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30/01/2020 | FRANCE | N°19NT02490

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 janvier 2020, 19NT02490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Tanger du 25 septembre 2018 refusant de lui délivrer un visa de retour sur le territoire français ainsi que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née du silence gardé sur son recours formé contre la décision des autorités consulaires.

Par un jugement n°1900916 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Na

ntes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Tanger du 25 septembre 2018 refusant de lui délivrer un visa de retour sur le territoire français ainsi que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née du silence gardé sur son recours formé contre la décision des autorités consulaires.

Par un jugement n°1900916 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 25 septembre 2018 des autorités consulaires françaises à Tanger ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa de long séjour ou tout autre document lui permettant de retourner en France ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ les décisions contestées sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

­ étant titulaire d'une carte de résident sur le territoire français en cours de validité, les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le titulaire d'une carte de résident est libre de quitter le territoire français et d'y pénétrer à nouveau, de sorte qu'un visa de retour ne pouvait lui être opposé ;

­ pour refuser de lui délivrer un visa de retour, le motif tiré de la menace pour l'ordre public ne pouvait lui être opposé, les faits qui lui sont reprochés ne pouvant donner lieu à une interdiction du territoire français ;

­ il remplit les conditions pour obtenir un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ compte tenu de sa situation familiale, de ses conditions de séjour en France et de l'absence d'attache dans son pays d'origine, les décisions contestées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Le Défenseur des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 17 décembre 2019.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant marocain né le 15 septembre 1984, a sollicité, le 29 août 2018, auprès des autorités consulaires françaises à Tanger la délivrance d'un visa " de retour " sur le territoire français. Par une décision du 25 septembre 2018, les autorités consulaires ont refusé de lui délivrer ce visa. M. B... a formé, le 26 octobre 2018, un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui l'a rejeté par une décision implicite. M. B... relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision des autorités consulaires et de celle de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".

3. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substitué à la décision du 25 septembre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Tanger ont refusé de délivrer le visa " de retour " sollicité. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions du requérant dirigées contre la décision des autorités consulaires. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur que, pour refuser de délivrer à M. B... un visa " de retour ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que la présence en France de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public alors que, sauf le cas prévu à l'article L. 211-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont ne relève pas la situation du requérant, aucune disposition législative ne prévoit la délivrance d'un visa " de retour ".

5. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Selon l'article L. 212-1 de ce code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage. ". Aux termes de l'article L. 213-1 du même code : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet soit d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, soit d'un arrêté d'expulsion, soit d'une interdiction de retour sur le territoire français, soit d'une interdiction de circulation sur le territoire français, soit d'une interdiction administrative du territoire. ". En vertu de l'article L. 213-2 de ce code : " Tout refus d'entrée en France fait l'objet d'une décision écrite motivée prise, sauf en cas de demande d'asile, par un agent relevant d'une catégorie fixée par voie réglementaire. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. Entre dans ces prévisions l'étranger qui, bien qu'ayant égaré son titre de séjour, produit des pièces établissant la validité de ce titre. En ce cas, les autorités consulaires ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger. Il appartient seulement à l'autorité compétente visée par les dispositions de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et selon la procédure décrite à l'article L. 213-2 du même code, de pouvoir s'opposer à son entrée en France si l'étranger présente une menace pour l'ordre public.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de sa demande, M. B... était titulaire d'une carte de résident valable du 28 mai 2012 au 27 mai 2022. Il ne ressort pas, par ailleurs, de ces mêmes pièces que l'intéressé, qui fait valoir sans être utilement contredit, avoir effectué un voyage au Maroc au cours de l'été 2018, aurait perdu son droit au séjour à raison du fait qu'il aurait, à la date de sa demande, quitté le territoire français depuis plus de trois ans. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les autorités consulaires ne pouvaient refuser à M. B..., qui était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, le visa qu'il sollicitait. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement, quel que soit le motif invoqué, rejeter son recours dirigé contre cette décision.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique pour son exécution, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa à M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt pour lui permettre de retourner sur le territoire français.

Sur les frais liés au litige :

10. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 mai 2019 et la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa à M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt pour lui permettre de retourner sur le territoire français.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... , au défenseur des droits et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 janvier 2020.

Le rapporteur,

M. E...

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT02490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02490
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 ÉTRANGERS. ENTRÉE EN FRANCE. VISAS. - ETRANGER AYANT ÉGARÉ SON TITRE DE SÉJOUR MAIS ÉTABLISSANT ÊTRE TITULAIRE D'UN TITRE EN COURS DE VALIDITÉ - A) COMPÉTENCE LIÉE DES AUTORITÉS CONSULAIRES POUR ACCORDER LE VISA D'ENTRÉE EN FRANCE - EXISTENCE. B) REFUS DU VISA FONDÉ SUR DES MOTIFS TIRÉS DE L'ORDRE PUBLIC - LÉGALITÉ - ABSENCE.

335-005-01 a) Il résulte des dispositions combinées des articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. Entre dans ces prévisions l'étranger qui, bien qu'ayant égaré son titre de séjour, produit des pièces établissant être titulaire d'un titre en cours de validité. b) En ce cas, ni le consul, ni la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne disposent du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger.,,,Cf. CE, 22 fév. 2002, M. Houari, n°226419 - B.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : PINTREL DON GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-30;19nt02490 ?
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