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07/02/2020 | FRANCE | N°19NT00410

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 février 2020, 19NT00410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté implicitement son recours formé contre la décision implicite par laquelle l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) a refusé de délivrer à M. A... F..., son fils allégué, un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1

806868 du 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté implicitement son recours formé contre la décision implicite par laquelle l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) a refusé de délivrer à M. A... F..., son fils allégué, un visa de long séjour demandé en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français.

Par un jugement n° 1806868 du 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2019, Mme D... F... épouse E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de M. A... F... ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de condamner l'Etat à verser la somme de 2 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser ainsi qu'à son fils la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

7°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'expertise génétique qui sera ordonnée par la juridiction judiciaire.

Elle soutient que le lien de filiation est établi par les actes produits et par la possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

La cour a informé les parties, le 31 octobre 2019, de ce qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que la demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral présentée par Mme E... était nouvelle en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a sollicité, le 16 juin 2017, pour M. A... F..., son fils allégué, né le 25 décembre 2006, un visa de long séjour en qualité d'enfant mineur d'un ressortissant français. L'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) a rejeté implicitement cette demande. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision de l'autorité consulaire. Par un jugement du 28 novembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. Mme E... fait appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral :

2. Si Mme E... demande que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle et son fils allégué auraient subi, ces conclusions, qui n'ont pas été présentées aux premiers juges, sont nouvelles et par suite, irrecevables. Elles doivent donc être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'un agent du consulat général de France à Tananarive s'est rendu le 13 juin 2018 à la mairie de Vohémar et constaté que l'acte de naissance n° 770 en cause, de M. A... F..., figurait dans le registre n°6 qui était non clos. La page de couverture de ce registre ne comporte pas la date de la signature par le président du tribunal compétent et 15 actes figurant dans ce registre auraient été dressés le 28 décembre 2006, alors que la moyenne journalière est de 3 ou 4. L'agent du consulat indique également, sans autre précision, que " le sceau de l'officier de l'état civil est différent de celui qui figure sur les actes authentiques des registres d'origine " et " que la signature de l'officier d'état civil est contrefaite " alors que les photographies auxquelles il se réfère ne sont pas produites. Les anomalies ainsi constatées ne suffisent pas à ôter à l'acte de naissance n° 770 tout caractère probant. Si l'agent du consulat a également constaté que le registre comportant les actes n°s 641 à 768 était inexistant et que le registre n° 5 concernant les actes n°s 514 à 640 comporte une page arrachée et ragrafée et des incohérences, ces circonstances sont sans influence sur le caractère de l'acte en cause, qui figure dans le registre distinct n° 6. La requérante a produit plusieurs copies de l'acte de naissance n° 770. Si certaines d'entre elles indiquent que l'acte de naissance a été établi le 29 décembre 2006 et non pas le 28 décembre 2006, le maire de Vohémar a attesté le 30 août 2018 qu'il ne s'agissait que d'une erreur de frappe. La circonstance que certaines copies comportent une mention marginale relative à la reconnaissance de l'enfant par sa mère, Mme D... F..., contrairement aux autres qui ne comportent aucune mention marginale, ne suffit pas davantage à établir l'absence de valeur probante de l'acte de naissance, les autres mentions étant concordantes. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas pu légalement estimer que les actes d'état civil produits étaient dépourvus de valeur probante.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique, compte tenu de sa motivation, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité à M. A... F..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1806868 du 28 novembre 2018 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de M. A... F... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité à M. F... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme E... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience 24 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 février 2020.

Le rapporteur,

P. C...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00410
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP DIGNAC BEAUDRY PAGES PAGES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-07;19nt00410 ?
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