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10/03/2020 | FRANCE | N°18NT00490

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 mars 2020, 18NT00490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Manche a rejeté sa demande tendant à la modification des règlements, annexés au règlement intérieur, relatifs à la formation des personnels du SDIS pour la prise en compte du temps de déplacement dans le temps de travail effectif.

Par un jugement n° 1601364 d

u 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Manche a rejeté sa demande tendant à la modification des règlements, annexés au règlement intérieur, relatifs à la formation des personnels du SDIS pour la prise en compte du temps de déplacement dans le temps de travail effectif.

Par un jugement n° 1601364 du 6 décembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistré les 7 février 2018 et 4 mars 2019, le syndicat CFDT Interco de la Manche, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 6 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, la décision implicite rejetant sa réclamation présentée le 24 novembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au SDIS de la Manche de modifier les règlements de formation en intégrant les temps de déplacement dans le temps de travail effectif ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du SDIS de la Manche le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'entend pas se désister de sa requête dès lors qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- sa requête est recevable dès lors, d'une part, qu'il a invoqué des moyens tirés de l'erreur de droit et de fait commise par le tribunal administratif et, d'autre part, que ses statuts lui confèrent un intérêt à agir ;

- les dispositions de l'article 1.12 du règlement de formation concernent les formations imposées par le service ; le trajet des stagiaires pour se rendre sur leur lieu de formation constitue un déplacement entre deux lieux de travail et donc un temps de travail effectif ;

- les dispositions de l'article 3.20 du règlement relatif aux formateurs sont illégales dans la mesure où elles ne peuvent légalement calculer forfaitairement le temps de déplacement des formateurs entre le lieu d'affectation et le lieu de formation ;

- les dispositions règlementaires litigieuses méconnaissent les dispositions de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 et celles de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001, ce qui imposait au SDIS de procéder à leur abrogation.

Par des mémoires, enregistrés les 3 octobre 2018 et 30 janvier 2019, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Manche, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat CFDT Interco de la Manche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- eu égard aux résultats des dernières élections syndicales, le syndicat CFDT Interco de la Manche doit être regardé comme s'étant désisté de l'ensemble de ses conclusions ;

- la requête est irrecevable dès lors que le syndicat se borne à reprendre intégralement sa requête de première instance ;

- la requête est également irrecevable au motif que la défense des intérêts professionnels des membres du SDIS de la Manche ne figure pas au nombre des missions de la fédération requérante, qui n'a pas intérêt à agir contre la décision contestée ;

- les moyens soulevés par le syndicat CFDT Interco de la Manche ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du 4 février 2019 adressée par la cour au conseil du syndicat CFDT Interco de la Manche sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 novembre 2015, le syndicat CFDT Interco de la Manche a sollicité la modification des règlements de formation du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Manche afin notamment que le temps de trajet des agents en formation soit considéré comme du temps de travail effectif. Par une décision du 20 janvier 2016, le président du conseil d'administration du SDIS de la Manche a rejeté sa demande. Le syndicat CFDT Interco de la Manche relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicables aux sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements.". Aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant en vertu de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". L'article 3 du même texte prévoit que : " (...) L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé et comprend : 1. Le temps passé en intervention ; 2. Les périodes de garde (...) ; 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation définies par arrêté du ministre de l'intérieur dont les durées sont supérieures à 8 heures, et les services de sécurité ou de représentation. ".

3. Aux termes de l'article 1.12 du règlement de formation relatif aux sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques spécialisés stagiaires de la Manche, dans sa rédaction adoptée par le conseil d'administration du SDIS de la Manche le 13 décembre 2011 : " (...) le décompte du temps de travail est forfaitairement fixé à 8 heures par journée de stage (4 heures pour une demi-journée) (...) ". Aux termes de l'article 1.13 du même règlement : " (...) La participation à un stage sur le territoire du département n'ouvre droit à aucune prise en compte de temps de travail au-delà des 8 heures journalières fixées forfaitairement (4 heures pour une demi-journée) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3.20 du règlement de formation du SDIS de la Manche, applicable aux formateurs, dans sa rédaction adoptée par son conseil d'administration le 26 juin 2012 : " (...) Le temps de déplacement, calculé forfaitairement entre le lieu d'affectation et le lieu de formation, est ajouté au temps d'encadrement des stagiaires pour la détermination du temps de travail (...) Sauf organisation ou tâches particulières, le temps de travail décompté sur la base du temps d'encadrement est donc de : / 8 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une journée d'encadrement, / 4 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une demi-journée d'encadrement ".

4. Il résulte des dispositions précitées que le temps de trajet aller-retour pour se rendre à un stage, au même titre que le temps de la formation dispensée aux stagiaires, est assimilable à du travail effectif, dès lors que les agents concernés sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir se consacrer librement à leurs occupations personnelles. Il ressort toutefois du règlement précité adopté par le conseil d'administration du SDIS de la Manche, que le temps de trajet et de formation a été comptabilisé forfaitairement en décomptant du temps de travail des sapeurs-pompiers qui assistent à un stage dans le département, huit heures par journée de stage et quatre heures par demi-journée. Ainsi, le SDIS de la Manche soutient, sans être contredit, qu'une formation (temps de trajet compris) de moins de huit heures est comptabilisée huit heures et que lorsqu'elle dépasse huit heures, elle est comptabilisée douze heures. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, il ne résulte d'aucune des dispositions citées au point 3 que ce décompte forfaitaire, qui tient compte d'une moindre intensité du travail fourni par les stagiaires durant les trajets notamment, serait erronée en droit ou entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'amplitude maximale de la journée de travail des personnels concernés n'excède pas douze heures comme le prévoit l'article 3 du décret du 25 août 2000 cité au point 3. Par ailleurs, la circonstance, que ce forfait horaire soit calculé différemment pour les stagiaires et les formateurs, lesquels ne se trouvent pas dans une situation identique, ne suffit pas à établir l'illégalité de la décision contestée, laquelle doit être regardée comme refusant de modifier les règlements adoptés par le conseil d'administration du SDIS de la Manche les 13 décembre 2011 et 26 juin 2012. Dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que ce dernier était tenu de procéder à leur abrogation.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le SDIS de la Manche, que le syndicat CFDT Interco de la Manche n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SDIS de la Manche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au syndicat CFDT Interco de la Manche de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Manche le versement au SDIS de la Manche d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco de la Manche est rejetée.

Article 2 : Le syndicat CFDT Interco de la Manche versera au SDIS de la Manche une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT Interco de la Manche et au SDIS de la Manche.

Délibéré après l'audience du 21 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00490
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-10;18nt00490 ?
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