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13/02/2020 | FRANCE | N°18NT01375

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2020, 18NT01375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 et 2012, pour un montant total de 30 133 euros et de condamner l'Etat à leur verser des intérêts moratoires sur cette somme à compter du 10 mars 2015.

Par un jugement n° 1601302 du 7 février 2018, le tribunal ad

ministratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2011 et 2012, pour un montant total de 30 133 euros et de condamner l'Etat à leur verser des intérêts moratoires sur cette somme à compter du 10 mars 2015.

Par un jugement n° 1601302 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril 2018 et 5 novembre 2018, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge et de condamner l'Etat au versement de ces intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré du manquement ;

- le manquement porte sur une seule et même opération économique isolée ;

- la qualité d'agent commercial de M. D... ne saurait être prise en compte ; M. D... n'est ni un professionnel de la construction immobilière ni un professionnel de la fiscalité immobilière ;

- le prix d'acquisition des biens ne pouvait être précisément déterminé à la date de la déclaration, les maisons ayant été vendues en l'état futur d'achèvement ;

- l'administration ne peut se fonder sur le fait qu'il n'a pas déposé de déclaration rectificative, cet élément étant postérieur à la déclaration ; le 3 août 2013, la date à laquelle l'administration a formulé sa première demande de justificatifs, il ne disposait pas encore de tous les éléments pour déposer une déclaration rectificative.

Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre 2018 et 3 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a acquis, en 2006, un terrain de 1 611 m² à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). Il a lui-même construit, sur ce terrain, quatre maisons individuelles. Il a, pour ce faire, acheté des matériaux de construction et demandé à divers artisans de réaliser la pose de ces matériaux. Trois de ces maisons ont été vendues en l'état futur d'achèvement le 30 décembre 2011 pour l'une et le 17 février 2012 pour les deux autres. M. D... a alors déposé trois déclarations de plus-values immobilières qui ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces par l'administration. Dans le cadre de ce contrôle, l'administration a demandé à M. D..., le 2 août 2013, de justifier des dépenses qu'il avait engagées pour la construction de ces maisons. Constatant que les montants déclarés sur les déclarations de plus-values étaient plus importants que le montant des factures, l'administration a décidé de rectifier en conséquence ces déclarations. Dans le cadre des échanges contradictoires, l'administration a accepté de prendre en compte les achats de matériaux postérieurs à l'achèvement des travaux. Les impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de ce contrôle ont été assorties de majorations de 40% pour manquement délibéré. Après la mise en recouvrement de ces impositions, M. et Mme D... ont formé une réclamation préalable le 3 août 2015 afin que soit prononcée la décharge des majorations. Après le rejet de cette réclamation, ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer cette décharge. Ils relèvent appel du jugement du 7 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales prévoit que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration. ".

3. Pour justifier du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré qui a été appliquée, l'administration rappelle d'abord que l'écart entre le montant de la plus-value réellement réalisée sur chaque opération et la plus-value déclarée par M. D... varie entre 30 et 40%. En effet, il ressort de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable que M. D... a déclaré des dépenses de construction allant de 180 000 euros à 200 000 euros par maison, alors que les dépenses réellement réalisées varient entre 109 000 euros et 130 000 euros environ. Contrairement à ce que soutient M. D..., cet écart important ne peut s'expliquer par le seul fait que les déclarations ont été déposées avant la fin de travaux, la mise en vente d'une maison en l'état futur d'achèvement supposant une idée relativement précise du coût total des travaux. Surtout, l'administration rappelle que M. D... a, dans le cadre de sa réclamation préalable, indiqué que cet écart était la résultante de son investissement personnel. Cette explication n'est d'ailleurs pas véritablement remise en cause par M. et Mme D... dans leurs écritures. M. D..., indépendamment du fait qu'il dirige une agence immobilière, ne pouvait de bonne foi ignorer que les bénéfices résultant de cette activité de maître d'oeuvre, bien qu'occasionnelle, constituaient un revenu imposable. L'administration fiscale démontre ainsi l'intention délibérée d'éluder l'impôt et par conséquent le bien-fondé de la pénalité prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts.

Sur les intérêts moratoires :

4. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ".

5. Les intérêts moratoires, prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sont, en vertu des dispositions de l'article R. 208-1 du même code, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et les appelants au sujet de ces intérêts. Dès lors, les conclusions de la requête qui tendent au versement par l'Etat d'intérêts moratoires doivent être rejetées comme irrecevables.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Geffray, président,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

J-E. Geffray

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01375
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS OLYMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-13;18nt01375 ?
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