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04/02/2020 | FRANCE | N°19NT01144

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 04 février 2020, 19NT01144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1900853 du 21 février 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars

2019, M. B..., représenté par Me Tuyaa Boustugue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1900853 du 21 février 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2019, M. B..., représenté par Me Tuyaa Boustugue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 14 février 2019 portant transfert en Suède ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile dans le délai de 3 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'indique pas pour quelles raisons l'acte de vente qu'il a produit ne permet pas d'établir qu'il a quitté la Suède, est insuffisamment motivé ;

- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 19 du règlement du

26 juin 2013 dès lors qu'il a établi par la production d'un acte de vente d'une parcelle en Guinée avoir quitté la Suède ;

- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison d'un risque de refoulement dans son pays d'origine compte tenu du rejet de sa demande d'asile ; il existe un risque au regard de ces dispositions en cas de retour dans son pays d'origine compte tenu des tensions interethniques et des violences commises à l'encontre des Peuls, ethnie à laquelle il appartient ;

- l'arrêté litigieux est contraire aux dispositions de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 compte tenu de son état de santé ; sa demande d'asile ayant été rejetée en Suède, il ne pourra y être pris en charge médicalement ; son transfert vers la Suède aggravera sa santé psychique ; l'arrêté portant obligation de quitter le territoire pris en Suède impliquera son renvoi en Guinée où ses troubles psychiques ne pourront être soignés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Elle s'en remet à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre de la préfète d'Ille-et-Vilaine du 23 mai 2019 indiquant que l'intéressé est en fuite de sorte que son délai de transfert a été prolongé jusqu'au 21 août 2020.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les observations de Me Niguès, substituant Me Tuyaa Boustugue, conseil de

M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 21 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2019 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour écarter le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 invoqué par M. B..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a estimé qu'en se prévalant de la production d'un acte de vente d'une parcelle, signé le

8 septembre 2016, l'intéressé n'établissait pas qu'il aurait quitté la Suède. Ce faisant, il a répondu au moyen tel qu'il était soulevé par l'intéressé dans ses écritures de première instance. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et, par suite, entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. /Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. /3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. /Toute demande introduite après qu'un éloignement effectif a eu lieu est considérée comme une nouvelle demande et donne lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. ".

4. M. B... conteste la responsabilité de la Suède dans l'examen de sa demande d'asile. Il soutient qu'il est entré en Suède en 2009 avec un passeport revêtu d'un visa pour y rejoindre son épouse, Mme G... D..., dont il a divorcé ultérieurement. Il ajoute qu'il est resté en Suède où sa demande d'asile déposée le 20 août 2014 a été rejetée et qu'il a quitté ce pays en 2017 pour regagner le Mali puis la Guinée. Il serait resté dans son pays d'origine jusqu'au

1er septembre 2018 avant d'entrer en France le 8 janvier 2019 après avoir traversé le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc et l'Espagne. S'il est constant que les autorités suédoises ont accepté sa reprise en charge sur le fondement de l'article 18.1 d) du règlement du 26 juin 2013, confirmant ainsi le rejet de sa demande d'asile, la seule production d'une attestation de cession d'une parcelle, conclue avec M. C... le 8 septembre 2016 à Dubrêka en République de Guinée, indiquant que M. B... exerçant la profession de marchand était domicilié .à Conakry, et dont l'authenticité est contestée, ne suffit pas à établir qu'il aurait effectivement quitté le territoire des Etats membres après l'exécution par les autorités suédoises d'une mesure d'éloignement à destination d'un Etat tiers au sens du 3 de l'article 19 précité du règlement du 26 juin 2013 Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé aurait quitté la Suède pendant une durée d'au moins trois mois au sens du 2 du même article. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe, cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. Si M. B... fait valoir qu'il craint pour sa vie en cas de renvoi par les autorités suédoises en République de Guinée en raison de ses origines peules et des tensions interethniques et des violences qui y existent, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers son pays d'origine mais seulement de prononcer son transfert en Suède. Par ailleurs il n'établit pas qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités suédoises tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut dans son pays d'origine. De même, M. B..., qui ne produit aucun certificat médical à l'appui de ses allégations, n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier en Suède d'un traitement adapté à son état de santé. Enfin, il ne justifie ni de la relation stable qu'il allègue avec une compatriote, Mme A... D..., ni de l'impossibilité pour cette personne de le rejoindre en Suède durant le réexamen de sa demande d'asile. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la préfète d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent également être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

8. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2020.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT01144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01144
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : TUYAA BOUSTUGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-04;19nt01144 ?
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