Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.
Par un jugement n° 1902283 du 19 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté (article 1er), enjoint au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2) et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2019, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution de l'article 2 du jugement ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de fait concernant l'opposabilité de la situation de l'emploi et une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte les différents éléments de diplôme et d'emploi et le caractère d'incompatibilité qu'ils présentent ;
- en ce qui concerne le personnel polyvalent de restauration, il existe 169 offres d'emploi enregistrées par l'observatoire des Pays de la Loire de Pôle Emploi pour 479 demandes d'emploi enregistrées ;
- le poste d'employé polyvalent en restauration proposé ne requiert pas une formation supérieure à celle d'un brevet d'études professionnelles ou d'un certificat d'aptitude professionnelle ; M. A... a suivi une formation universitaire en matière gastronomique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 600 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les conclusions présentées par le préfet de Maine-et-Loire tendant au sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement attaqué ne sont pas recevables dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions des articles R. 811-17-1 et R. 811-15 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 31 juillet 2017, M. A..., ressortissant mauricien, né le 8 février 1989, a sollicité, le 30 septembre 2015, un changement de statut pour celui de salarié, en se prévalant d'un contrat à durée indéterminée. Par un arrêté du 28 août 2018, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 19 juillet 2019, dont le préfet relève appel, le tribunal a annulé l'arrêté (article 1er), enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2) et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est formée après que la partie concernée ou son mandataire a eu connaissance de la date d'audience et moins d'un mois avant celle-ci, il est statué sur cette demande selon la procédure d'admission provisoire. ". M. A... n'a déposé sa demande d'aide juridictionnelle que le 20 décembre 2019 auprès du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes. En application de l'article 41 du décret du 19 décembre 1991, il y a lieu de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants mauriciens : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail, qui a remplacé l'article L. 341-2 du même code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11 le préfet prend en compte les éléments d'appréciations suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulé , compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (...) ". L'article R. 5221-21 du même code prévoit que : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables lorsque la demande d'autorisation de travail est présentée au bénéfice de : (...) 3° L'étudiant visé au septième alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, titulaire d'un diplôme obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie le montant de la rémunération minimale mensuelle ".
4. M. A... a, à l'expiration de son titre de séjour en qualité d'étudiant, demandé la délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir un contrat à durée indéterminée à compter du 7 octobre 2016 obtenu auprès de la société Minos pour occuper un poste de " employé polyvalent " à temps partiel et pour une rémunération brute de 838,10 euros par mois.
5. Il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la polyvalence des tâches qu'il devait accomplir au sein d'une société spécialisée dans la restauration rapide, de telles tâches sont inférieures à un niveau professionnel qui sont susceptibles d'être exercées par un titulaire d'une licence en " Métiers des arts culinaires et des arts de la table " obtenue par M. A... à l'université d'Angers. Dès lors, le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision refusant de délivrer un titre de séjour, sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du motif relatif à l'inadéquation du profil de M. A... avec l'emploi.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
7. Si M. A... soutient que l'arrêté est illégal en ce qu'il omet de viser l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels, signé à Paris le 23 septembre 2008, une erreur dans les visas d'une décision administrative est sans influence sur la régularité de celle-ci.
8. L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels du 23 septembre 2008 n'étant pas le fondement de l'arrêté contesté, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " manque de base légale.
9. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui vise notamment le 1° de l'article L. 313-10, l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise notamment que, d'une part, le profil universitaire de M. A... n'est pas en adéquation avec un nouveau contrat de travail à durée indéterminée pour occuper un emploi polyvalent dans la restauration, qui ne requiert pas une formation au-delà de la scolarité obligatoire et, d'autre part, du niveau de rémunération prévu qui est inférieur à une fois et demi le montant de la rémunération minimale mensuelle. Dès lors, elle comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.
10. Il résulte de l'instruction que le préfet de Maine-et-Loire aurait pris la même décision sur le seul motif tiré de ce que le profil universitaire de M. A... n'est pas en adéquation avec un nouveau contrat de travail à durée indéterminée pour occuper un emploi polyvalent dans la restauration. Par suite, M. A... ne peut utilement, d'une part, contester l'autre motif relatif à l'insuffisance de la rémunération prévue dans le contrat de travail par rapport à une fois et demi le montant de la rémunération minimale mensuelle et, d'autre part, invoquer l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande de M. A... a été formulée, compte tenu des spécificités requises pour l'emploi considéré, qui aurait été commise par le préfet.
11. La présence de M. A... en France depuis le 4 octobre 2015 résulte de l'obtention puis du renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étudiant qui ne lui a pas donné vocation à y résider durablement. Si M. A... se prévaut d'une situation de concubinage avec une compatriote depuis six ans, il ne précise pas la situation administrative de celle-ci en France. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et une soeur et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Ainsi, malgré ses succès universitaires et son insertion professionnelle du fait de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
14. La décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 28 août 2018.
Sur les conclusions aux fins de surseoir à l'exécution du jugement attaqué :
16. Le présent arrêt statue au fond sur les conclusions du préfet de Maine-et-Loire tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2019. Par suite, les conclusions du préfet tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 2 du jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : M. A... est admis à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2019 est annulé.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par le préfet de Maine-et-Loire aux fins de sursis à exécution de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juillet 2019.
Article 4 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 janvier 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03278