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10/03/2020 | FRANCE | N°19NT04147

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 mars 2020, 19NT04147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1909147 du 9 septembre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enreg

istrés les 24 octobre 2019 et 3 janvier 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1909147 du 9 septembre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 octobre 2019 et 3 janvier 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 septembre 2019 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 8 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de reconnaître l'Etat français responsable de l'examen de sa demande d'asile et de lui remettre un formulaire et une attestation de demandeur d'asile dans le délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas procédé à un examen des moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés et du défaut d'examen préalable de sa situation et n'a pas répondu au moyen tiré du fait qu'il n'aurait pas reçu les informations prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 en temps utile ; le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'alinéa 4 de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'est pas établi que l'arrêté portant transfert aurait été signé par une autorité compétente ; il n'est pas démontré que le préfet et la directrice de l'immigration et des relations avec les usagers étaient absents ou empêchés le jour de la signature de cette décision ; l'administration n'apporte pas la preuve de la nomination de la signataire de l'acte en cause en qualité de cheffe du pôle régional Dublin ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors que certaines pièces communiquées par la préfecture n'ont pas été traduites ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'information prévue à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ne lui a pas été remise en temps utile ;

- il n'est pas établi qu'il ait été reçu à l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 par une personne ayant reçu la formation spécifique ainsi que le prévoit le 3ème alinéa de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfecture aurait dû avoir recours à un interprète en langue azérie car s'il a déclaré comprendre le turc il n'est pas à l'aise dans cette langue ; l'administration n'a pas démontré qu'il avait été informé de la possibilité de bénéficier d'un examen de santé gratuit ainsi que le prévoit l'alinéa 4 de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la confidentialité de l'entretien n'est pas établie ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des craintes d'éloignement vers son pays qu'il peut avoir ;

- il a été privé du droit au procès équitable ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- cet arrêté, qui ne justifie pas le choix de la fréquence du pointage, est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il indique que M. D... a été transféré en Allemagne le 17 octobre 2019 et soutient que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant azerbaïdjanais, relève appel du jugement du 9 septembre 2019 par lequel la magistrat désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, si M. D... soutient que la magistrat désignée du tribunal administratif de Nantes a omis de viser et de répondre au moyen tiré de la violation de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que ce moyen n'avait pas été soulevé en première instance. En revanche, le tribunal s'est prononcé sur les moyens tirés du défaut de motivation des arrêtés contestés et du défaut d'examen préalable de sa situation personnelle. Par ailleurs, en indiquant que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires (...) lui ont été remis préalablement au recueil de sa demande ", le magistrat désigné a répondu de manière suffisante au moyen tiré de ce que l'intéressé aurait reçu tardivement l'information prévue à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut de réponse sur ces moyens.

3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le préfet a produit devant le tribunal administratif les pièces n° 6 bis et 7 correspondant à l'accusé de réception de la saisine des autorités allemandes par le préfet de Maine-et-Loire le 26 juin 2019 et à l'accord de ces mêmes autorités donné le 3 juillet 2019. Si ces documents émanant de l'application " Dublinet " sont rédigés en anglais et en allemands, cette circonstance n'a privé M. D... d'aucune garantie dès lors que l'arrêté litigieux permet de comprendre aisément les mentions de ces pièces. Par ailleurs, si le préfet a produit en pièce n° 13 un extrait d'un rapport " Euro Health Consumer Index 2017 " rédigé en anglais, ce document comporte un graphique comparant les systèmes de santé européens parfaitement compréhensibles et ne nécessitant aucune traduction. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté devant le tribunal administratif en raison de l'absence de traduction de ces documents.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :

5. En premier lieu, M. D... a présenté une demande d'asile le 25 juin 2019 auprès du préfet de la Loire-Atlantique. Par suite, en vertu de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole), le préfet de Maine-et-Loire était compétent pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et prendre l'arrêté décidant de son transfert vers l'Allemagne. Par ailleurs, l'arrêté contesté a été signé par Mme F..., cheffe du pôle régional Dublin à la préfecture de Maine-et-Loire. Par arrêté du 27 juin 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de cette préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à l'intéressée, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers, notamment les arrêtés de transfert en application du règlement Dublin III. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme B... n'aurait pas été absente. En outre, cet arrêté suffit à établir que Mme F... a été nommée en qualité de cheffe du pôle régional Dublin de la préfecture de Maine-et-Loire. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision prononçant le transfert de M. D... aux autorités allemandes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'intéressé, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celui-ci s'est présenté devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a fait apparaître qu'il avait déjà sollicité l'asile en Allemagne le 12 décembre 2016. Cette décision mentionne également que les autorités allemandes ont accepté la reprise en charge de l'intéressé le 3 juillet 2019. Dans ces conditions, cette décision, qui comporte également des considérations de fait sur la situation personnelle de M. D..., est suffisamment motivée.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait fait l'objet d'une mesure d'éloignement exécutoire et définitive vers son pays d'origine à la suite du rejet de sa demande d'asile en Allemagne. Par suite, et eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et exhaustif de sa situation personnelle.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...) ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ". En outre, en vertu de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert. Ces mentions font foi sauf preuve contraire.

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 25 juin 2019, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' ". L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises dans une langue qu'il comprend. M. D... ne conteste pas que les documents ainsi remis comportaient l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait dû disposer de ces informations dès sa présentation à la structure de pré-accueil. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

12. Il ressort des pièces du dossier, que M. D... a bénéficié le 25 juin 2019 d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique, lequel doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour mener un tel entretien. Les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'imposent pas que le nom de cet agent figure sur le compte rendu d'entretien. Si le requérant indique qu'il aurait dû bénéficier d'un interprète en langue azérie, et non en langue turque qu'il maîtrise moins bien, il ressort des mentions du résumé de l'entretien qu'il a reconnu avoir reçu les brochures A et B ainsi que le guide du demandeur d'asile dans une langue qu'il comprenait et qu'il a pu faire valoir ses observations lors de cet entretien, de sorte qu'il n'a été privé d'aucune garantie. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Enfin, en vertu des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient aux seuls agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration spécifiquement formés à cette fin de procéder, après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation sa vulnérabilité. Dès lors, le requérant, qui au cours de son entretien individuel a déclaré être en bonne santé, n'est pas fondé à reprocher au préfet de ne pas avoir évalué " sa vulnérabilité ", et de ne pas l'avoir informé qu'il pouvait bénéficier d'un examen de santé gratuit ainsi que le prévoit ces dispositions.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

14. En se bornant à indiquer que sa demande d'asile présentée en Allemagne aurait été rejetée le 1er mars 2019, M. D... qui est célibataire et a déclaré ne pas avoir de famille en France, n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités allemandes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

15. En dernier lieu, M. D... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui sont applicables aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale mais non sur des mesures de police administrative. Par ailleurs, si les stipulations de l'article 13 de cette même convention dispose que " toute personne dont les droits et libertés sont reconnus dans la présente convention a droit à un recours effectif devant une instance nationale ", l'intéressé a usé de ce droit en présentant son recours devant la juridiction administrative. Il n'est dès lors pas fondé à invoquer la violation de ces stipulations.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis. Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ". Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable.

17. L'arrêté portant assignation à résidence en litige vise l'arrêté de transfert du 8 juillet 2019 ainsi que l'article " L. 561-2 1° bis " précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rappelant que l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. Si ce même arrêté indique que l'intéressé devra se présenter tous les mardis, mercredis et jeudis sauf les jours fériés à 8h aux services de la police aux frontières avec ses effets personnels, le préfet n'était pas tenu de motiver le choix de ces modalités, qu'aucun principe, ni aucune disposition n'interdit. Par suite, les moyens tirés de ce que cet arrêté serait suffisamment motivé et entaché d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

18. En second lieu, il résulte des points 5 à 15 du présent arrêt que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence.

19. En dernier lieu, en bornant à soutenir qu'il est joignable à tout moment par courrier, qu'il n'y a aucune " plus-value " à le faire venir trois fois par semaine au commissariat, sans invoquer aucune circonstance particulière qui ferait obstacle au respect de ces obligations, le requérant n'établit pas que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

21. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT04147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04147
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-10;19nt04147 ?
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