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06/03/2020 | FRANCE | N°19NT04652

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 06 mars 2020, 19NT04652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1909403 du 9 septembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement magistra

t désigné du tribunal administratif de Nantes du 9 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1909403 du 9 septembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 9 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire ainsi que le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus dès lors que son conseil a reçu le mémoire du préfet après l'audience ;

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il avait sollicité l'assistance d'un interprète et qu'il n'est pas établi qu'il a signé le résumé d'entretien individuel en toute connaissance de cause ; les informations recueillies à cette occasion, notamment en ce qui concerne le franchissement des frontières espagnoles, sont dès lors dépourvues de force probante ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit dans la mesure où il n'est pas établi qu'il aurait franchi irrégulièrement la frontière espagnole dans la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande d'asile ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 compte tenu de ses problèmes de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 9 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif./ Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'audience à laquelle a été appelée l'affaire de M. A... s'est tenue le 5 septembre 2019 à 14h30. Le mémoire en défense du préfet de Maine-et-Loire, qui comprenait avec ses annexes plus de 200 pages, est parvenu au greffe du tribunal administratif de Nantes ce même jour à 13h47. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'a été mis à disposition de l'avocat de M. A... sur l'application " Télérecours " que le 5 septembre 2019 à 14h52. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que cette communication tardive des écritures du préfet, alors qu'il était possible de reporter l'audience tout en respectant le délai de quinze jours imparti en l'espèce au juge pour statuer sur le recours formé contre une décision de transfert, a préjudicié à ses droits procéduraux. Par conséquent, le jugement attaqué a été rendu sans qu'ait été respecté le caractère contradictoire de la procédure contentieuse. Il doit, dès lors, être annulé.

4. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, que le 5 juin 2019, M. A... a bénéficié d'un entretien individuel conduit par un agent qualifié de la préfecture de la Loire-Atlantique assisté d'un interprète en langue diakhanké, qu'il a déclaré comprendre et lire. A cette occasion, l'intéressé a pu faire valoir ses observations. Dans ces conditions, le requérant, qui n'établit pas avoir signé le résumé de cet entretien sans en comprendre toutes les mentions, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un Etat membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des Etats membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ".

8. M. A... a déposé une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 juin 2019. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne le 12 novembre 2018. Si l'intéressé soutient que cette date ne correspond pas à celle à laquelle il est entré en Espagne, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation alors qu'il a déclaré être entré en Espagne le 23 août 2018 puis en France le 8 avril 2019. Dans ces conditions, en se fondant sur les dispositions du 1 de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 pour déterminer l'Etat responsable de sa demande d'asile, et non sur le 2 du même article comme le soutient le requérant, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

10. Lors de son entretien individuel M. A... a déclaré avoir des problèmes dentaires et souffrir de douleurs au niveau de la main droite en raison des violences qu'il a subies en Lybie. S'il produit un certificat d'hospitalisation pour une intervention réalisée le 10 octobre 2019 au centre hospitalier de Laval pour une pseudarthrose du scaphoïde carpien droit, le préfet soutient sans être contredit, que l'intéressé ne lui a communiqué aucun justificatif médical à l'appui de sa demande. Le requérant ne démontre pas davantage qu'il serait dans l'impossibilité de voyager à destination de l'Espagne ou qu'il ne pourrait y bénéficier des mêmes soins. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A... ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909403 du 9 septembre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. A... ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mars 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT04652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04652
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET GOUEDO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-06;19nt04652 ?
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