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13/03/2020 | FRANCE | N°18NT00913

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 mars 2020, 18NT00913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C..., Mme E... C... et leur assureur, la société MAIF, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Aignan et son assureur, la société GAN assurances, à réparer les préjudices subis à la suite de l'effondrement de la voie communale sur leur propriété les 23 et 25 décembre 2013.

Par un jugement n°1600995 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande et mis à leur charge solidaire les frais d'expertise liquidés et ta

xés à la somme de 3 582,98 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C..., Mme E... C... et leur assureur, la société MAIF, ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Saint-Aignan et son assureur, la société GAN assurances, à réparer les préjudices subis à la suite de l'effondrement de la voie communale sur leur propriété les 23 et 25 décembre 2013.

Par un jugement n°1600995 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande et mis à leur charge solidaire les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 582,98 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er mars, 13 août et 19 novembre 2018 les époux C... et la société MAIF, représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la commune de Saint-Aignan et la société GAN Assurances solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la société MAIF la somme de 25 190,80 euros et à M. et Mme C... la somme de 649,84 euros, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux d'intérêt légal à compter de l'enregistrement de la requête de première instance et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Aignan et de la société GAN Assurances solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, les dépens de l'instance, comprenant notamment les frais d'expertise, ainsi que la somme globale de 11 407,53 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée à raison de l'effondrement de la voie communale dans l'étang de la propriété les 23 et 25 décembre 2013 ;

- les précipitations qui se sont produites à ces dates ne caractérisent pas un cas de force majeure de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité ;

- la responsabilité pour faute de la commune est engagée en raison du défaut d'aménagement normal de l'ouvrage hydraulique situé sous la voie communale n° 5, qui n'a pas été conçu pour assurer la stabilité de la voie en cas de survenance d'événements climatiques rares mais prévisibles et en raison du sous-dimensionnement de la buse ;

- le préjudice total s'élève à 25 840,64 euros, dont 25 190,80 euros pris en charge par la société MAIF et 649,84 euros à la charge de M. et Mme C....

Par un mémoire enregistré le 13 avril 2018 le ministre de l'intérieur indique qu'il n'entend pas produire d'observations.

Par des mémoires enregistrés les 15 juin 2018, 30 août 2018 et 4 février 2019, la commune de Saint-Aignan et son assureur, la société GAN Assurances, représentés par Me D..., concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de l'Etat (préfet du Morbihan et direction départementale des territoires et de la mer) à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;

3°) à ce que soit mis à la charge des époux C... et de la société MAIF le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il appartiendrait à l'Etat de les garantir car la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), chargée de mettre en oeuvre les politiques de prévention des risques naturels, n'a jamais classé l'ouvrage de voirie comme formant barrage au ru de Corboulo.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme C... et la société MAIF.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... sont propriétaires d'un terrain boisé de 15 hectares au lieu-dit Le bas Lann Meur à Saint-Aignan (Morbihan). Leur propriété est traversée par le ruisseau du Corboulo et bordée à l'Est par la voie communale n°5 reliant Saint-Aignan à Sainte-Brigitte. Au cours de la tempête Dirk qui a touché l'Ouest de la France les 23 et 24 décembre 2013, la voie communale n°5 s'est effondrée sur leur terrain. Les matériaux de remblai de la chaussée ainsi que l'eau retenue plus haut se sont déversés dans l'un des étangs de la propriété de

M. et Mme C..., causant d'importants dégâts. Ces derniers n'ayant pu trouver d'accord amiable avec la commune et la société GAN, l'assureur de la collectivité, quant à l'indemnisation du préjudice subi, ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce qu'un expert soit désigné ayant notamment pour mission de rechercher les causes des dommages survenus en décembre 2013 et de chiffrer les travaux de réparation. L'expert désigné par une ordonnance du 13 mai 2015 a remis son rapport le

10 décembre 2015. M. et Mme C... et la société MAIF ont alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Saint-Aignan et de la société GAN Assurances à leur verser respectivement les sommes de 649,84 euros et 25 190,80 euros en réparation des dommages causés par l'effondrement de la voie communale n° 5 sur leur terrain. Par un jugement du 29 décembre 2017, cette juridiction a rejeté la demande de M. et Mme C... et de leur assureur et a mis les frais d'expertise à leur charge. Ces derniers relèvent appel de ce jugement tandis que la commune de

Saint-Aignan et la société GAN demandent à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à être garanties par l'Etat des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Sur la responsabilité de la commune de Saint-Aignan :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, qui s'est appuyé sur les relevés météorologiques précis fournis par Météo France, que des précipitations particulièrement importantes se sont abattues sur la Bretagne en décembre 2013, atteignant des niveaux records avec un cumulé de pluie de 198,9 millimètres en un mois, ce qui constitue le mois de décembre le plus pluvieux depuis que Météo France fournit des relevés quotidiens. Ces pluies ont atteint un niveau exceptionnel les 21 et 23 décembre au moment du passage de la tempête Dirk sur la région Bretagne. Ainsi à Pontivy, situé à 14 kilomètres de la commune de Saint-Aignan et qui bénéficie du même régime climatique, la pluviométrie a atteint 77,9 millimètres au cours de la seule journée du 23 décembre 2013. La conjonction exceptionnelle de ces différents événements climatiques, leur intensité et leur occurrence rapprochée ont présenté un caractère imprévisible et irrésistible caractérisant un cas de force majeure. Dès lors, la responsabilité de la commune de Saint-Aignan et de la société GAN Assurances, son assureur, ne peut être retenue que pour autant que les conséquences dommageables de cet événement ont été aggravées par l'ouvrage public concerné.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'ouvrage hydraulique existant sous la voie communale n°5 permettait de laisser passer 0,59 mètres cube d'eau par seconde alors qu'il s'en est déversé 9 mètres cube par seconde le

23 décembre 2013 au moment du passage de la tempête Dirk. Si le dimensionnement de la canalisation n'a pas permis aux eaux exceptionnellement abondantes accumulées à cette date de s'écouler, il n'est toutefois pas contesté que l'ouvrage hydraulique tel qu'il avait été conçu a toujours rempli sa fonction, quelles qu'aient pu être les conditions météorologiques, et qu'aucun dysfonctionnement n'a été relevé depuis sa réalisation en 1923. Par suite, il ne peut être fait grief à la commune de ne pas avoir mis en place une canalisation apte à absorber un volume d'eau dix-huit fois supérieur à celui dont elle avait normalement permis l'écoulement depuis presqu'un siècle. Il n'est par ailleurs pas établi que la commune n'aurait pas correctement entretenu l'ouvrage incriminé. Dans ces conditions, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, il n'y a pas lieu de retenir une part de responsabilité de la commune de Saint-Aignan à raison d'une aggravation des dommages causée par l'ouvrage dont elle est propriétaire.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

6. Ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Rennes, les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du juge des référés du 25 avril 2016 à la somme de

3 582,98 euros, doivent être laissés à la charge solidaire de M. et Mme C... et de la société MAIF.

7. Il ne résulte pas de l'instruction que les frais de constat d'huissier engagés par les requérants pour un montant de 968,13 euros ont été utiles à la solution du litige. Dans ces conditions, les conclusions de M. et Mme C... tendant à ce que la commune de

Saint-Aignan et son assureur soient condamnés à leur verser cette somme doivent, en tout état de cause, être rejetées.

8. M. et Mme C..., qui étaient les parties perdantes en première instance, ne peuvent, en tout état de cause, solliciter le versement à leur profit d'une somme au titre des frais exposés par eux devant le tribunal administratif.

9. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Saint-Aignan et de son assureur en appel. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune de Saint-Aignan et de la société GAN Assurances présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... et de la société MAIF est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 25 avril 2016 à la somme de 3 582,98 euros, sont laissés à la charge solidaire de M. et Mme C... et de la société MAIF.

Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par la commune de Saint-Aignan et la société GAN Assurances au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C..., à la société MAIF, à la commune de Saint-Aignan, à la société GAN Assurances et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie du présent arrêt sera transmise pour information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme G..., présidente-assesseure,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 mars 2020.

La rapporteure

N. G... Le président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°18NT00913 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00913
Date de la décision : 13/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP ARES BOIS COLLET LEDERF-DANIEL LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-13;18nt00913 ?
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