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10/03/2020 | FRANCE | N°18NT02610

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 mars 2020, 18NT02610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler sa lettre de mission émise le 23 janvier 2015 par le proviseur du lycée Clemenceau à Nantes, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté le recours administratif formé contre cette lettre de mission, d'autre part, d'enjoindre au ministre chargé de l'éducation nationale de procéder à son reclassement et à la reconstitution de sa

carrière à compter du 1er septembre 2014 et jusqu'au mois de septembre 2015...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler sa lettre de mission émise le 23 janvier 2015 par le proviseur du lycée Clemenceau à Nantes, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté le recours administratif formé contre cette lettre de mission, d'autre part, d'enjoindre au ministre chargé de l'éducation nationale de procéder à son reclassement et à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er septembre 2014 et jusqu'au mois de septembre 2015, en procédant notamment au versement de la prime de service relative aux fonctions de proviseur-adjoint, dans un délai de deux mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508648 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 juillet 2018, 27 janvier et 17 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1508648 du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la lettre de mission émise le 23 janvier 2015 par le proviseur du lycée Clemenceau à Nantes, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté le recours administratif formé contre cette lettre de mission ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à son reclassement et à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er septembre 2014 et jusqu'au mois de septembre 2015, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure préalable à la lettre de mission est irrégulière dès lors que la réunion d'information collective du 4 septembre 2014 à laquelle six personnes étaient présentes ne saurait être considérée comme un entretien individuel avec le supérieur hiérarchique direct préalable à la rédaction d'une lettre de mission ;

- la lettre de mission constitue une sanction déguisée prise à son encontre ; les fonctions qui lui ont été confiées ne correspondent pas aux prérogatives d'un proviseur-adjoint ; elle le place en position de proviseur-adjoint " en surnombre " et la définition de ses tâches qui y est faite ne respecte ni ses prérogatives, ni sa garantie au maintien d'une rémunération puisqu'il a perdu le bénéfice de sa prime de fonction ; l'essentiel de ses tâches ne concernent pas les classes préparatoires sur lesquelles il avait été nommé le 1er septembre 2011 mais les classes de secondes, premières et terminales. Il n'a pas bénéficié d'une nomination dans les fonctions de proviseur-adjoint qu'il occupait antérieurement ; à la suite de sa réintégration le 1er septembre 2014, et jusqu'à sa mutation sur un poste similaire au lycée Nicolas Appert d'Orvault le 1er septembre 2015, soit la période couverte par la lettre de mission, il a été privé tant de sa majoration de bonification de 80 points, son indice étant passé de 901 avant son détachement à 821 à son retour, que de son indemnité de fonctions, de responsabilités et de résultats des personnels (IFRR) de direction des établissements d'enseignement de 495,83 euros par mois. Or, d'une part, selon l'article 7 du décret du 11 avril 1988 la majoration de 80 points d'indice lui était due de plein droit, et, d'autre part, selon le décret n° 2012-933 du 1er août 2012, la part fonctionnelle de l'IFRR est liée à la nature des fonctions et ne peut donc être liée à une lettre de mission.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2020, le ministre de l'éducation et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête présentée par M. A... est irrecevable et que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°2001-1174 du 11 décembre 2001 ;

- l'arrêté du ministre de l'éducation nationale du 7 août 2012 relatif à l'entretien professionnel des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui le 2 octobre 2011 avait été nommé proviseur-adjoint chargé des classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Clemenceau à Nantes, a été placé en congé de maladie ordinaire puis de longue maladie du 25 octobre 2012 au 24 octobre 2013. Il a ensuite été détaché pour une mission d'un an auprès de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP). Il a rejoint le lycée Clemenceau à compter du 1er septembre 2014 pour être affecté, en surnombre, sur un poste de proviseur-adjoint, un autre fonctionnaire appartenant au corps des personnels de direction ayant été nommé, depuis son départ à l'ONISEP, dans cet établissement pour y exercer les mêmes fonctions que celles dévolues à M. A... avant son détachement. A la suite d'une réunion qui a eu lieu le 4 septembre 2014, le proviseur du lycée Clemenceau a, par une lettre de mission du 23 janvier 2015, fixé les objectifs prioritaires de M. A... en cette qualité de proviseur-adjoint.

2. Le 20 mars 2015, ce dernier a présenté un recours devant le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche dirigé contre cette lettre de mission, recours qui a été rejeté implicitement. M. A... a, le 19 octobre 2015, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette lettre de mission ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours administratif. Il relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. A l'appui du moyen tiré de ce que la lettre de mission contestée du 23 janvier 2015 serait une " sanction déguisée ", M. A... avait, dans ses écritures de première instance, notamment avancé les arguments tenant au fait qu'il avait été privé du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2015 tant de la majoration de bonification de 80 points que du bénéfice de l'indemnité de fonctions, de responsabilités et de résultats des personnels (IFRR) de direction des établissements d'enseignement de 495,83 euros par mois auxquelles il avait droit. Contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges ont, dans le point 5 du jugement attaqué, pris en compte ces éléments dans leur appréciation de la portée du moyen. Ainsi, et à supposer même que M. A... ait entendu mettre en cause la régularité du jugement attaqué en raison d'un défaut de motivation, ce moyen doit écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale visé ci-dessus : " Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, des emplois de direction des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 de ce code, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code. (...) Les personnels de direction peuvent aussi se voir confier d'autres fonctions concourant à l'exécution du service public de l'éducation, notamment dans les services déconcentrés et à l'administration centrale. ". Selon l'article 21 du même décret : " Les personnels de direction font l'objet d'un entretien professionnel qui porte notamment sur la réalisation des objectifs qui leur ont été fixés par lettre de mission et sur leur manière de servir. (...) Un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale fixe le contenu du compte rendu de l'entretien professionnel ainsi que les modalités d'établissement et de modification de la lettre de mission et d'organisation de l'entretien professionnel. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 7 août 2012 relatif à l'entretien professionnel des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale visé ci-dessus : " (...) Pour les chefs d'établissement adjoints et les directeurs adjoints d'unité pédagogique régionale, elle [la lettre de mission] est établie, respectivement, par le chef d'établissement et par le directeur. (...) Elle est établie pour une période de référence couvrant trois années scolaires, à l'issue d'un entretien avec l'agent, sur la base du diagnostic de l'établissement que ce dernier a préalablement élaboré. Elle fixe les objectifs qui lui sont assignés et les responsabilités qui lui sont confiées. Elle est signée par l'autorité qui l'a établie et par l'intéressé (...) ".

5. En premier lieu, M. A... soutient que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture du relevé de conclusions de la réunion qui s'est tenue le 4 septembre 2014, relevé communiqué par M. A..., réunion au cours de laquelle les objectifs de ce dernier ont été fixés après un diagnostic de la situation du lycée Clemenceau, que M. A... s'est entretenu avec le proviseur de son lycée en présence de deux conseillères d'orientation psychologues et des deux autres proviseurs-adjoints de l'établissement et qu'au cours de cette rencontre ont été évoqués les dossiers qui seraient confiés à l'intéressé pour l'année scolaire à venir. Postérieurement à cette réunion, la lettre de mission contestée du 23 janvier 2015 a été établie par le proviseur du lycée Clemenceau en se fondant notamment sur le compte-rendu de cet entretien. Les dispositions de l'arrêté du 7 août 2012, rappelées au point 4, si elles prévoient effectivement que la lettre de mission est établie à l'issue d'un entretien avec l'agent, n'impliquent cependant pas que cet entretien ait le caractère d'un entretien individuel. Par suite, la circonstance que d'autres personnes de la communauté éducative étaient présentes lors de la réunion du 4 septembre 2014, n'a pas été nature à vicier la procédure suivie pour l'élaboration de la lettre de mission de M. A... et à entacher celle-ci d'illégalité.

6. En second lieu, M. A... soutient que la décision contestée constitue en réalité une " sanction déguisée " car, et alors qu'il était placé en position de proviseur-adjoint " en surnombre ", la définition de ses tâches, que la lettre de mission du 23 janvier 2015 comporte, ne respecte ni ses prérogatives, ni sa garantie au maintien d'une rémunération.

7. Cependant, la reconnaissance de l'existence d'une telle sanction déguisée implique la réunion de deux éléments, à savoir une atteinte suffisamment importante à la situation individuelle de l'agent et une volonté de l'administration de le sanctionner sur la base d'un ou plusieurs griefs formulés à son encontre.

8. Il ressort des pièces versées au dossier, d'une part, que le proviseur du lycée Clemenceau a dû tenir compte, pour définir les missions qui seraient confiées à M. A... à son retour de détachement à l'ONISEP, de la présence de deux autres proviseurs adjoints dont les missions étaient déjà définies et de l'intention manifestée par ce fonctionnaire de quitter l'établissement en cours d'année. Par ailleurs, et alors que M. A... ne tenait d'aucun texte le droit à retrouver au retour de sa mission à l'ONISEP l'emploi qu'il occupait avant son départ en détachement, le chef d'établissement a organisé à cette fin le 4 septembre 2014 la réunion de concertation avec les différents intéressés, évoquée au point 5. D'autre part, les missions confiées à M. A... par la lettre de mission contestée, qui se rattachent pour l'essentiel au pilotage des actions à mener au sein de l'établissement sous l'autorité du proviseur en matière d'aide et d'information à l'orientation des élèves, s'inscrivent dans le cadre des nécessités liées à l'organisation du service et sont au nombre de celles dont peut être chargé un proviseur adjoint en application des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 11 décembre 2001. De plus, il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance des pièces du dossier que le proviseur ait, préalablement à l'édiction de la décision contestée, formulé le moindre grief à l'encontre de M. A... et qu'il ait eu l'intention de le sanctionner en minorant volontairement l'importance et l'intérêt des missions qu'il entendait lui confier et des objectifs qu'il lui demandait d'atteindre. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une " sanction déguisée ", quand bien même la lettre de mission en cause lui a confié des responsabilités moindres que celles qui étaient les siennes avant son départ en mission à l'ONISEP, ce qui a entrainé mécaniquement une perte de rémunération en raison de la baisse de sa bonification indiciaire et de la suppression de son indemnité de fonction de responsabilité et de résultat pendant la période courant du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2015.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre de mission du 23 janvier 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera délivrée au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

O. C... Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT02610 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02610
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SARDAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-10;18nt02610 ?
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