Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sade a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux à lui verser, d'une part, la somme provisionnelle de 473 436,68 euros HT, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts moratoires à compter du 18 mars 2019 et de la capitalisation des intérêts, en paiement du solde du marché public de travaux de réhabilitation du réseau d'assainissement des eaux usées d'Ezy-sur-Eure notifié le 28 novembre 2016 et, d'autre part, la somme de 40 euros au titre de l'indemnité de recouvrement.
Par une ordonnance n° 1901227 du 9 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a condamné la communauté d'agglomération du Pays de Dreux à verser à la société Sade, à titre de provision, d'une part, la somme de 473 436,68 euros TTC assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 18 mars 2019 et, d'autre part, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 et 28 août 2019, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 9 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) de mettre à la charge de la société Sade la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est au terme d'une erreur de droit en se fondant sur l'existence d'un décompte général et définitif tacite qui n'existait pas que le juge des référés a fait droit à la demande de la société Sade ; le décompte notifié par la société Sade n'était pas conforme aux stipulations de l'article 13.4.4 du CCAG-Travaux et il avait été rejeté par la communauté d'agglomération ;
- en l'absence de décompte général et définitif tacite la créance de la société Sage ne peut être regardée comme non sérieusement contestable, dès lors que les préjudices dont elle se prévaut ne sont pas établis et ne sont pas imputables à la communauté d'agglomération mais à ses propres fautes dans l'exécution du marché tenant à une mauvaise réalisation des opérations préparatoires et au non-respect du cahier des clauses techniques particulières.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, la société Sade, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Sade une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la communauté d'agglomération du Pays de Dreux ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la communauté d'agglomération du Pays de Dreux.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché n° 2016/45 notifié le 28 novembre 2016, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux a confié à la société Sade la réalisation des travaux de réhabilitation du réseau d'assainissement des eaux usées sur le territoire de la commune d'Ezy-sur-Eure pour un montant de 772 846,27 euros TTC. La réception de ces travaux a été prononcée le 26 septembre 2018 avec effet au 15 février 2018. La société Sade a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la communauté d'agglomération du Pays de Dreux à lui payer la somme provisionnelle de 473 436,68 euros HT, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts moratoires à compter du 18 mars 2019 et de la capitalisation des intérêts, en paiement du solde du marché ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Par une ordonnance du 9 août 2019 le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a fait droit aux demandes de la société Sade à hauteur de la somme de 473 436,68 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 18 mars 2019, et de la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Par la présente requête, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux demande l'annulation de cette ordonnance.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
2. Selon l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. Aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux), dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 applicable au présent litige : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après:/ - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (...) ". Aux termes de l'article 13.4.3 du même CCAG : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au pouvoir adjudicateur constitue le départ du délai de paiement. / Ce décompte lie définitivement les parties (...) ". Et aux termes de l'article 13.4.4 du même document : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive (...). / Si, dans [un] délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif (...). ".
4. Il résulte de l'instruction qu'après réception des travaux qui lui avaient été confiés, prononcée le 26 septembre 2018 avec effet au 15 février 2018, la société Sade a notifié son projet de décompte final d'un montant total de 1 182 880,53 euros TTC, incluant la somme en litige, valant demande de paiement et accompagné d'un mémoire en réclamation, le 26 octobre 2018 à la société Sogeti ingénierie, maître d'oeuvre, puis le 19 novembre suivant à la communauté d'agglomération du Pays de Dreux. Cette dernière n'ayant pas notifié le décompte général attendu à la société Sade à l'expiration des délais prévus à l'article 13.4.2 du CCAG précité, la société a notifié le 6 février 2019 un projet de décompte général en application de l'article 13.4.4 précité, reçu le 7 février 2019 par la communauté d'agglomération, avec copie au maître d'oeuvre. Ainsi un décompte général et définitif existait à compter du 18 février 2019 en application de ces mêmes stipulations, dès lors que le pouvoir adjudicateur n'a pas adressé son décompte général à la société Sade dans le délai de dix jours prévu par l'article 13.4.4, alors même que la communauté d'agglomération a manifesté son opposition au projet de décompte final et au mémoire de réclamation qui l'accompagnait, par un courrier du 6 février 2019 antérieur à la notification du projet de décompte général de l'entreprise titulaire du marché, et par un courrier du 19 février 2019, postérieur à l'expiration du délai de dix jours. La circonstance que l'envoi de la société Sade reçu par la communauté d'agglomération le 7 février 2019, explicitement présenté comme un " projet de décompte général ", comportait le même contenu que le projet de décompte final antérieurement envoyé n'a pu empêcher l'intervention tacite du décompte général et définitif mentionné ci-dessus dès lors que ce document comportait l'ensemble des éléments nécessaires à la constitution d'un tel décompte, à savoir le projet de décompte final, la récapitulation des acomptes et l'état du solde.
5. Il résulte de l'instruction que le solde du décompte général et définitif qui s'est formé dans les conditions décrites ci-dessus s'élevait à 473 436,68 euros TTC. Par suite, la communauté d'agglomération du Pays de Dreux ne conteste pas utilement le montant de la provision sollicitée par la société Sade.
6. Enfin, si la société Sade demande que la communauté d'agglomération du Pays de Dreux soit condamnée à lui verser, à titre de provision, une somme de 473 436,68 euros HT, et non la somme de 473 436,68 euros TTC qui a été retenue par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, elle n'assortit cette demande, dont comme il a été dit précédemment le bien-fondé ne résulte pas de l'instruction, d'aucun moyen.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du Pays de Dreux n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance contestée.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la communauté d'agglomération du Pays de Dreux. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sade.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du Pays de Dreux est rejetée.
Article 2 : La communauté d'agglomération du Pays de Dreux versera à la société Sade la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays de Dreux et à la société Sade.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 30 mars 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03454