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31/03/2020 | FRANCE | N°19NT02447

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 31 mars 2020, 19NT02447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Loiret a ordonné son transfert aux autorités espagnoles, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901652 du 20 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, Mme C..., représentée par Me B.

.., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2019 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Loiret a ordonné son transfert aux autorités espagnoles, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901652 du 20 mai 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 par lequel le préfet du Loiret a ordonné son transfert aux autorités espagnoles, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- le préfet a méconnu l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne décidant pas d'examiner sa demande d'asile dès lors qu'elle réside avec son compagnon titulaire d'un titre de séjour régulier, exerçant une activité de technicien de maintenance dépannage et plomberie itinérant et qu'elle est enceinte ;

- chacun a le droit de mener dans tel ou tel pays la vie privée qu'il désire suivre en s'y intégrant au maximum ;

- la décision de transfert méconnait pour les mêmes raisons le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle n'est pas justifiée dès lors qu'elle apporte des garanties de stabilité qui démontrent qu'elle n'a nullement l'intention de fuir ;

- en raison de son état de grossesse et des difficultés qu'elle rencontre de ce fait, elle ne peut exécuter les prescriptions prévues par l'assignation ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 aout 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu la lettre du 6 décembre 2019 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Mme C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la réponse au moyen d'ordre public produite par le préfet, enregistrée le 19 décembre 2019, informant la cour de la prolongation du délai de transfert de Mme C... pour cause de fuite de l'intéressée.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante guinéenne, a déclaré être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 11 novembre 2018. Elle a déposé le 12 décembre 2018 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que la requérante avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole le 21 octobre 2018. Les autorités espagnoles ont, dès lors, été saisies le 24 janvier 2019 d'une demande de prise en charge de la requérante sur le fondement des dispositions du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités espagnoles ont donné, le 24 mars 2019, leur accord implicite à la prise en charge de l'intéressée. Par un arrêté du 9 mai 2019, le préfet du Loiret a décidé de transférer la requérante aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet du Loiret a assigné à résidence Mme C... pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable trois fois. Par sa requête, Mme C... relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 9 mai 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. Si la requérante fait valoir qu'elle vit avec son concubin qui séjourne régulièrement en France et qu'ensemble, ils vont avoir un enfant, eu égard au caractère très récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure de transfert a été prise. Contrairement à ce qui est allégué par Mme C..., l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait lui conférer " le droit de mener dans tel ou tel pays la vie privée qu'elle désire suivre en s'y intégrant au maximum ".

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. L'état de grossesse de l'intéressée, attesté par un certificat médical du 13 mai 2019, n'est pas, en lui-même, de nature à faire obstacle à son transfert vers l'Espagne, dès lors que Mme C... ne se prévaut d'aucun problème de santé particulier inhérent à sa grossesse qui s'opposerait à son transfert. Dans ces conditions, le préfet du Loiret, en s'abstenant de mettre en oeuvre la possibilité que la France examine sa demande d'asile, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'Etat membre responsable. ".

7. Le moyen tiré de ce que le préfet du Loiret aurait méconnu les dispositions citées sera rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncées précédemment, dès lors que Mme C... se fonde sur les mêmes éléments pour contester la légalité de l'arrêté de transfert.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

8. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".

9. En premier lieu, il est constant qu'à la date de la mesure d'assignation en cause, Mme C... faisait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que son éloignement demeurait une perspective raisonnable. Par suite, les circonstances que la requérante disposerait d'une adresse au domicile de son compagnon et qu'elle n'aurait pas l'intention de fuir sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

10. En second lieu, Mme C... ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles en raison de son état de grossesse et des difficultés qu'elle rencontre, elle ne pourrait exécuter les prescriptions prévues par l'assignation en cause, à savoir se présenter les mardi et jeudi à 08H30 (hors jours fériés) à la brigade mobile de recherche d'Orléans munie de ses bagages et effets personnels. La requérante n'apporte pas davantage d'éléments pour établir que le préfet du Loiret, en décidant son assignation à résidence, aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 31 mars 2020.

Le président,

H. LENOIR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT02447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02447
Date de la décision : 31/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CARROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-31;19nt02447 ?
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