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05/03/2020 | FRANCE | N°18NT00187

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 05 mars 2020, 18NT00187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Château du Breuil Distillerie a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 313 564 euros en droits et 41 380 euros en intérêts de retard, mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n° 1600560 du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistr

s les 16 janvier 2018 et 14 juin 2019, la SAS Château du Breuil Distillerie, représentée par Me C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Château du Breuil Distillerie a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 313 564 euros en droits et 41 380 euros en intérêts de retard, mis à sa charge au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n° 1600560 du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier 2018 et 14 juin 2019, la SAS Château du Breuil Distillerie, représentée par Me C..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 297 433 euros en droits et de 40 607 euros en intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle était en droit de déduire, en vertu de l'article 271 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses relatives aux travaux effectués sur l'aile gauche du château, situé sur le lieu de sa production du spiritueux " Calvados ", à la suite d'un incendie de cette aile en 2007 dès lors que cette aile, qui est inscrite à son bilan et participe à l'image et à la marque des produits, est utilisée pour son activité économique et que l'investissement y est lié par un lien direct et immédiat : en ce qui concerne l'hébergement de son président, qui résidait en Suisse, lors de ses venues pour des raisons professionnelles, et la réception de journalistes et de clients de prestige, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve contraire, qui lui incombe contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en se bornant à lui opposer que le caractère professionnel des déplacements n'est pas établi et que les documents sur les réceptions sont postérieurs aux opérations de vérification ; elle se prévaut également du point 50 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHG-30-20, selon lequel le château intégré dans un domaine viticole peut être regardé comme participant à l'activité commerciale sans que l'affectation à l'exploitation lucrative soit exclusive.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 juin 2018 et 18 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Château du Breuil Distillerie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAS Château du Breuil Distillerie.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Château du Breuil Distillerie a été enregistrée le 13 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Château du Breuil Distillerie, qui exploite à Breuil-sur-Auge une distillerie et commercialise du spiritueux " Calvados " sous l'appellation " Château du Breuil " a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxes sur le chiffre d'affaires pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée supportée à raison des dépenses de travaux de rénovation et d'aménagement engagés à la suite de l'incendie de l'aile gauche du château en 2007. Par un jugement du 15 novembre 2017, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010 à 2012.

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas :/ a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; (...). ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au même code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I.- Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II.- Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. / 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. / 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : / 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : / a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. / IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / 1° Lorsque le bien ou le service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise ; / 2° Lorsque le bien ou le service est relatif à la fourniture à titre gratuit du logement des dirigeants ou du personnel de l'entreprise, à l'exception de celui du personnel de gardiennage, de sécurité ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l'entreprise ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. En l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti.

4. Il est constant que le château ne contient aucun bien susceptible d'être lié à la production des spiritueux.

5. Il résulte de l'instruction que le château n'est pas visité lors des visites touristiques guidées payantes du domaine du Breuil. Les séminaires, les réunions et les événements ne sont pas organisés dans le château mais dans l'enceinte du parc ou dans des bâtiments annexes. La représentation iconographique des bouteilles de calvados ne comprend pas seulement le château mais le domaine dans son ensemble. La représentation du château n'a pas ainsi une influence prépondérante dans la communication de la société.

6. L'aile gauche du château, qui est laissée à la disposition gratuite du principal actionnaire de la société Diwisa, de droit suisse, constitue une partie privée à usage d'habitation. Si la société fait état de l'hébergement de clients ou de journalistes, aucune pièce du dossier ne permet de connaître le lieu exact de leur hébergement.

7. Le château n'a donné lieu à aucune location à usage professionnel. Si la SAS Château du Breuil Distillerie fait valoir qu'elle organise des réceptions à l'intérieur du château à destination de ses clients les plus importants, elle n'en établit pas la réalité ni ne démontre qu'un chiffre d'affaires résultait de ceux-ci. Il est constant que la salle de dégustation est située dans des locaux distincts du château.

8. Il suit de là que les dépenses de rénovation et d'aménagement engagées à la suite de l'incendie de l'aile gauche du château en 2007 ne présentent pas un lien direct et immédiat avec l'activité économique taxable de la société requérante de sorte qu'elle a à tort déduit la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant. L'inscription de l'aile au bilan de la société est sans incidence sur l'appréciation de ce lien.

9. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes du paragraphe 50 de la documentation de base BOI-BIC-CHG-30-20, qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est ici fait application.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Château du Breuil Distillerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Château du Breuil Distillerie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Château du Breuil Distillerie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bataille, président de chambre,

M. A..., président assesseur,

M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

J.-E. A...

Le président,

F. BatailleLe greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00187
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : VATIRIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-05;18nt00187 ?
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