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13/02/2020 | FRANCE | N°18NT00214

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2020, 18NT00214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 45 Autosport a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes de 5 % en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013.

Par un jugement n° 1604101 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.
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Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) 45 Autosport a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes de 5 % en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013.

Par un jugement n° 1604101 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier et 2 octobre 2018 et 10 janvier 2019, la SARL 45 Autosport, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions d'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dès lors qu'elle est assujettie-revendeur, que les acquisitions portent sur des biens d'occasion (véhicules de plus de six mois ou de plus de 6 000 kilomètres), que ses fournisseurs sont des négociants qui ont placé leurs livraisons sous le régime de la marge et qu'elle n'a pu déduire aucune taxe sur la valeur ajoutée au titre de ces acquisitions ;

- les factures mentionnant que ses fournisseurs ont appliqué le régime de la marge constituent une présomption de ce que ceux-ci étaient autorisés à appliquer un tel régime ; l'administration n'a pas été en mesure de combattre cette présomption ; la réponse des autorités allemandes n'est pas parvenue à l'administration française ; cette dernière n'a pas consulté la base de recoupement des opérations communautaires prévue à l'article 22 du règlement n°1798/2003 du Conseil du 7 octobre 2003 ; la vérificatrice n'hésite pas à affirmer sans la moindre preuve que toutes les sociétés espagnoles ont fait l'objet de fermeture administrative et de suspension de leurs numéros de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire par les autorités espagnoles qui ont considéré qu'elles n'avaient unique vocation que de modifier abusivement le régime de la taxe sur la valeur ajoutée afin de proposer des prix défiant toute concurrence ;

- la proposition de rectification ne comporte aucun élément matériel concernant les modalités d'approvisionnement et de vente des fournisseurs étrangers qui permettrait d'établir le non-respect, par ces opérateurs, des règles objectives du régime sur la marge telles que prévues par les articles 312 et suivants de la directive CE/11/2006 du 28 novembre 2006 ;

- la propriété antérieure d'un véhicule par un professionnel de l'automobile ne constitue pas un indice fiable et précis du régime de taxe sur la valeur ajoutée à appliquer lors des dernières transactions subséquentes portant sur ce véhicule ;

- l'acheminement direct des véhicules d'Allemagne vers la France ne suffit pas davantage à rendre manifeste le fait que les fournisseurs allemands n'avaient pas la qualité d'assujettis-revendeurs;

- elle s'est conformée à la première vérification précédente dès lors qu'elle a cessé d'appliquer des opérations assujetties à la marge ;

- elle n'a réalisé aucune acquisition intracommunautaire taxable au sens du 2 bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts ; c'est à tort que l'administration a appliqué l'amende de 5 % pour défaut de déclaration de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287 de ce code ;

- elle conteste les majorations pour manquement délibéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juin 2018, 3 janvier et 20 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL 45 Autosport ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) 45 Autosport a appliqué le régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lors de la revente de véhicules d'occasion qui lui avaient été cédés par des sociétés espagnoles qui, dans les factures qu'elles avaient émises, mentionnaient l'application du régime de taxation sur la marge. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société a été assujettie, pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge dès lors que les fournisseurs initiaux des véhicules, situés en Allemagne, qui les avaient cédés aux sociétés espagnoles, n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et qu'elle ne pouvait l'ignorer. Elle relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels en droits et pénalités et des amendes de 5 % en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts.

2. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion, (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par les articles 312 et suivants de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007.

3. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

4. La SARL 45 Autosport verse au dossier en appel les factures de ses fournisseurs espagnols mentionnant l'application du régime de la taxe sur la marge.

5. En premier lieu, l'administration, pour établir les rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée, a procédé à l'examen, au cours de la vérification de comptabilité, de différents documents figurant dans les dossiers des véhicules présentés par la SARL 45 Autosport. Toutefois, cet examen et notamment celui de la seule mention figurant sur les cartes grises des véhicules selon laquelle ceux-ci ont été la propriété de professionnels n'ont pas permis de savoir si ces derniers avaient ou non la qualité d'assujetti revendeur et étaient ou non autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de taxation sur la marge. Dès lors, l'administration ne pouvait pas se fonder sur ces seuls éléments pour justifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

6. En deuxième lieu, l'administration s'est fondée sur l'existence de deux contrôles précédents de la société requérante à l'occasion desquels les conditions d'application du régime de taxation sur la marge en cas de vente de véhicules d'occasion lui avaient été rappelées. Cependant, il n'est pas établi que les factures versées par la société dans le présent litige présentent les mêmes anomalies et le même caractère erroné que lors des précédents contrôles. Un tel rappel ne suffit pas à démontrer que la SARL 45 Autosport ne pouvait pas ignorer que ses fournisseurs espagnols n'avaient pas la qualité d'assujetti revendeur et qu'ils n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de taxation sur la marge.

7. En troisième lieu, l'acheminement des véhicules sans transit par l'Espagne et la durée très courte de détention des véhicules par les fournisseurs allemands ayant vendu aux sociétés espagnoles ne démontrent pas par eux-mêmes que la SARL 45 Autosport avait connaissance de ce que ses fournisseurs espagnols et les fournisseurs allemands de ces derniers ne relevaient pas du régime de taxation sur la marge.

8. Enfin, la mention de la proposition de rectification selon laquelle " toutes les sociétés espagnoles ont fait l'objet de fermetures administratives et de suspension de leurs numéros de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaires par les autorités espagnoles qui ont considéré qu'elles n'avaient pour unique vocation que de modifier abusivement le régime de taxe sur la valeur ajoutée afin de proposer des prix défiant toute concurrence " n'a pas été vérifiée par le service auprès des autorités espagnoles.

9. Les circonstances ainsi exposées par l'administration aux points 5 à 8 du présent arrêt, ne suffisent pas à établir que la SARL 45 Autosport ne pouvait pas ignorer que ses fournisseurs espagnols n'avaient pas la qualité d'assujetti revendeur et qu'ils n'étaient pas autorisés à appliquer eux-mêmes le régime de la taxe sur la marge.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité de la procédure d'imposition que la SARL 45 Autosport est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes de 5 % en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013. Il s'ensuit également qu'une somme de 1 500 euros doit être mise à la charge de l'Etat, partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : Il est prononcé une décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, et des amendes de 5 % en application des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts auxquels la SARL 45 Autosport a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL 45 Autosport une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée 45 Autosport et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président,

- M. Brasnu, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 février 2020.

Le président-rapporteur,

J.-E. B...

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau

H. Brasnu Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00214
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET GUELOT BARANEZ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-13;18nt00214 ?
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