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28/02/2020 | FRANCE | N°19NT02959

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 février 2020, 19NT02959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Jacqueline G... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel cette même autorité a, à la demande de M. et Mme B..., modifié l'article 8 du cahier des charges du lotissement " Résidence du champ de courses " situé à Urou-et-Crennes sur le territoire de la commune nouvelle de Gouffern-en-Auge et la décision du 10 septembre 2018 par laquelle le président de la communauté de communes Argentan Intercom a rejeté leur demande d'abrogation d

e cet arrêté.

Par un jugement n° 1802677 du 22 mai 2019, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et Jacqueline G... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel cette même autorité a, à la demande de M. et Mme B..., modifié l'article 8 du cahier des charges du lotissement " Résidence du champ de courses " situé à Urou-et-Crennes sur le territoire de la commune nouvelle de Gouffern-en-Auge et la décision du 10 septembre 2018 par laquelle le président de la communauté de communes Argentan Intercom a rejeté leur demande d'abrogation de cet arrêté.

Par un jugement n° 1802677 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2019, M. et Mme G..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 22 mai 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision contestés ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils sont recevables à attaquer, tant par voie d'action que d'exception, l'arrêté du 8 décembre 2017, lequel revêt le caractère d'un acte administratif individuel qui, en l'espèce, n'a pas été notifié aux colotis de sorte qu'aucun délai de recours contentieux n'a commencé à courir ;

- en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, ils sont recevables à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 8 décembre 2017 qui n'a été publié auprès du service de la publicité foncière que le 5 mars 2018 ;

- l'autorité administrative ne s'est pas assurée du respect des modalités de consultation et de vote prévues par l'article L. 412-10 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 8 décembre 2017 ne comporte aucun motif permettant de connaître la cause et l'opportunité de la modification prononcée ;

- cet arrêté, pris en vue de régulariser les travaux entrepris par M. et Mme B..., est entaché de détournement de pouvoir ;

- la décision du 10 septembre 2018 est illégale du fait de l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 8 décembre 2017 sur lequel elle se fonde ;

- elle n'est pas motivée ;

- le jugement attaqué encourt l'annulation pour défaut de motivation en ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 10 septembre 2018.

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2019, M. et Mme E... et Annie B..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme G... d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le délai de recours contre l'arrêté du 8 décembre 2017 étant expiré, toutes les demandes sont irrecevables ;

- la décision du 10 septembre 2018 ne procède pas de l'arrêté du 8 décembre 2017 de sorte que les requérants ne peuvent exciper à l'encontre de la première de l'illégalité du second ;

- une telle exception d'illégalité est, en outre, irrecevable en application de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par M. et Mme G... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, la communauté de communes Argentan Intercom, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme G... d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017 sont tardives ;

- les demandeurs ne peuvent utilement invoquer, par voie d'exception, le vice de procédure et l'insuffisance de motivation dont serait entaché l'arrêté du 8 décembre 2017 ;

- le moyen portant sur les conditions d'édiction de l'acte contesté est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 septembre 1975, le préfet de l'Orne a autorisé la création du lotissement " Résidence du champ de courses " sur le territoire de la commune d'Urou-et-Crennes, devenue, à compter du 1er janvier 2017, commune déléguée de la commune nouvelle de Gouffern-en-Auge. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le président de la communauté de communes Argentan Intercom, dont la commune de Gouffern-en-Auge est membre, a modifié le cinquième alinéa de l'article 8 du cahier des charges du lotissement. M. et Mme G..., propriétaires d'un bien au sein de ce lotissement, ont formé, le 29 juillet 2018, une demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 8 décembre 2017, laquelle a été rejetée par une décision du président de la communauté de communes Argentan Intercom du 10 septembre 2018. M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 22 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017 et de la décision du 10 septembre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, applicables aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu des dispositions de l'article L. 5211-3 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) /... / Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / (...) ".

4. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges du lotissement, établi le 1er juin 1978, comporte un chapitre II, intitulé " Clauses d'urbanisme - Constructions ", au sein duquel figure l'article 8 relatif à la " Qualité et [à l']aspect des constructions ". Le cinquième alinéa de cet article prévoyait, avant l'intervention de l'arrêté du président de la communauté de communes Argentan Intercom du 8 décembre 2017, que " les matériaux de remplissage devront être revêtus d'un enduit dont la teinte devra se rapprocher de celle des constructions traditionnelles : mortier de chaux naturelle ou pierre de pays ". L'arrêté litigieux modifie ces clauses en prévoyant que " les matériaux de remplissage devront être conformes aux normes et règles d'urbanisme en vigueur (POS, PLU et RNU), en évitant les couleurs criardes ".

6. Les clauses de l'article 8 du cahier des charges citées au point précédent contiennent des règles d'urbanisme et revêtent une nature règlementaire au sens et pour l'application de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme. L'arrêté contesté qui procède à leur modification présente lui-même un caractère réglementaire. Par suite, le délai de recours contentieux à son encontre a couru à compter de sa publication, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il n'aurait pas été notifié à chacun des colotis.

7. Il ressort des pièces produites par la communauté de communes Argentan Intercom que l'arrêté contesté du 8 décembre 2017 a été publié dans le numéro 4 du recueil des actes administratifs de cet établissement paru le 20 décembre 2017. Le président de la communauté de communes a, en outre, certifié que l'arrêté avait été transmis à la sous-préfecture de l'arrondissement d'Argentan le 15 décembre 2017. Ainsi, les conclusions de la demande de M. et Mme G... tendant à l'annulation de l'arrêté du président de la communauté de communes Argentan Intercom du 8 décembre 2017, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Caen le 10 novembre 2018, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, étaient tardives. Par suite, en rejetant ces conclusions comme irrecevables, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 septembre 2018 :

En ce qui concerne la motivation :

8. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que la décision administrative approuvant ou modifiant le cahier des charges d'un lotissement, laquelle revêt un caractère règlementaire, doive être motivée. Le refus opposé à une demande d'abrogation d'une telle décision n'est pas davantage soumis à une exigence de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 10 septembre 2018 doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 8 décembre 2017 :

9. En premier lieu et d'une part, si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiqués, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

10. D'autre part, le document de lotissement que constitue le cahier des charges n'est pas un document d'urbanisme tenant lieu de plan d'occupation des sols ou de plan local d'urbanisme au sens des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, M. et Mme G... ne sauraient utilement se prévaloir de ces dispositions. Au surplus, alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 7 du présent arrêt que l'arrêté du 8 décembre 2017 est devenu exécutoire le 20 décembre 2017, la prise d'effet de cet acte n'est, contrairement à ce que soutiennent les requérants, nullement subordonnée à sa publicité auprès des services de publicité foncière.

11. Il suit de là que les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 8 décembre 2017 et des irrégularités dont serait entaché le recueil de la majorité qualifiée des colotis doivent être écartés comme inopérants.

12. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, citées au point 2 du présent arrêt, que l'autorité administrative ne peut prononcer la modification qu'elles prévoient que si elle est compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable et que si elle poursuit un motif d'intérêt général en lien avec la politique publique d'urbanisme.

13. La modification de l'article 8 du cahier des charges à laquelle procède l'arrêté du 8 décembre 2017 fait droit à une demande présentée, à l'initiative de M. et Mme B..., par les copropriétaires du lotissement et motivée par le souhait d'assouplir les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions en vue de faciliter les travaux d'isolation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux qui, intervenu après l'expression de l'accord d'une majorité qualifiée de propriétaires, modifie le cahier des charges à l'égard de tous les colotis, aurait pour seul objet de permettre la régularisation des travaux réalisés en 2014 par M. et Mme B... en violation des prescriptions de l'article 8 du cahier des charges dans leur version initiale et ayant fait l'objet d'un jugement du tribunal de grande instance d'Argentan du 23 février 2017 ordonnant leur suppression. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. et Mme G..., lesquels sont, dans la présente instance, la partie perdante, d'une part, le versement à la communauté de communes Argentan Intercom de la somme de 1 000 euros et, d'autre part, le versement à M. et Mme B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées au même titre par les requérants ne pourront qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme G... verseront la somme de 1 000 euros à la communauté de communes Argentan Intercom et la somme de 1 000 euros à M. et Mme B....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et Jacqueline G..., à la communauté de communes Argentan Intercom et à M. et Mme E... et Annie B....

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Giraud, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2020.

Le rapporteur,

K. F...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02959


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02959
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CABINET VAERNEWYCK CHAPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-28;19nt02959 ?
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