point 5 et telle qu'elle résultait en l'espèce de l'attestation émise par l'organisation de producteurs. Dans ces conditions, l'administration était tenue de récupérer les aides en cause auprès de la SCA Château d'Augem, membre de l'organisation professionnelle de producteurs Arbo Deux Mil durant les années litigieuses.

8. En second lieu, la SCA Château d'Augem a également contesté la base de liquidation retenue par FranceAgriMer, fondée sur une surface globale d'exploitation de vergers de pommes et de poires de 23ha04a en soutenant d'une part que la superficie de vergers exploitée par elle était moindre et d'autre part que le montant de l'aide à reverser ne pouvait être fondé sur la seule superficie exploitée mais devait être calculé selon la méthode prévue par la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009. A cet égard, la SCA a produit le résultat d'un audit réalisé par ONIFLOHR en 1999 mentionnant une superficie de vergers de 19ha59a, un justificatif de son inscription le 16 décembre 1999 au registre destiné à recenser les exploitations agricoles ayant été touchées par une calamité agricole dénommée " feu bactérien " mentionnant les surfaces de vergers impactées ainsi que les extraits des registres du comité économique agricole fruits et légumes (CEAFL) du bassin Val de Loire mentionnant des surfaces de vergers de pommes de 14ha09a en 2002 et 12ha46a en 2003. Ces pièces, eu égard à leur teneur et aux périodes auxquelles elles se rapportent, ne permettent toutefois pas de remettre en cause les surfaces de vergers de pommes et de poires retenues par FranceAgriMer pour servir de base de calcul au montant à reverser. Par ailleurs, à défaut pour la requérante d'être en mesure d'apporter des éléments comptables, qu'elle seule est à même de fournir, FranceAgriMer était en droit, ainsi qu'il l'a fait, de répartir les sommes à rembourser au prorata des surfaces exploitées par chacun des membres de l'organisation professionnelle de producteurs Arbo Deux Mil tel qu'il en avait connaissance pour les années concernées. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a déchargé la SCA Château d'Augem de l'obligation de reverser la somme de 25 902,69 euros au motif que les bases de liquidation retenues n'étaient pas exactes.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCA Château d'Augem tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

10. En application des dispositions de l'article D. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, le directeur général de FranceAgriMer, ordonnateur principal des recettes et des dépenses de l'établissement, peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Le titre de recettes ainsi que son bordereau de notification ont été signés par Mme D... E.... Par décision du 26 février 2015, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le directeur général de FranceAgriMer avait donné délégation à l'intéressée, adjointe au chef d'unité " aides aux exploitations et expérimentation ", afin de signer les actes relevant des attributions de cette unité. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de motivation du titre de recettes :

11. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ".

12. Si, pour soutenir que le titre de recettes du 23 juin 2015 est insuffisamment motivé, la SCA Château d'Augem se prévaut des lois du 11 juillet 1979 et du 12 avril 2000, ces textes ne s'appliquent pas au titre de recettes contesté, lequel relève de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 précité. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le titre de recettes litigieux, qui se réfère aux aides versées à la SCA au titre des " aides plans de campagne jugées incompatibles avec le droit communautaire ", est accompagné, d'une part d'une fiche liquidative visant la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009 et ventilant le montant réclamé entre les sommes dues au titre des aides publiques et celles dues au titre des parts professionnelles et au titre des cotisations versées dont le redevable avait demandé le remboursement, ainsi que d'une annexe à cette fiche comportant, pour chacune des années concernées, un premier tableau ventilant les montants dus, en distinguant le principal des intérêts produits depuis leur versement, ainsi qu'un second tableau détaillant, pour le principal de chaque année, les intérêts dus année après année, en fonction du taux d'intérêt en vigueur lors de chacune de ces années. Il est accompagné d'un courrier exposant les motifs de fait et de droit du remboursement exigé par FranceAgriMer et faisant en outre référence au dialogue personnalisé entre l'exploitant et la direction départementale des territoires. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le titre de recettes comporte les bases et les modalités de calcul de la créance, conformément aux dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012.

En ce qui concerne le respect de la procédure contradictoire :

13. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 décembre 2013, la direction régionale de l'agriculture et de la forêt des Pays de la Loire a engagé une procédure contradictoire en informant la SCA du montant susceptible d'être mis à sa charge et en l'invitant à présenter ses observations dans un délai de dix jours afin de procéder à une éventuelle révision du montant à rembourser. Ce producteur a répondu au courrier de l'administration par une lettre du 18 décembre 2013 dans laquelle il contestait avoir bénéficié de l'aide de " plan de campagne ". Par ailleurs la SCA a été invitée par un courrier du 13 décembre 2013 à une réunion d'information relative au recouvrement des aides " plans de campagne " destinée spécifiquement aux anciens adhérents de l'organisation professionnelle Arbo Deux Mil et ayant lieu le 20 décembre 2013. La SCA a également bénéficié d'un entretien individualisé dans les locaux de la DRAF le 7 janvier 2014, au cours duquel elle a pu présenter des observations. Dans ces conditions le moyen tiré de ce que la procédure mise en oeuvre n'a pas respecté le principe du contradictoire ne saurait être accueilli.

En ce qui concerne le respect du principe de confiance légitime et de sécurité juridique :

14. Les entreprises bénéficiaires d'une aide publique ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu'une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, elle est illégale en vertu de l'article 88 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et le bénéficiaire de l'aide ne peut avoir une confiance légitime dans la régularité de l'octroi de celle-ci. La SCA, qui se borne à relever que les services de l'Etat n'ont jamais alerté les bénéficiaires des aides du risque inhérent à la perception des aides nationales et qu'elle-même n'était pas en mesure de mener une analyse juridique approfondie de la compatibilité des aides, ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle qui lui aurait permis de fonder une confiance légitime dans le caractère régulier de l'aide en litige. Elle n'est pas non plus fondée à invoquer le principe de sécurité juridique dès lors que le risque que l'aide soit déclarée incompatible avec le droit communautaire était prévisible dès sa mise à exécution.

En ce qui concerne les intérêts :

15. Il résulte des dispositions rappelées au point 5 du présent arrêt que la récupération de l'aide a pour objectif de rétablir l'équilibre économique qui prévalait avant son octroi. Le rétablissement de la situation antérieure au versement de l'aide suppose que sa restitution soit accompagnée du recouvrement d'intérêts n'ayant pas le caractère d'une sanction, calculés à compter de la date à laquelle l'aide a été perçue, afin que l'entreprise bénéficiaire ou son ayant droit ne puisse conserver un avantage assimilable à un prêt sans intérêts ou à une aide au stockage. Eu égard au montant des aides versées, au processus complexe de détermination des quotas d'aide récupérables auprès de chaque organisation de producteurs, la SCA n'établit pas par ses seules allégations que le montant des intérêts réclamés aurait pour origine une carence de l'Etat dans l'organisation de la récupération des aides litigieuses. Dès lors, la SCA Château d'Augem n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception en litige porte une atteinte à son droit au respect de ses biens énoncé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SCA Château d'Augem de 1'obligation de payer la somme de 25 902,69 euros.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCA Château d'Augem au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de la SCA Château d'Augem la somme demandée par FranceAgriMer au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1509020 du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCA Château d'Augem devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions présentées par elle devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à FranceAgriMer et à la SCA Château d'Augem.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.

La rapporteure

N. F...

Le président

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT00863 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00863
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP GOUTAL ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-04-02;18nt00863 ?
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